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Congo Actualité N. 210

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Une énième loi sur l’amnistie

1. LA CRAINTE D’UNE RESURGENCE DU M23

a. Le retour de certains ayant collaboré avec le M23

b. Le M23 se réorganise à partir des Pays voisins

2. L’ARMÉE LANCE DES OPERATIONS CONTRE LES REBELLES OUGANDAIS DE L’ADF

3. DIVERGENCES ENTRE LES FARDC ET LA MONUSCO? PRIORITÉS DIFFÉRENTES

4. L’ENQUÊTE SUR L’ASSASSINAT DU COLONEL MAMADOU NDALA

5. LE PROJET DE LOI SUR L’AMNISTIE

a. L’iter parlementaire

b. Quelques remarques

 ÉDITORIAL: Une énième loi sur l’amnistie


1. LA CRAINTE D’UNE RESURGENCE DU M23

a. Le retour de certains ayant collaboré avec le M23

Le 8 janvier, l’administrateur du territoire de Nyiragongo, Dominique Bofondo, a affirmé que certains Congolais ayant collaboré avec les rebelles du M23 au moment de l’occupation ont commencé progressivement et clandestinement à regagner le territoire de Nyiragongo. Ces personnes avaient fui ce territoire après la défaite des rebelles du M23 en novembre dernier. L’administrateur Dominique Bofondo a ajouté avoir reçu les instructions du gouverneur Paluku pour accueillir et enregistrer ces retournés. «Pour nous il n’ya pas des problèmes, ce sont nos frères congolais: Nyiragongo c’est leur territoire, ils y sont nés et y ont grandi. Nous avons besoin qu’ils changent tout simplement leur attitude», a affirmé l’administrateur du territoire. Il a par ailleurs expliqué ce que doivent faire ces personnes qui retournent dans leur territoire: «La première des choses c’est de se présenter d’abord au territoire. L’administrateur va les orienter aux services concernés, c’est le service de l’Etat-civil qui va les enregistrer et, dans l’entre temps, on va les contrôler et suivre leurs mouvements». La société civile de Nyiragongo a appelé les autorités provinciales à bien identifier ces personnes qui rentrent. Certains habitants de Rutshuru, eux, redoutent une cohabitation difficile avec ces anciens collaborateurs du M23. L’administrateur du territoire les appelle au calme et assure que ces personnes peuvent rentrer, mais sous contrôle des autorités administrative et sécuritaires.[1]

Le 12 janvier, au cours d’un point de presse à Béni, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, a affirmé que «on les a vus dans les rangs du M23 lorsque ce dernier avait pris la ville de Goma le 20 novembre 2012. Et quand on a chassé le M23 de Goma, eux aussi ont disparu. Maintenant ils sont en train de revenir un à un. Certains de l’Ouganda et d’autres on ne sait pas d’où. Nous les connaissons» et il a confirmé que «comme ce sont des Congolais, on les accueille chez eux. Mais l’on doit les contrôler et les suivre pendant au moins 3 à 6 mois. Ils doivent se présenter chaque vendredi au bureau de l’état civil, pour qu’on sache s’ils sont présents et ce qu’ils font».[2]

b. Le M23 se réorganise à partir des Pays voisins

Le 13 janvier, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York, le représentant spécial des Nations Unies en RDC, Martin Kobler, a fait état «d’informations crédibles selon lesquelles le M23 a continué à recruter» après les accords de paix conclus à Nairobi en décembre et il est redevenu actif dans l’Ituri (nord-est du Congo). Il a ensuite déclaré que la Monusco ne laissera pas les rebelles du mouvement M23 reprendre leurs opérations. Martin Kobler a invité les gouvernements ougandais et rwandais à tout faire pour éviter que des éléments du M23 ne trouvent refuge ou ne s’entraînent sur leur territoire. L’ambassadeur rwandais a vivement réagi à ces déclarations en dénonçant devant le Conseil de sécurité des «allégations non vérifiées».[3]

Le 15 janvier, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu en RDCongo, Abdallah Wafy a condamné la reprise d’activités militaires de l’ancienne rébellion du M23. Il a appelé les pays voisins à la RDC où la présence de certains rebelles a été signalée, à respecter l’accord d’Addis-Abeba. M. Wafy a rappelé que le M23 n’existe plus car il a officiellement signé une déclaration mettant fin à sa rébellion. Malgré cela, l’on constate «des activités y compris parmi les éléments qui ont fui Chanzu dans les pays voisins». Il a aussi évoqué le cas de Sultani Makenga qui se trouve en Ouganda: «En Ouganda, Sultani Makenga est en train de se promener dans cette zone-là. Il devrait être arrêté, c’est un criminel de guerre. Il est recherché. Il y a eu des mandats d’arrêts contre lui, il y a eu des demandes de transfert. Il y a eu des engagements dans l’accord de Addis Abeba. Il faut que tous les pays respectent ces engagements», a martelé le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu en RDCongo.[4]

Le 15 janvier, dans un communiqué de presse publié depuis Genève (Suisse), la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a exhorté les chefs d’Etats de la région des Grands Lacs à ne pas donner asile aux personnes suspectées d’avoir commis des crimes internationaux et de graves violations des droits de l’homme. «Je demande aux États de saisir l’opportunité que représente le sommet de la Conférence internationale de la région des Grands lacs, CIRGL, pour aborder la question de la coopération judiciaire et garantir que des comptes soient rendus pour les crimes internationaux et les graves violations des droits de l’homme commis dans la région», a affirmé Pillay. «Pour citer un exemple récent, le Rwanda et l’Ouganda hébergent actuellement des hauts gradés du groupe rebelle M23 qui figureraient parmi les pires auteurs de violations des droits de l’homme perpétrées en République démocratique du Congo, notamment des massacres, des violences et le recrutement et l’utilisation d’enfants. S’ils continuent à échapper à la justice dans des Etats voisins, ils constitueront une menace pour la sécurité, nuisant aux efforts en faveur d’une paix et d’un développement durables de la région», a ajouté la Haut-commissaire des Nations Unies.[5]

Le 26 janvier, à Goma, l’Envoyé spécial de USA dans la région des Grands Lacs, Russ Feingold, a affirmé que «les Etats Unis d’Amérique sont contre toute tentative de réorganisation de la rébellion du M23 à partir des pays voisins de la RDCongo». Le diplomate américain a insisté sur la nécessité de voir les ex-rebelles du M23 désarmés et intégrer la vie nationale pour ceux qui y sont éligibles. Il a rappelé qu’il n’y aura pas d’amnistie pour tout combattant sur qui pèsent de fortes présomptions de crimes contre l’humanité et autres crimes de guerre. Selon l’Ambassadeur, «les gens du M23 qui ont commis des crimes graves doivent faire face à la Justice». Aussi, a-t-il insisté, les autres éligibles à l’intégration devront signer individuellement un acte d’engagement de ne plus jamais faire partie à un quelconque mouvement rebelle.[6]

2. L’ARMÉE LANCE DES OPERATIONS CONTRE LES REBELLES OUGANDAIS DE L’ADF

La position des ADF (Forces Démocratiques Alliées) la plus proche de Beni est située au village Kambi ya Miba, à environ 35 kilomètres de la ville, dans le secteur de Beni-Mbau. Sur les quatre groupements que compte ce secteur, trois seraient presque totalement occupés par ces combattants ougandais. Dans le secteur de Rwenzori, les ADF sont signalés à Kavuwavuwa, Ntoma, Kisima et Kikingi. Ce dernier village est considéré comme l’une des bases les plus importantes des rebelles ougandais. Au Sud du territoire de Beni, dans la collectivité de Bashu, les ADF sont présents à Mwalika. Ce village est considéré comme l’un des centres d’entraînement de ces rebelles. Dans le groupement de Bambuba-Kisiki, le plus touché par les enlèvements des civils, des combattants ougandais sont signalés dans plus de neuf villages, dont Chuchubo, Makoyova et Makembi, considérés comme des bastions des ADF. La présence de ces rebelles est aussi signalée dans vingt et une des vingt-cinq localités que compte la chefferie de Watalinga.

Selon des sources administratives et de la société civile, depuis 2010 ces rebelles ont enlevé plus de 800 personnes. Parmi elles, trois prêtres du Diocèse de Butembo–Beni depuis octobre 2012.[7]

Le 14 janvier, le chef de chefferie de Watalinga, Mwami Sambili Bamukoka, a demandé aux autorités provinciales et nationales de mieux sécuriser les chefs coutumiers du territoire de Beni. Cinq d’entre eux ont été tué ces six derniers mois par des hommes armés identifiés comme des rebelles ougandais des ADF. L’administrateur du territoire évoque une extermination « planifiée » de ces chefs coutumiers. Le dernier chef coutumier tué est celui de la localité de Kahondo abattu par quatre hommes armés dans son domicile le vendredi 10 janvier dernier. Des sources locales indiquent que les assaillants étaient des rebelles ougandais des ADF. Le chef coutumier de la localité de Bunkoko a été abattu il y a environ deux semaines. Le chef du village Kitimba 4 a été tué le 13 décembre dernier. Avant eux, deux autres chefs coutumiers ont été tués dans le même territoire de Beni. L’administrateur de territoire de Beni confirme les faits et réclame le lancement urgent des opérations contre ces rebelles ougandais.[8]

Le 16 janvier, les Forces Armées de la RDC (FARDC) ont débuté les opérations militaires de désarmement des rebelles ougandais des ADF dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). Les premiers combats entre l’armée congolaise et les rebelles ADF ont eu lieu à Kamango,  près d’Oicha. Un militaire a été tué et une personne otage a été libéré. Le porte-parole de l’armée au Nord Kivu, le colonel Olivier Hamuli, a déclaré que, pour l’instant, on est en train de détruire leurs bases de Nadui, Mwalika et Makolova et il a appelé tous les Congolais qui sont dans les rangs des ADF à déposer les armes.[9]

Le 18 janvier, l’armée congolaise a délogé les rebelles ougandais des ADF de trois localités qu’ils occupaient depuis plusieurs mois. La plus grande position des ADF conquise par l’armée est Mamundioma, village situé à environ 45 kilomètres au Nord-Est de la ville de Beni.

Le village était considéré comme une position stratégique des rebelles ougandais qui l’occupaient depuis bientôt deux ans. Avant de prendre le contrôle de Mamundioma, les Forces armées de la RDC (FARDC) avaient reconquis Kambi ya Mabi, position rebelle la plus proche de la ville de Beni. Le troisième village repris par l’armée est Kalemi, situé à environ 40 Kilomètres de Beni.

Des sources sécuritaires et de la société civile indiquent que ce village ouvre la voie vers Mateba, considéré comme l’un des bastions les plus importants des ADF. La Monusco soutient les militaires congolais dans cette opération contre les ADF. Son porte-parole militaire de la mission onusienne, colonel Felix Basse, évoque un soutien logistique et dans la collecte du renseignement. Il a expliqué que «la Monusco est sur le terrain avec la brigade d’intervention mais aussi avec la brigade du Nord-Kivu et le bataillon népalais qui est déployé au Nord du Nord-Kivu».[10]

Le 18 janvier, le porte-parole des FARDC, le général Léon Kasonga, a affirmé que «Il n’y a pas d’opérations conjointes de l’armée congolaise avec celle ougandaise contre les rebelles des ADF». Il a indiqué que l’opération dénommée «Sokola» [Nettoyez] contre les rebelles ougandais des ADF sera menée du début jusqu’à la fin par les militaires congolais. Selon le général Léon Kasonga, ces opérations visent aussi tous les autres groupes armés actifs dans la zone. L’officier supérieur a ajouté que cette opération «se fait de manière simultanée dans le secteur Ruwenzori, dans le sud de la province du Nord Kivu, et dans la province du Sud-Kivu, en ce qui concerne les FDLR». Le général Kasonga a également annoncé que l’armée vient de prendre contrôle de Mwalika, considéré comme l’un des bastions important des ADF.[11]

Le 20 janvier, quatre jours après le lancement par les FARDC de l’opération “Sokola” [Nettoyez], des sources locales signalent un mouvement des rebelles ougandais des ADF vers la Province Orientale. Ce mouvement des ADF est observé depuis deux jours. Ces rebelles ougandais quittent l’est et se dirigent vers l’ouest du territoire de Beni. L’armée congolaise de son côté assure que toutes les dispositions sont prises pour contrer leur progression et ainsi empêcher tout mouvement des ADF vers d’autres provinces. Le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa a appelé la population de sa juridiction à dénoncer toute présence suspecte des rebelles ougandais des ADF. Il craint, en effet, que les rebelles ne s’infiltrent dans le groupe des déplacés qui arrivent dans la ville.[12]

Le 21 janvier, des sources locales ont indiqué que les rebelles ougandais ADF sont en train de renforcer leurs positions dans plusieurs localités, dont Vutakali, Vudovudo et Gunza,  dans la chefferie de Watalinga, environ 90 km de Beni-ville, dans le Nord-Kivu. Selon les mêmes sources, ces rebelles seraient en train de préparer leur résistance à toute opération de leur désarmement par les FARDC.[13]

3. DIVERGENCES ENTRE LES FARDC ET LA MONUSCO? PRIORITÉS DIFFÉRENTES

Le 13 janvier, l’ambassadeur rwandais près les Nations Unies et membre non permanent du Conseil de Sécurité a accusé la Monusco de négliger les opérations contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Le représentant spécial des Nations Unies en RDCongo, Martin Kobler, a répondu que le démantèlement des FDLR est toujours une priorité pour la Monusco, mais que ces petits groupes dissimulés dans une épaisse forêt vierge sont plus difficiles à traquer que le M23 qui s’apparentait à une petite armée, très structurée et très visible.[14]

Le 15 janvier, au cours de la conférence hebdomadaire de l’ONU, le général Abdallah Wafi, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU chargé de l’est de la RDCongo, a déclaré que la Monusco conditionne le lancement des opérations contre les rebelles rwandais des FDLR à des précisions sur les lieux où ils sont basés. «Les FDLR ne sont pas des groupes militaires organisés comme la rébellion du M23 et la rébellion ougandaise des ADF. Il s’agit plutôt de groupes militaires qui vivent avec femmes et enfants dans des campements situés dans des zones souvent difficiles d’accès. Nous avons besoin d’avoir des renseignements précis sur les lieux où ils se trouvent», a souligné le général Wafi. Selon lui, les opérations contre les FDLR ne peuvent donc pas prendre la même forme comme celles menées contre le M23 et les ADF, au risque de s’en prendre à des femmes et à des enfants. Le général Wafi a pour cela sollicité la collaboration de tous ceux qui peuvent aider à identifier les lieux où se trouvent les rebelles des FDLR.[15]

Le 18 janvier, l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Russ Feingold, a demandé à la Monusco de «redoubler d’efforts» dans la lutte contre les rebelles rwandais des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) présents dans l’Est de la RDCongo. «Contre les FDLR, il faut le même programme que contre le M23», a-t-il affirmé.[16]

Le 22 janvier, répondant à des journalistes qui lui demandaient pourquoi la brigade d’intervention de la Monusco ne participait pas activement à l’offensive lancée le 16 janvier contre l’ADF, le chef de la force militaire de la Monusco, le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, a affirmé que l’armée congolaise pouvait combattre seule les rebelles ougandais des ADF, sans que les Casques bleus prennent une part active aux affrontements, comme le souhaiterait Kinshasa. «La conduite de cette opération revient exclusivement aux FARDC», a ajouté l’officier, rappelant que la Monusco fournissait à l’armée congolaise un soutien logistique (carburant, munitions, alimentation, évacuations sanitaires) et tactique. Le général dos Santos a également dit que plusieurs bataillons de la brigade d’intervention de la Monusco étaient déjà mobilisés contre d’autres groupes armés, notamment les rebelles hutu rwandais des FDLR. L’ONU a fait de la neutralisation des FDLR  un objectif prioritaire, même si les troupes de sa brigade d’intervention, autorisées à recourir à la force de manière offensive, tardent encore à les attaquer de front.[17]

Le 26 janvier, dans une déclaration à la presse, le coordonnateur de la plate-forme de l’opposition Coalition pour le Vrai Dialogue (CVD), Jean- Bertrand Ewanga, a appelé la Monusco à s’impliquer dans l’opération de traque des rebelles ougandais de l’ADF. M. Ewanga a exprimé des inquiétudes sur l’absence sur le terrain des équipes de la Monusco, tout en émettant le souhait de voir continuer la même dynamique qui a permis de défaire le groupe rebelle M23, pour que cette opération donne les résultats escomptés. «Ce qui nous inquiète c’est qu’on dirait que les violons ne s’accordent pas entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et la Monusco», a-t-il souligné.
Le porte-parole du point focal de l’opposition politique du Nord-Kivu, Jean-Paul Lumbu Lumbu, a relevé pour sa part que «l’opposition politique du Nord-Kivu apprécie l’opération militaire des FARDC contre les ADF, car elle attend la récupération et la libération de 800 otages détenus par ces rebelles ougandais». Il a cependant appelé les autorités de l’Ouganda à organiser le dialogue inter-ougandais, à écouter ces rebelles et à trouver des solutions à leurs desiderata pour une paix durable dans la région des Grands Lacs.[18]

Le 29 janvier, au cours de la conférence des Nations unies à Kinshasa, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a affirmé que la priorité de la Monusco en 2014 sur le plan militaire est de lutter contre les rebelles rwandais des FDLR, sans négliger les rebelles ougandais des ADF. Les FDLR sont actives dans les provinces du Maniema, Nord-Kivu et Sud-Kivu et commettent plusieurs exactions sur les populations civiles, notamment viols, assassinats, enlèvements et pillages.[19]

4. L’ENQUÊTE SUR L’ASSASSINAT DU COLONEL MAMADOU NDALA

Dans l’enquête menée par les autorités congolaises sur l’attentat perpétré contre le colonel Mamadou Ndala, mort le 2 janvier dernier dans une embuscade, le Colonel Tito Bizuru, Commandant du 1er Bataillon du 808e Régiment est actuellement détenu comme étant le principal suspect dans l’assassinat du Col Mamadou. Or ce dernier a pour chef hiérarchique direct le Colonel Thomas Murenzi. Tous les deux sont des Tutsi issus du CNDP. Leur ancien chef, le Col RICHARD BISAMAZA (Commandant 1er Secteur-FARDC, tutsi, ex-CNDP) avait fait défection vers le M23 en août 2013. Cependant, ses régiments et ses bataillons sont restés avec les mêmes Commandants et les mêmes hommes de troupes. Si le Col Dieudonné Muhima avait été nommé comme commandant du 808ème bataillon en remplacement du colonel déserteur Richard Bisamaza, la réalité du terrain, selon certains militaires qui ont requis l’anonymat, est qu’il fait de la figuration.

Plusieurs sources avancent que la présence de Mamadou Ndala menaçait l’existence des régiments monoethniques à base Tutsi et l’affairisme qui régnait chez certains hauts gradés de l’armée de cette zone.[20]

Le 18 janvier, le capitaine Moïse Banza, l’aide de camp du commandant Mamadou Ndala, a été interpellé vers midi, en pleine rue, dans un quartier très fréquenté de la capitale Kinshasa. Selon le porte-parole du gouvernement, Moïse Banza était recherché depuis près d’une semaine, pour ne pas avoir répondu à l’ordre de retourner à Beni et de se présenter devant la justice militaire. Moïse Banza gérait la communication de Mamadou. La justice militaire voulait l’interroger dans le cadre de l’enquête sur la mort du Colonel Mamadou et par rapport à une plainte pour vol des effets personnels de son ancien chef. Proche collaborateur de Mamadou Ndala, ces dernières semaines Moïse Banza se disait menacé au titre de cette proximité avec son ancien chef. Il avait fait des demandes d’asile politique auprès de différentes ambassades. L’interpellation de Moïse Banza a eu lieu alors que des équipes de RFI et de France 24 se trouvaient sur place, car le capitaine Moïse Banza leur avait donné rendez-vous pour parler de la mort du commandant Mamadou Ndala. Des hommes armés en civils ont pris d’assaut le véhicule dans lequel se trouvaient Moïse Banza et les deux journalistes. Moïse Banza est alors sorti de la voiture, tentant de s’échapper. Des tirs ont retenti avant que des hommes armés, certains en tenue militaire, ne le capturent et le rouent de coups. ll avait résisté, il devait être maîtrisé, explique Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais.[21]

Le 23 janvier, Reporters Sans Frontières (RSF) a condamné les récentes manœuvres de certaines autorités militaires et administratives du Nord Kivu destinées à empêcher la recherche et la diffusion de toute information relative à l’assassinat du colonel Mamadou Ndala. «Nous dénonçons vivement les menaces proférées par certains représentants civils et officiers militaires à l’encontre des journalistes qui ont couvert l’assassinat du colonel Ndala et l’enquête en cours. Les médias doivent pouvoir mener leur travail d’investigation et parler librement de cette affaire sans être harcelés quotidiennement», a déclaré Reporters sans frontières.

Le 15 janvier, le colonel Olivier Amuli, porte-parole des FARDC au Nord-Kivu a publiquement menacé Austere Malivika, correspondant pour Voice of America et Keny Katombe, correspondant pour Reuters. Il leur a reproché de « fourrer le nez dans leurs dossiers », notamment de rapporter sur les opérations des FARDC contre les rebelles ougandais des ADF. Il les a menacés de subir le même sort que Moussa Kaka, emprisonné au Niger, ou que Ghislaine Dupont et Jean Hélène assassinés respectivement au Mali et en Côte d’Ivoire. Cette menace publique fait suite à plusieurs tentatives d’intimidations téléphoniques de la part du colonel Amuli, notamment au sujet des images filmées quelques minutes après l’attaque du convoi du colonel Ndala, que le haut gradé voulait interdire. Contacté par Reporters sans frontières, le porte-parole des FARDC de la 8e région militaire a nié toute menace envers les journalistes et a assuré à l’organisation de son « bon partenariat » avec ceux-ci. Le colonel Dieudonné Muhima aussi a sollicité le maire de Béni, afin qu’il empêche les journalistes locaux de s’immiscer dans ce dossier.

Le 7 janvier, le gouverneur du Nord-Kivu Julien Paluku Kahongya a demandé aux journalistes de la région de ne plus évoquer l’assassinat du colonel Ndala au motif que « la diffusion de nouvelles sur le sujet entravait l’enquête », avant de se rétracter lors d’une conférence de presse le 9 janvier au lendemain d’une conversation avec Reporters sans frontières.

Le 4 janvier, un journalistes freelance, Alain Wandimoyi, et Albert Kambale travaillant pour l’Agence France Presse (AFP), avaient été menacé par des agents de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) à Butembo, en exigeant de leur remettre leur matériel de reportage.[22]

Laurent Touchard, expert en terrorisme et histoire militaire, a fait une analyse détaillée de la vidéo tournée quelques minutes après l’attentat qui a coûté la vie à Mamadou Ndala. Tout d’abord, sur la portion de route où survient l’embuscade (la « kill zone »), la végétation est dense à droite (par rapport au trajet du véhicule de Ndala), sur une grande surface. L’emplacement n’a donc pas été choisi par hasard.

Laurent Touchard trace un possible enchaînement des événements. L’officier se trouve à l’hôtel Albertine. Le 2 janvier, il doit se rendre à Eringeti afin d’y étudier la zone de desserrement des unités sous ses ordres ainsi que le terrain des futures opérations contre les ADF-Nalu. Le déplacement jusqu’à Eringeti se fera avec trois 4×4. Tous semblent armés d’une mitrailleuse lourde DShKM (ou sa copie chinoise Type 54) et une dizaine d’hommes monte à bord de chacun. Mamadou Ndala s’installe dans la cabine d’une Toyota blanche. Un fanion rouge est fixé à son antenne. Si elle indique à ses hommes qu’il s’agit du véhicule de commandement, elle désigne aussi clairement une cible de choix à d’éventuels ennemis… Impossible de se tromper pour quiconque voudrait attaquer.

Mamadou Ndala et son escorte quittent l’hôtel Albertine à Boikene avant midi, au milieu de nombreux curieux, enthousiastes de voir leur héros. Mais, parmi ceux qui observent le départ de la section, il en est qui donnent le signal à ceux qui attendent, quelques kilomètres plus loin : la cible part. En outre, plusieurs observateurs peuvent avoir épié le long de l’itinéraire, informant l’équipe chargée de l’embuscade de la progression du convoi et, surtout, de la position du véhicule de Ndala: le dernier du convoi. Un premier, puis un deuxième pickup passent. Leurs occupants ne remarquent rien de suspect, ce qui laisse supposer que les agresseurs attendent, tapis dans la végétation. Ces agresseurs sont probablement deux. L’un sert le RPG-7 (ou sa copie chinoise Type 69). L’autre dispose d’un fusil d’assaut et de roquettes supplémentaires. Il couvre le tireur RPG avec son arme automatique tout en étant prêt à recharger le lance-roquette, au besoin. Arrive le 4×4 de Ndala. Concentrés, les tueurs savent qu’il est à bord et que l’affaire sera relativement simple: en queue de colonne, leur cible est plus vulnérable. Ils auront davantage le temps de se carapater sitôt le traquenard refermé. Une embuscade de type « hit and run, « Frapper et se barrer ». La Toyota est désormais à moins d’une vingtaine de mètres en face. À cette distance il est quasiment impossible de la manquer. Les agresseurs n’ont pas visé la cabine, mais le moteur, n’ignorant pas que, contre cette masse de métal, l’effet du projectile à charge creuse sera maximisé. La déflagration, la fumée, les blessés, la confusion… Les tueurs ont déjà pu fuir de la « kill zone », à l’abri des herbes hautes et des arbres.

Selon Laurent Touchard, l’arme utilisée pourrait être une simple roquette PG-7 (ou copie chinoise). Contrairement à ce qui est imaginé, une roquette antichar à charge creuse ne va pas systématiquement transformer un véhicule non blindé en un amas de métal. Un projectile à charge creuse peut transpercer les flancs d’une cabine de camion, de pickup ou de voiture sans détonner. Il déchire le métal, sans autre effet. Après le tir, une roquette PG-7, munition à charge creuse, se transforme en un jet constituant un véritable dard de métal en fusion. La tête de celui-ci va jusqu’à 10 kilomètres/seconde (36.000 km/h), tandis que la température monte jusqu’à 700°. Contre un véhicule léger, les effets d’une charge creuse sont donc optimisés en visant la partie la plus « dense », à savoir, le bloc moteur. Ce qui permet au dard de se « frayer un chemin » jusqu’à la cabine dont l’intérieur est constellé des éclats de métal du moteur et de gouttelettes de métal en fusion susceptibles d’enflammer tout ce qui est combustible. Concernant le carburant, l’incendie sera plus ou moins prononcé selon la vitesse du véhicule (avec, donc, plus ou moins de carburant dans le circuit d’alimentation). C’est ce qui explique pourquoi la Toyota de Mamadou Ndala est relativement intacte à l’extérieur.

En ce qui concerne l’embuscade, indéniablement, elle a bien préparée, avec du renseignement, une organisation tactique et des tueurs efficaces. L’action des assassins a également été facilitée par le manque de mesures de précaution (séjourner dans un lieu moins fréquenté, partir à l’aube plutôt qu’en plein jour, voyager dans un véhicule semblable aux autres, sans fanion de commandement et placé au milieu du convoi).

Toutefois, ces constatations ne suffisent pas à désigner précisément un commanditaire. Les FARDC mais aussi l’ensemble des groupes rebelles du pays possèdent des RPG-7/Type 69 et des roquettes PG-7. De fait, si la piste d’un règlement de compte interne au FARDC est à privilégier, il convient de ne pas totalement écarter celle de hauts responsables de la hiérarchie militaire, des ADF-Nalu, ou celle de certains membres du M23. L’une n’empêche d’ailleurs pas l’autre. C’est là que réside la seule certitude sur cette affaire : ceux qui ont tué Mamadou Ndala ont bénéficié de complicités au sein des forces de sécurité.[23]

5. LE PROJET DE LOI SUR L’AMNISTIE

a. L’iter parlementaire

Le 7 et le 9 janvier, le Sénat a examiné le projet de loi sur l’amnistie pour faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques. La ministre de la justice, Wivine Mumba Matipa, a répondu aux préoccupations des sénateurs en rapport avec le dit projet de loi.

La ministre de la justice a d’abord défini l’amnistie comme l’acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer sous peine de sanctions. Elle a ajouté que les clauses d’amnistie ont pour objet, une fois le règlement du conflit terminé, d’empêcher que la recherche de nouveaux griefs ne rallume les hostilités entre les belligérants. C’est une mesure d’apaisement à la fin d’un conflit. Selon la Ministre, le buts poursuivis par le projet de loi de l’amnistie sont, entres autres: apaiser de manière définitive le climat de tension qui a prévalu dans les rapports entre Etats, entre Etats et individus ou entre individus eux-mêmes après la lutte; affirmer la volonté d’un retour à la normale, réconcilier le corps social, l’amnistie étant considérée comme un artifice pour pouvoir continuer à vivre ensemble après la lutte, etc. L’amnistie est donc un acte législatif qui arrête les poursuites, voire la possibilité de poursuites et supprime les condamnations existantes, dans l’intérêt de la cohésion, de la paix et de la démocratie. «Le projet de loi a été élaboré dans le souci de faciliter la cohésion entre les nationaux. C’est la cohésion nationale qui est recherchée avant tout», a précisé la Ministre.

Selon la Ministre de la Justice, Wivine Mumba Matipa, cette loi est l’émanation des recommandations des concertations nationales et des engagements pris par la RDCongo aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et des déclarations unilatérales de Nairobi. Ce projet de loi comporte sept articles et porte sur certaines infractions commises en RDCongo par les Congolais résidant au pays ou à l’étranger. Toutefois, ce projet de loi exclut de son champ d’application, les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, dont l’utilisation, la conscription ou l’enrôlement d’enfants soldats, le recours à la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, les viols et autres violences sexuelles. Cette loi exclut aussi les infractions de trahison, de détournement des deniers publics, de trafic des stupéfiants et les infractions contre la réglementation du change. Les condamnés fugitifs et latitans ne bénéficierons non plu de cette loi.

Il vise seulement les faits infractionnels amnistiés qui ne font pas encore l’objet des poursuites et ne peuvent plus être poursuivis. Si les poursuites sont en cours, précise cette loi, elles cessent immédiatement. Aussi, les personnes non encore poursuivies peuvent également en bénéficier. Elle a rassuré que toutes condamnations non encore revêtues de l’autorité de la chose jugée sont anéanties et celles devenues irrévocables sont considérées comme n’ayant jamais été prononcées.

Mais, les faits amnistiés, bien qu’ayant perdu leur caractère infractionnel, a expliqué la ministre, laissent subsister la responsabilité civile de leurs auteurs, lesquels sont tenus à la réparation des préjudices subis par les victimes. Toute personne victime de faits infractionnels commis par les bénéficiaires de la loi d’amnistie a la possibilité de saisir les juridictions étatiques territorialement et matériellement compétentes pour obtenir réparation, en vertu de l’article 258 du Code civil congolais. Toutefois, ce sont les victimes qui devront elles-mêmes ou par leurs conseils interposés, démontrer l’existence des faits délictuels, le préjudice subi, le lien de causalité, ou de cause à effet, entre le fait commis et le préjudice subi. Dans le chef des Congolais, plusieurs candidats concernés par la loi d’amnistie sont des récidivistes. L’interrogation que l’on se pose est de savoir: Peut-on commettre autant de crimes sans justice pour bénéficier de l’amnistie au nom de la cohésion nationale? À en croire Wivine Mumba Matipa, dans le contexte particulier du présent projet de loi, le gouvernement n’a pas voulu aborder la notion de récidive, car s’il intégrait la récidive, certains membres des groupes rebelles qui font partie des milices antérieures n’en seraient pas bénéficiaires. Toutefois, l’un des effets novateurs du présent projet de loi, c’est d’affirmer que la récidive ne serait pas admise à l’avenir. Les auteurs et co-auteurs ou complices des crimes visés devront, en effet, prendre l’engagement formel de ne plus réitérer les faits ainsi amnistiés. Pour certains Sénateurs, ce projet de loi est sélectif. Il y a, en effet, des compatriotes qui n’ont pas commis de si graves actes de trahison comme les rebelles du M23 mais qui semblent ne pas bénéficier de ce pardon. «Comment peut-on ne pas amnistier tant des prisonniers qui n’ont pas tué comme les rebelles du M23?», s’est-on interrogé à la Chambre haute du Parlement.[24]

Le 23 janvier, par 67 voix pour, zéro voix contre et 5 abstentions, le Sénat a adopté la loi sur l’amnistie. Trois lois avaient été promulguées dans le passé. Un Décret – Loi n° 03-001 du 15 avril 2003 portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion, sera remplacé par la loi n. 05/023 du 19 décembre 2005, portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion et couvrant la période allant du 20 août 1996 au 20 juin 2003, cette dernière date étant considérée comme celle marquant le début de la Transition. La loi n. 09/003 du 7 mai 2009 portait amnistie pour faits de guerres et insurrectionnels commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu pendant la période allant du mois de juin 2003 au 07 mai 2009.[25]

Les trente personnes jugées et condamnées en janvier 2003 pour l’assassinat, en janvier 2001, du président Laurent Désiré Kabila, s’inquiètent d’avoir été laissées à l’écart du projet de loi d’amnistie. Pour l’avocat Eric Miza qui représente dix-huit des personnes condamnées, les sénateurs auraient dû inclure ces condamnés, et ce, au nom de la cohésion nationale. Il espère que les députés rectifieront le tir en deuxième lecture.[26]

Le 30 janvier, la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) de l’Assemblée Nationale a examiné en deuxième lecture le projet de loi sur l’amnistie lui envoyé par la Sénat après l’avoir approuvé. L’article premier a divisé les députés de la majorité présidentielle (MP) et de l’opposition. Il stipule: «Sont amnistiés les faits insurrectionnels, les faits de guerre et les infractions politiques commis sur le territoire de la République démocratique du Congo au cours de la période allant du 1er juillet 2003 au 20 décembre 2013». Au terme du débat, deux tendances se sont dégagées. L’opposition, tout en soutenant le projet voté par le Sénat, plaide pour que le caractère infractionnel et la dimension pénale soit rétroactivement enlevé à certains faits commis depuis 2001 au lieu de 2003 (voté par le Sénat). La Majorité Présidentielle défend l’année 2009 à nos jours comme période devant être couverte par l’amnistie. Une quarantaine de députés de l’Opposition politique, dont les membres du groupe parlementaire UDPS et Alliés, ont suspendu leur participation aux travaux de la Commission PAJ, parmi lesquels on compte Alexis Lenga wa Lenga, Jean-Claude Vuemba, Lubaya Claudel André, Franck Diongo, Martin Fayulu, Albert Fabrice Puela, Omer Egwake, Eve Bazaiba, Clément Kanku, Lumeya-dhu-Maleghi, Laurent Batumona, Mayo Mambeke… pour ne citer qu’eux. «Nous ne voulons pas d’une loi sélective qui, en favorisant les rebelles du M23, n’amènera ni l’unité nationale, encore moins la cohésion nationale» a affirmé Emery Ukundji, député de l’opposition, qui souhaite que cette loi d’amnistie «contribue non seulement à mettre fin à la guerre mais aussi réconcilier toutes les couches sociales de la RDCongo». De leur côté, les députés de la MP rejettent l’accusation du caractère sélectif de la loi d’amnistie. Ils estiment que la période d’amnistie que propose la majorité est la suite normale des autres lois d’amnistie déjà promulguées en 2005 et 2009. «On amnistie pas les hommes. Ce sont les faits qui sont amnistiés et les individus en sont les bénéficiaires. Ce qui nous semble plausible au niveau de la MP, c’est de partir du 8 mai 2009 jusqu’au 20 décembre 2013», a affirmé Jean Kimbunda, député de la MP, en expliquant qu’en 2005, une loi d’amnistie de portée générale avait déjà été prise et est mise en exécution et qu’une nouvelle loi d’amnistie a été prise en 2009 jusqu’au 7 mai 2009. Sans se rappeler que la loi de 2009 limitait son champ aux infractions commises aux seul Nord-Kivu e Sud-Kivu, il a nié que cette loi soit avantageuse pour les rebelles du M23.[27]

Le 3 février, l’Assemblée Nationale a approuvé la loi sur l’amnistie qui couvrira la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013.[28]

b. Quelques remarques

Une loi d’amnistie, en principe, n’est envisageable qu’une fois la nation acquiert la certitude que «la guerre est finie». Or, dans le cas du M23, on en est encore loin. Le dernier rapport des experts de l’ONU indique clairement que le Rwanda et l’Ouganda continuent de renforcer militairement le M23. De son côté, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a fait entendre que le M23 mène, à nouveau, des incursions dans l’Est du Congo, notamment dans le District de l’Ituri. Dès lors, le projet de loi voté par le sénat congolais, au profit d’un groupe armé toujours actif, résonne comme une promesse de Kinshasa selon laquelle l’amnistie est déjà acquise d’avance, quoi qu’il en soit.

Certains combattants en seraient à leur cinquième agression contre le Congo, après avoir servi dans les rangs de l’AFDL (Première Guerre du Congo), du RCD (Deuxième Guerre du Congo), des groupes armés comme l’UPC-Thomas Lubanga, du CNDP-Laurent Nkunda et maintenant du M23. Toutefois, même récidivistes, ils pourront bénéficier de la loi d’amnistie et redécouvrir ainsi le même «Congo-Etat-faible» qu’ils commençaient pourtant à craindre, après la récente offensive «musclée » des FARDC appuyées par la brigade d’intervention de la Monusco.[29]

La Loi d’Amnistie adoptée au Sénat est perçue par beaucoup comme un texte fait sur mesure, en vue de répondre aux revendications du M23, telles que consignées dans les «Déclarations de Nairobi» signées séparément le 12 décembre 2013 par le même M23 et le gouvernement congolais.

Il faut rappeler que le signataire de la déclaration du M23 n’était personne d’autre que Bertrand Bisimwa, un des cadres du mouvement pourtant inscrit sur la liste établie et diffusée en son temps par le gouvernement congolais et l’excluant du bénéfice de l’amnistie. L’ironie du sort a voulu que le Sénat adopte cette loi au moment où le colonel Sultani Makenga et ses hommes viennent de relancer les hostilités au Nord-Kivu, sous le pseudonyme de l’ADF-Nalu. On se demande quelle valeur juridique et politique accorder encore à une loi déjà foulée aux pieds par les ex-rebelles du M23, avant sa promulgation par le Chef de l’Etat. Les ex-rebelles du M23 sont désormais couverts par un texte qui a absous leurs crimes, en les intégrant dans le paquet de «faits de guerre», un terme générique qui sème une grande confusion dans les esprits.

Il n’est pas normal de parler de «faits de guerre» pour des affiliés d’un mouvement insurrectionnel comme le M23, coupables pendant dix-huit mois de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, violences sexuelles, vols, tortures, pillages des minerais, enrôlement d’enfants, destructions méchantes d’infrastructures de base, incendies des villages…  L’éligibilité à la loi d’amnistie de compatriotes et faux Congolais ayant pris les armes contre la République est une insulte à la mémoire des victimes de leur barbarie. Elle s’apparente à une prime spéciale aux auteurs d’actes d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, de soulèvement armé contre l’autorité établie, de désobéissance à la hiérarchie militaire, de pillages du patrimoine collectif. Au même moment, la loi oublie des millions de concitoyens morts, violés, torturés, mutilés. Pourtant, le bon droit aurait voulu que le législateur puisse envisager pour eux-mêmes ou pour les membres de leurs familles, des compensations financières pour les préjudices physiques et moraux subis. A cet effet, les fortunes amassées par les ex-rebelles du M23 suite au trafic illicite des minerais devraient être mises à contribution pour dédommager leurs victimes.[30]


[1] Cf Radio Okapi, 08.01.’14

[2] Cf Xinua – Kinshasa, 13.01.’14

[3] Cf Radio Okapi, 13.01.’14; Karim Lebhour – RFI – New York, 14.01.’14

[4] Cf Radio Okapi, 15.01.’14

[5] Cf Radio Okapi, 16.01.’14

[6] Cf ACP – Goma, 27/01/2014 (via mediacongo.net)

[7] Cf Radio Okapi, 18.01.’14

[8] Cf Radio Okapi, 14.01.’14

[9] Cf Radio Okapi, 17.01.’14; AFP – Goma, 18.01.’14

[10] Cf Radio Okapi, 18.01.’14

[11] Cf Radio Okapi, 19.01.’14

[12] Cf Radio Okapi, 20 et 21.01.’14

[13] Cf Radio Okapi, 22.01.’14

[14] Cf Radio Okapi, 13.01.’14; Karim Lebhour – RFI – New York, 14.01.’14

[15] Cf Xinua – Congoforum, 16.01.’14

[16] Cf Radio Okapi, 18.01.’14

[17] Cf AFP – Kinshasa, 22.01.’14

[18] Cf Pana – Kinshasa, 28.01.’14

[19] Cf Radio Okapi, 29.01.’14

[20] Cf Jean Jeacques Wondo – Desc-Wondo, 17.01.’14

[21] Cf RFI, 20.01.’14

[22] Cf Congo24.net, 27.01.’14

[24] Cf La Prospérité – Kinshasa, 08.01.’14 (via mediacongo.net); L’Avenir Quotidien – Kinshasa – Africatime, 10.01.’14

[25] Cf Stéphane Etinga – Le Potentiel – Kinshasa, 24.01.’14

[26] Cf RFI, 27.01.’14

[27] Cf Radio Okapi, 31.01.’14; Forum des As – Kinshasa, 31.01.’14; Le Phare – Kinshasa, 31.01.’14

[28] Cf Radio Okapi, 03.02.’14

[29] Cf Boniface Musavuli – Desc-Wondo, 15.01.’14

[30] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 24.01.’14


CONGO ACTUALITE’ N.211

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Pour remédier à une loi sur «l’impunité»

1. L’ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LA LOI SUR L’AMNISTIE

2. UNE LETTRE DE HRW AU PRESIDENT JOSEPH KABILA

3. LES FDLR ANNONCENT LA FIN DES HOSTILITES

a. Les déclarations des FDLR

b. Les faits semblent contredire les déclarations

c. Les réactions

4. LES AUTRES GROUPES ARMÉS

a. Les combats contre les ADF

b. Les anciens rebelles du M23 en Ouganda

c. Reddition et désarmement des groupes Maï-Maï

5. LE DERNIER RAPPORT DU GROUPE D’EXPERTS DE L’ONU SUR LA RDCONGO

 

 ÉDITORIAL: Pour remédier à une loi sur «l’impunité»

1. L’ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LA LOI SUR L’AMNISTIE

 

Le 3 février, l’Assemblée Nationale a adopté, avec 344 OUI, 29 NON et 15 abstentions, la loi sur l’amnistie pour faits de guerre, faits insurrectionnels et infractions politiques. La Majorité et l’opposition se sont accordées sur la période devant couvrir l’amnistie. Elle va du 18 février 2006, date de promulgation de la Constitution, au 20 décembre 2013, date de l’approbation du projet de loi par le gouvernement. Ainsi, les Enyele de la province de l’Equateur, les ex-militaires de Jean Pierre Bemba et les éléments de Bundu dia Kongo vont bénéficier de l’amnistie. Seul le groupe parlementaire Udps et alliés a boudé le compromis en exigeant que l’amnistie recule jusqu’en 2001 pour consolider la cohésion nationale. «Il y a des éléments de Bundu Dia Kongo qui ont été arrêtés en 2002 mais pourquoi on doit les exclure de l’amnistie», a dénoncé l’opposant Jean Claude Vuemba. Le même groupe a plaidé pour que les tueurs de Mzee Laurent Désiré Kabila, assassiné en janvier 2001, bénéficient également de l’amnistie au nom de la réconciliation nationale. La Majorité s’est totalement opposée à cette proposition qu’elle a jugé trop illogique et sans fondement.

Les associations de défense des droits de l’homme auraient aimé que les détenus politiques bénéficient également de cette amnistie comme le demandaient les concertations nationales. Le problème, c’est que la plupart d’entre eux sont accusés de délits de droit commun et non d’infractions politiques. Ils sont donc automatiquement exclus de cette amnistie.[1]

L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) redoute de voir cette loi encourager l’impunité plutôt que de l’endiguer. «Cette loi, si elle n’est pas encadrée par une commission d’application, encourage l’impunité», explique Georges Kapiamba, président de l’association. «On risque d’amnistier des hommes qui ont commis des viols, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. On sait très bien que de nombreux combattants ont tué des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Comment les identifier, comment les distinguer, s’il n’y a pas d’enquête?», s’interroge-t-il. Pour sa part, la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC), une organisation de défense des droits humains, appelle les élus à prendre en compte le dédommagement des victimes des violences dont les auteurs vont être amnistiés. «Comment voulez-vous que nous puissions retrouver la réconciliation nationale, s’il n’y a pas de réparation pour cet homme qui a perdu sa femme, cette dame qui a perdu son mari, cet enfant qui a perdu et son père, et sa mère, ces villageois qui ont perdu tout un village entier, brûlé, les écoles incendiées?», s’est insurgé Jonas Tshiombela, coordonnateur de l’organisation. Et d’insister: «La cohésion nationale passe aussi par la justice des victimes».[2]

Le 5 février, dans un communiqué de presse, le Réseau National des ONGs des Droits de l’Homme de la RDCongo (RENADHOC) désapprouve et rejette avec fermeté la loi sur l’amnistie. Pour le RENADHOC, cette nouvelle loi consacre:

- la banalisation des crimes et autres graves violations des droits de l’homme et du Droit International Humanitaire;

- le recyclage perpétuel des criminels cycliques dans la gestion des Institutions politiques et affaires publiques de la RDCongo en lieu et place des sanctions pénales ainsi que des réparations correspondantes à la gravité des violations des droits de l’homme commises par les prétendus bénéficiaires de l’Amnistie;

- la sacralisation de l’impunité et la pérennisation des mouvements armés endogènes et exogènes en R.D.Congo;

- la stabilisation de l’instabilité et la sécurisation de l’insécurité en RDCongo: une véritable part belle aux seigneurs des guerres et à leurs commanditaires;

- la fragmentation continuelle et la satellisation progressive des Attributs fondamentaux de la République, en lieu et place de la Cohésion Nationale, très indispensable pour que la R.D.Congo  quitte définitivement sa situation actuelle d’un Etat Fragile pour devenir finalement un Etat

Emergeant.

Voilà pourquoi, le RENADHOC invite instamment le Président de la République, Chef de l’Etat et Garant de la Constitution, à ne pas procéder à la promulgation de cette loi d’Amnistie, pour ne pas cautionner la Haute Trahison au Sommet de l’Etat.

2. UNE LETTRE DE HRW AU PRESIDENT JOSEPH KABILA

Le 29 janvier, Human Rights Watch (HRW) a adressé une lettre au Président Joseph Kabila pour lui soumettre certaines recommandations visant à mettre fin à l’impunité pour les dirigeants du M23 et d’autres groupes armés qui sont impliqués dans de graves atteintes aux droits humains en RDCongo.

HRW s’est dite encouragée par les dispositions contenues dans la déclaration signée par le gouvernement congolais à Nairobi, le 12 décembre 2013, après la défaite du M23, qui empêcheraient les dirigeants du M23 présumés responsables de crimes de guerre et d’autres crimes internationaux graves de bénéficier d’une amnistie. Il est désormais essentiel que des mesures soient prises pour s’assurer que ces personnes soient arrêtées et traduites en justice.  Des poursuites judiciaires sont nécessaires pour s’assurer que les responsables de crimes passés ne commettent pas de nouvelles violations, et que les victimes ainsi que leurs familles — et la société congolaise dans son ensemble — obtiennent justice.

En juillet 2013, le gouvernement congolais avait officiellement demandé l’extradition de quatre dirigeants du M23 du Rwanda en RD Congo, à savoir Innocent Zimurinda, Baudouin Ngaruye, Eric Badege, et Jean-Marie Runiga. Ces personnes se trouveraient encore au Rwanda. HRW a été aussi informée que des autorités de la justice militaire congolaise ont émis des mandats d’arrêt à l’encontre de plus d’une douzaine de leaders du M23 recherchés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Sept de ces personnes figurent sur des listes de sanctions des Nations Unies et des États-Unis les soumettant à une interdiction de voyager et au gel de leurs avoirs. Les sept personnes figurant sur ces listes de sanctions sont Eric Badege, Innocent Kaina, Sultani Makenga, Baudouin Ngaruye, Bosco Ntaganda, Jean-Marie Runiga et Innocent Zimurinda. Plusieurs de ces dirigeants du M23 se trouvent maintenant au Rwanda et en Ouganda.

Et pourtant, dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, signé à Addis-Abeba en février 2013, les signataires – dont la RDCongo, le Rwanda et l’Ouganda – avaient pris l’engagement de «ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime de sanctions des Nations Unies».

Si le gouvernement congolais souhaite s’assurer de l’extradition de ces individus conformément aux normes internationales, il devra répondre à un certain nombre de préoccupations relatives aux droits humains, notamment en assurant un traitement humain des accusés, une fois en détention en RD Congo, le respect de leurs droits à une procédure régulière ainsi qu’à un procès équitable, et exclure l’application de la peine de mort, une peine cruelle et inhumaine qui n’a pas encore été abolie en RD Congo.

HRW estime que l’un des meilleurs moyens de répondre à ces préoccupations et d’assurer des procès équitables et crédibles pour les dirigeants du M23, ainsi que de nombreuses autres personnes impliquées dans de graves crimes internationaux en RD Congo, serait la création de chambres mixtes spécialisées.

Les chambres spécialisées seraient une institution nationale, intégrées dans le système judiciaire congolais, avec pour mandat de poursuivre les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RD Congo au cours des deux dernières décennies. Elles seraient composées de procureurs, juges et autres membres du personnel congolais et non congolais, le personnel non congolais se retirant progressivement à mesure que les chambres acquièrent légitimité, crédibilité et indépendance.

Afin de s’assurer que les droits des accusés soient respectés et que les procédures judiciaires à leur encontre soient justes et crédibles:

1. Le gouvernement congolais devrait maintenir les accusés dans des conditions qui répondent aux normes internationales de détention. Des agents pénitentiaires de la MONUSCO devraient être déployés à temps plein au sein de l’unité où ces prisonniers sont détenus pour s’assurer qu’ils ne soient pas maltraités, qu’ils soient autorisés à accéder aux visites des membres de famille, des avocats  et d’autres visiteurs, tels que les spécialistes des droits humains de la MONUSCO et les membres d’organisations humanitaires internationales.

2. Le gouvernement congolais devrait s’assurer que les accusés bénéficieront d’un procès équitable et qu’une procédure régulière incluant le droit d’appel sera respectée.

3. Le gouvernement congolais devrait également s’assurer que les accusés ne seront pas passibles de la peine de mort. L’abolition de cette peine assurerait la coopération judiciaire avec un certain nombre de pays qui refusent d’extrader des individus vers des pays où la peine de mort n’a pas encore été abolie.[3]

Le 7 février, à Goma, l’ambassadeur des Etats-Unis en charge de la politique contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, Stephen Rapp, a aussi affirmé que les personnes responsables de ces crimes qui ne pourront pas bénéficier de la loi d’amnistie, devront répondre de leurs actes devant la justice. Par conséquent, il a plaidé pour la mise en place d’un tribunal mixte et spécialisé pour la RDC, chargé de juger les auteurs des crimes graves commis particulièrement dans l’Est de la RDC. Le diplomate américain a indiqué que, après la guerre contre le M23 et les autres groupes armés qui ont commis des crimes dans l’Est de la RDC, il est absolument nécessaire de mettre en place une cour de justice spécialisée, pour assurer une justice indépendante et pour appuyer les efforts d’extradition des criminels réfugiés dans les pays voisins. Par ailleurs, Stephen Rapp a estimé que, si ce tribunal est créé, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi ne devraient pas en faire partie, car impliqués dans le conflit. L’idée de la mise en place d’un tribunal spécialisé pour juger les criminels de guerre en RDC avait été défendue en août dernier par cinquante-deux personnalités féminines qui avaient signé une déclaration sur les viols comme arme de guerre et demandé l’instauration d’un Tribunal Pénal International pour la République Démocratique du Congo.[4]

3. LES FDLR ANNONCENT LA FIN DES HOSTILITES

a. Les déclarations des FDLR

Le 2 février, le secrétaire exécutif par intérim des rebelles hutus rwandais, le colonel Wilson Iratageka, a affirmé à RFI que son mouvement, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) cessent officiellement les hostilités contre le Rwanda. Selon le colonel Wilson Iratageka, le mouvement a officiellement déposé les armes depuis le 30 décembre dernier. Le groupe est particulièrement ciblé ces derniers temps par la Monusco qui, après la neutralisation du M23, avait affirmé que la mise hors d’état de nuire des FDLR était une priorité. Dernièrement, les rebelles rwandais lui avaient envoyé plusieurs lettres disant être prêts à déposer les armes, mais à condition notamment d’un dialogue avec Kigali. Cette fois, le colonel Wilson Irategeka, affirme que l’arrêt des hostilités est officiel: «Les FDLR ont pris la décision de déposer les armes parce que chaque fois que Kigali voulait attaquer le Congo et piller les richesses de la RDC, il prétextait venir chercher les FDLR qui sont armés et pouvaient attaquer le Rwanda. Alors disons que pour donner la chance à la paix dans la région des Grands Lacs et que les FDLR puissent y participer, nous avons toujours sollicité la communauté internationale pour qu’elle incite Kigali à accepter les négociations avec les partis politiques d’opposition, dont les FDLR».

Malgré ce dépôt des armes censé être officiel depuis le 30 décembre, une attaque dans le parc des Virunga, dans l’est de la RDC, le 13 janvier, avait tué un garde ainsi que trois assaillants présentés justement comme des FDLR. Sur cet incident, le colonel Wilson Irategeka déclare que ses hommes n’ont rien à voir et que les responsables sont des éléments armés envoyés par le pouvoir de Kigali.[5]

Le président par intérim des FDLR, le général Victor Byiringiro, confirme que ses hommes auraient déposé les armes depuis le 30 décembre. Cette déclaration des rebelles hutus rwandais soulève une certaine méfiance aussi bien du côté du Rwanda que de la communauté internationale. Victor Byiringiro, dont le vrai nom serait Gaston Iyamuremye, est sous sanctions de l’ONU en tant que membre essentiel de la direction militaire et politique des FDLR. RFI l’a interviewé.

RFI: Pourquoi avez-vous décidé de déposer les armes?

Victor Byiringiro: Nous avons déjà essayé de le faire en 2001, lorsque nous étions à Kamina. Nous avions déposé plus de 1000 armes et cantonné une brigade entière. Nous avons encore réessayé en 2005. On était à Rome. Mais ces deux initiatives n’ont pas abouti. On n’a pas voulu nous accompagner vraiment. Cette fois-ci, nous retentons la même chose en invitant la communauté internationale à nous accompagner, mais surtout en nous adressant aux chefs d’Etat africains. Nous, les Rwandais, nous avons eu beaucoup de morts, que ce soit à l’intérieur du pays, que ce soit ici, en RDC où nous sommes des réfugiés … C’est la raison pour laquelle nous avons déposé les armes au profit de la paix et cherchons une solution pacifique par des moyens politiques.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement?

Nous avons initié un processus qui consiste à ramasser toutes nos armes et à les déposer quelque part. Et cela parce que nous avons déjà eu un déboire en 2002, alors que nous avions déposé les armes et même envoyé des gens au pays pour une mission exploratoire. Dès qu’ils sont revenus, on nous a bombardés à Kamina. C’était la Monuc qu’on appelle aujourd’hui la Monusco, avec l’armée congolaise. Cela a été un fait déplorable pour nous. Mais nous allons prendre le processus en main tout en demandant à la communauté internationale et surtout aux chefs d’Etat africains de nous accompagner en nous aidant à décrocher un dialogue inter-rwandais hautement inclusif.

Mais le Rwanda refuse ce dialogue. Il dit que vous n’avez qu’à rentrer comme d’autres membres des FDLR l’ont fait.

Que Kagame [le président rwandais Paul Kagame] dise « non » au dialogue, ça c’est son affaire. Mais nous, nous sommes décidés à le renverser coûte que coûte. Mais le renverser pacifiquement car nous avons déposé les armes. Nous allons le faire politiquement et pacifiquement. Ce régime ne connaît pas de démocratie. C’est la raison pour laquelle nous, l’opposition à ce régime, nous essayons de mettre ensemble toutes nos forces politiques pour que justement nous renversions ce régime pour le remplacer par un régime démocratique.

Comment espérez-vous rentrer au Rwanda en tenant ce genre de discours ?

Oui, c’est notre vœu de rentrer au Rwanda ; c’est notre pays. Mais nous constatons que Victoire Ingabire du parti FDU, Deo Mushayidi du parti PDP-Imanzi, Maître Bernard Ntaganda du PS Imberakuri sont en train de croupir en prison car ils sont des opposants. C’est la raison pour laquelle nous ne rentrons pas pour l’instant. Nous voulons pouvoir être libres au pays pour participer à son développement …

Vous êtes vous-mêmes sous sanctions onusiennes. Est-ce que vous ne craignez pas, en déposant les armes, d’être poursuivi par la justice internationale?

Vraiment, moi, je n’ai commis aucun péché. Je suis un réfugié ici, en RDC (République démocratique du Congo). Moi, je n’ai peur de rien. Si on me demande de répondre sur quoi que ce soit, je répondrai. Mais je sais que je suis innocent en tout.[6]

b. Les faits semblent contredire les déclarations

Le 4 février, l’administrateur du territoire de Lubero a déclaré que, depuis deux semaines, plusieurs centaines de familles fuient les exactions de rebelles rwandais des FDLR/Foca. Ce déplacement de populations s’observe notamment à Mumole, village situé à cheval entre les territoires de Lubero et Wakilale. Ses habitants se dirigent vers Luofu et Kayna, quelques kilomètres plus loin. Des responsables de la société civile à Mumolé rapportent des cas de viols des femmes ainsi que de pillages de récoltes et des habitations commis par ces FDLR/Foca. Ces hommes armés sèment également la terreur à Miriki, Kalevia, Luhanga, Mashuta, Ngerere et Buleusa, des villages voisins de Mumolé. Les habitants de ces villages se déplacent vers la cité de Kanyabayonga. Les FDLR accusent les populations locales d’être de connivence avec les maï-maï Sheka, une milice dirigée par Tabo Taberi Sheka, un chef de guerre qui avait noué une alliance avec l’ancien M23 et qui est accusé de nombreuses violences contre les civils. Pour sa part, le commandant du 5ème secteur des FARDC basées à Lubero assure que des dispositions sont déjà envisagées pour sécuriser les habitants dans cette zone.[7]

Le 5 février, des sources administratives locales ont déclaré que plus de 3.000 personnes ont déserté, depuis deux jours, la localité de Bukalo, pour trouver refuge dans des familles d’accueil à Muhangi, Buyinda et Kasuho, localités situées respectivement à 35, 47 et 70 km au Sud-Ouest de Butembo. Selon ces sources, ces déplacés ont fui les rebelles des FDLR présents dans leur localité. L’administrateur du territoire de Lubero et le commandant 2è secteur des FARDC disent ne pas être saisis de cette situation. Toutefois, ils promettent un suivi pour des dispositions urgentes pour sécuriser les populations de cette zone.[8]

c. Les réactions

Sur cette annonce de dépôt des armes par les FDLR, le représentant permanent adjoint du Rwanda aux Nations unies, Olivier Nduhungirehe, demande à voir. Quant aux négociations avec les FDLR, c’est un non ferme et définitif: «Nous, ce qui nous importe, c’est qu’ils déposent physiquement leurs armes auprès de la Monusco et qu’ils s’inscrivent donc dans le programme de rapatriement. Nous avons un centre de démobilisation au nord du pays qui accueille des FDLR. Et donc, s’ils disent qu’ils déposent les armes, qu’ils se présentent à la Monusco. S’ils refusent de le faire, la brigade d’intervention créée par la résolution 20-98 est chargée de neutraliser ces FDLR. On a dit à plusieurs reprises qu’il ne pourra pas y avoir de négociations avec le FDLR qui était un mouvement génocidaire. Au Rwanda, on accepte de réintégrer les FDLR dans la société. Mais ceux qui ont commis des crimes, ceux qui ont commis des génocides, vont devoir répondre de leurs crimes devant la justice».

Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a déclaré que «la décision des FDLR de mettre fin à leur lutte armée permettrait d’accélérer effectivement le retour à la paix dans la région des Grands Lacs. Si cela se confirmait, cela répondrait aux termes de l’ultimatum qui avait été lancé par le président de la République en direction de tous ces groupes armés qu’ils soient nationaux ou étrangers. Nous avons toujours dit que les FDLR n’avaient rien à faire en RDCongo et qu’à défaut de se désarmer volontairement, ils le seraient par la méthode forcée. Nous avons même commencé à procéder à ce désarmement forcé malgré les dénégations du voisin rwandais pour des raisons que nous ignorons». Lambert Mende a poursuivi en disant que «nous attendons d’eux qu’ils cessent toutes les opérations offensives contre un pays qui n’est pas le leur et pour lequel ils n’ont rien à revendiquer. Ensuite, qu’ils se désarment, se démobilisent et acceptent de participer au programme de rapatriement vers leur pays. Pour le reste, c’est un problème qui concerne leur pays». Mais il prévient: «Nous allons continuer à les pourchasser jusqu’à ce que nous ayons la preuve qu’effectivement, les choses se sont arrêtées de leur côté», en assurant toutefois que «Ceux qui déposent les armes, ceux qui se proposent à l’opération DDR [désarmement, démobilisation et réintégration, NDLR], bénéficient de la protection des autorités congolaises et de la communauté internationale».

La Monusco se montre également méfiante. Elle dit vérifier si la déclaration des FDLR engage l’ensemble du mouvement ou si elle ne représente que le point de vue de quelques-uns. Pour elle, les FDLR cherchent peut-être à gagner du temps car, après la défaite du M23, elle a fait de la lutte contre les FDLR sa nouvelle priorité.

Selon une source proche des FDLR, la nouvelle direction du mouvement tente de convaincre les anciens, parmi lesquels des personnes accusées de génocide, en vue de dialoguer avec le gouvernement rwandais. Sur le terrain, les observateurs confirment l’absence d’activité militaire des FDLR depuis plusieurs semaines. L’accrochage du 13 janvier dans le parc des Virunga ne serait qu’un accident.[9]

Le 3 février, la Monusco a averti que les rebelles rwandais actifs dans l’est du pays, les FDLR, seront « neutralisés » s’ils ne déposent pas les armes. «La Monusco reste disposée à les recevoir et à les démobiliser, mais dans le cas contraire, ces combattants seront « neutralisés » par la Monusco et sa brigade d’intervention», a déclaré un haut responsable de la Monusco. Cette mise au point intervient après des déclarations floues des FDLR. «On a déposé les armes volontairement. (…) Il n’y a aucun combattant des FDLR qui reste avec les armes», avait affirmé le 2 février Wilson Irategeka, secrétaire exécutif par intérim du mouvement. «On n’a pas rendu les armes, on les a déposées. On ne les a pas données à la Monusco et il n’est pas question de les rendre avant que débutent des « négociations avec Kigali »», avait ajouté le commandant rebelle. Mais le Rwanda rejette toute négociation avec les FDLR, arguant que certains de leurs membres ont participé au génocide de 1994.

Après la défaite début novembre des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’Est, Kinshasa et la Monusco avaient annoncé que les FDLR étaient la prochaine cible. Les FDLR sont disséminées dans le centre-est du Nord-Kivu et dans le sud-est du Sud-Kivu, où elles collaborent parfois avec les rebelles burundais des Forces Nationales de Libération (FNL). Accusées d’atrocités à grande échelle contre des civils, les FDLR, estimées à plus ou moins 1.500 combattants, sont d’abord une menace pour la population locale. Le président rwandais Paul Kagame continue néanmoins de les considérer comme un danger existentiel.[10]

La Monusco ne croit pas les déclarations d’intention des FDLR et les appelle à déposer les armes et à se rendre. Le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu en RDC, le général Abdalla Wafy, a affirmé que, tant que ces rebelles n’auront pas désarmé, ils seront attaqués par la Monusco et les FARDC. «Tant qu’ils n’auront pas désarmé, les déclarations d’intention ne nous engagent pas», a déclaré Abdalla Wafy, pour qui ces rebelles doivent déposer les armes pour prouver que leurs déclarations ne visent pas à décourager les opérations militaires contre eux.

Selon le chef de la Monusco, Martin Kobler, un engagement verbal des FDLR ne suffit pas, il faut des actes: «Il n’y a qu’un seul processus valable, celui du désarmement. Chaque combattant doit se rendre avec son arme auprès de la Monusco. En attendant, la pression et les opérations militaires continueront». La Monusco exige aussi que Sylvestre Mudacumura, le chef des FDLR recherché par la Cour pénale internationale, soit remis à la justice. Pas d’impunité non plus pour tous ceux qui, au sein des FDLR, se sont rendus coupables de génocide. «La lutte contre les FDLR est la priorité», a encore martelé le chef de la Mission de l’ONU au Congo.[11]

Selon certains observateurs, le refus du Rwanda à négocier avec les FDLR découlerait de la peur de les voir disparaître comme rébellion armée et de perdre, ainsi, son fond de commerce. Pendant deux décennies, en effet, le pays de Paul Kagame a trouvé comme élément justificatif de ses safaris militaires à répétition en territoire congolais la présence de cette force négative, accusée de nourrir l’ambition de vouloir renverser par les armes le régime en place.

Afin de convaincre la communauté internationale de la menace des FDLR, le Rwanda s’organisait pour leur faire parvenir des armes, des fonds et des soldats de son armée régulière afin d’asseoir la thèse de l’insécurité permanente à ses frontières. De temps en temps, de faux éléments FDLR menaient de fausses attaques dans des collines inhabitées du Rwanda, ce qui permettait à Kigali d’accuser Kinshasa de favoriser le FDLR et de leur permettre d’organiser des massacres de civils rwandais et la destruction des infrastructures de base. Paul Kagame et les siens savent que si les FDLR disparaissent, ils ne sauraient plus piller l’or, le diamant, la cassitérite, le coltan et d’autres minerais du sous-sol congolais d’où ils tirent d’importants dividendes pour leur économie nationale. Si la paix durable revient à l’Est du Congo et que toutes les forces négatives sont démantelées, il faudra que Kigali change de discours et d’actions dans les dossiers relatifs à la sécurité dans les Grands Lacs. C’est ce pas là que Paul Kagame refuse de franchir.

Il appartient dès lors à la communauté internationale de prendre acte de la réponse rwandaise à l’offre des FDLR et de revisiter tous les mensonges débités par les maîtres de Kigali pour légaliser des crimes humains et économiques en RDCongo.

Enfin, pour enlever au Rwanda tout prétexte pour intervenir dans les affaires internes de la DCongo, l’armée nationale congolaise devrait, elle aussi, organiser rapidement le désarment, la démobilisation et le cantonnement de tous les éléments FDLR.[12]

4. LES AUTRES GROUPES ARMÉS

a. Les combats contre les ADF

Le 30 janvier, environ 32 rebelles ougandais de l’ADF ont été tués dans les combats qui les ont opposés aux Forces Armées de la RDCongo (FARDC), aux points kilométriques 18 et 25 sur l’axe Mbau-Kamango, en territoire de Beni (Nord-Kivu). Le commandant de la 8è région militaire, le général-major Lucien Bauma Ambamba, a indiqué qu’un militaire a été tué et trois autres blessés du côté de l’armée régulière. Les FARDC ont récupéré une «quantité importante» de munitions abandonnées par les ADF, notamment des bombes et un appareil de radiocommunication. Les FARDC ont fermé toutes les entrées de ravitaillement des ADF vers Chuchubo, Makoyova 1 et Makoyova 2, villages considérés comme les quartiers généraux de ces rebelles ougandais.

Les FARDC ont également récupéré des positions stratégiques de ces ADF sur l’axe Mbau-Kamango où ils ont verrouillé toute entrée vers certaines bases rebelles dans la chefferie de Watalinga. L’armée congolaise avait lancé le 16 janvier une opération dénommée « sokola » (Nettoyez) pour désarmer ces combattants ougandais.[13]

Le 31 janvier, des casques bleus de la brigade d’intervention de l’Onu ont été déployés à Kamango, à 90 km de la ville de Beni, pour appuyer les militaires congolais dans l’opération de désarmement des rebelles ougandais de l’ADF. Le chef du bureau de la Monusco à Beni, Jacob Mogeni, a affirmé que «depuis le début, la Monusco travaille avec les FARDC. Elle donne aux FARDC la logistique, la nourriture et évacue les militaires blessés». Selon Jacob Mogeni, le déploiement de ces casques bleus à Kamango est un signe de la détermination de la Monusco d’appuyer les FARDC pour neutraliser les rebelles ougandais de l’ADF et d’autres groupes armés actifs dans le territoire de Beni.[14]

b. Les anciens rebelles du M23 en Ouganda

Le 30 janvier, une délégation de la Monusco est arrivée en Ouganda, où elle était invitée par le président ougandais pour vérifier et évaluer les modalités du cantonnement des ex-rebelles du M23 qui avaient fui dans ce Pays, après leur défaite militaire au début du mois de novembre 2013. Cette visite fait suite au rapport annuel d’experts de l’ONU qui affirme disposer «d’informations crédibles» selon lesquelles le M23 serait en train de se réorganiser. La délégation est conduites par le général Abdallah Wafi, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU pour l’est de la RDCongo.[15]

Après une mission de quatre jours en Ouganda, le général Abdallah Wafi a affirmé de n’avoir pas eu l’impression de voir un mouvement qui est en train de se réarmer ou de se réorganiser, en précisant qu’il ne disposait pas d’éléments lui permettant d’affirmer que les rebelles du M23 sont en train de conduire des formations militaires ou des activités de nature à reprendre les hostilités à partir de l’Ouganda. Par ailleurs, il a affirmé avoir observé de la part des autorités militaires ougandaises une bonne prédisposition «pour qu’on puisse de façon conjointe mettre en place un mécanisme pour que ces gens [du M23] puissent rentrer chez eux». «Je peux même dire que beaucoup d’entre eux ont manifesté le désir pour rentrer chez eux si des conditions, notamment l’amnistie et le DDR, étaient mis en place», a-t-il ajouté. Il croit que le plus important c’est de saisir cette occasion pour qu’on mette en place une commission conjointe -gouvernement congolais et ougandais, avec l’assistance de la Monusco- pour gérer les cas, tous les cas, y compris les cas de ceux qui sont sur la liste des sanctions. Les autorités ougandaises indiquent qu’au moins 1400 ex-combattants du M23 sont cantonnés dans le site de Bihanga.[16]

Selon Jason Stearns aussi, chercheur et ancien coordonnateur du groupe d’experts de l’ONU sur la RDCongo, le scénario d’une relance des hostilités par l’ex-M23 ne paraît pas crédible à court terme. Pour lui, «le moment serait très mal choisi pour mener une nouvelle attaque. S’il le faisait aujourd’hui, le M23 ne pourrait pas nier qu’il s’appuie sur l’Ouganda et le Rwanda. C’est intenable politiquement».[17]

c. Reddition et désarmement des groupes Maï-Maï

Le 28 janvier, le chef de bureau de la Monusco, Ray Virgilo, a déclaré que beaucoup parmi les combattants qui se rendent au centre de regroupement de la localité de Bweremana au Nord-Kivu se présentent sans armes. Il a affirmé que, «dans cette localité, il n’y a pas eu de désarmement des ex-combattants, comme cela était attendu par les autorités congolaises et la communauté internationale. A Bweremana il y a 2600 anciens combattants des groupes armés. Il n’y a eu que 248 armes qui ont été rendues. Ça veut dire que le reste des armes est caché quelque part dans leurs villages. Ça veut dire qu’il n’y a pas vraiment eu de désarmement». Trois choses inquiètent particulièrement Ray Virgilo si les armes ne sont pas rendues: «Si ces gens décidaient de retourner récupérer leurs armes, ils pourraient décider de revenir dans les groupes armés dont ils faisaient partie. Ils pourraient décider de rejoindre un autre groupe armé ou enfin de créer un nouveau groupe armé». Selon Ray Virgilo, chaque combattant qui se présente pour le désarmement devrait amener son arme. Il estime qu’une arme qui reste dans la communauté est un pas en arrière dans la pacification du Nord-Kivu.[18]

 5. LE DERNIER RAPPORT DU GROUPE D’EXPERTS DE L’ONU SUR LA RDCONGO

Le 28 janvier, le groupe d’experts de l’ONU sur la RDCongo a présenté au Conseil de Sécurité son rapport annuel qui accuse une nouvelle fois le Rwanda et l’Ouganda de coopérer avec l’ancienne rébellion du M23. Le rapport fait également état d’informations crédibles selon lesquelles des dirigeants de l’ex-rébellion du M23 sanctionnés par l’ONU se déplacent librement en Ouganda et continuent de recruter au Rwanda. Le M23 serait redevenu actif dans l’Ituri aussi. L’ambassadeur rwandais à l’ONU, Eugène-Richard Gasana, a une nouvelle fois rejeté les conclusions des experts qui, selon lui, «manquent d’objectivité, de transparence et de preuves matérielles». Le représentant permanent adjoint du Rwanda à l’ONU, Olivier Nduhungirehe, a vivement réagi devant la presse, parlant d’ »accusations sans fondement » et de non respect de la procédure. Le Rwanda « conteste ce rapport » sur le fond et sur la forme, a-t-il affirmé, en ajoutant que «les accusations sont toujours les mêmes mais il n’y pas de preuve et la méthodologie est contestable (..) on veut maintenir la pression sur le Rwanda». La ministre rwandaise des Affaires étrangères aussi, Louise Mushikiwabo, a rejeté ces accusations et a dénoncé le caractère «politique» de ce nouveau rapport.[19]

Dans ce nouveau rapport, le groupe d’experts de l’Onu souligne aussi que de nombreux sites miniers se trouvent dans des zones « post-conflit » (c’est-à-dire où les combats ont généralement pris fin) mais que la production provenant de ces zones est mélangée avec celle de zones de conflit, « particulièrement dans les grandes villes de négoce de l’est de la RDC et dans les pays de transit (que sont les voisins) l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie ». L’absence de transparence dans le commerce de l’or rend difficile de distinguer l' »or des conflits » de celui provenant des autres régions, ajoute le rapport.

Les experts de l’ONU estiment que 98% de l’or extrait des mines de la RDCongo en 2013 a été passé en contrebande à l’extérieur du pays et vendu dans sa quasi-totalité à partir de l’Ouganda.

Selon une estimation du Service géologique des Etats-Unis (« US Geological Survey ») cité par le rapport, les mineurs artisanaux établis en RDC produisent environ 10.000 kilos d’or par an. Mais de janvier à octobre 2013, les exportations n’ont officiellement atteint que 180,76 kilos.

Les experts évaluent également la valeur de l’or exporté clandestinement du Congo en 2013 à des montants oscillant entre 383 et 409 millions de dollars. En se fondant sur la valeur estimée du minerai, le groupe estime que le gouvernement congolais a perdu entre 7,7 et 8,2 millions de dollars en taxes durant l’année 2013.

Les principales villes de négoce pour l’exportation illégale d’or dans l’est de la RDC sont Bukavu (le chef-lieu de la province du Sud-Kivu), Butembo (au Nord-Kivu), Bunia (chef-lieu du district de l’Ituri, en province Orientale), Ariwara (dans le même district) et Kisangani (le chef-lieu de la province Orientale).

Le rapport cite nommément une série de personnes spécialisées dans le commerce d’or, tant en RDC que dans les pays voisins, dont l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie.

Selon les experts, les mêmes trafics concernent la production congolaise des « trois T » (en anglais étain, tungstène et tantale), dont de nombreuses mines sont contrôlées par les groupes armés et les Forces armées de la RDC (FARDC, l’armée gouvernementale).[20]

Le 29 janvier, le président de la société civile du Nord-Kivu, Thomas d’Acquin Muiti, a recommandé au gouvernement congolais de déposer officiellement une plainte contre le Rwanda et l’Ouganda à la Cour Internationale de Justice, après que ces deux pays aient été cités dans le rapport final du groupe d’experts de l’Onu comme les principaux soutiens de l’ex-rébellion du M23 en dépit de la défaite militaire. L’activiste de la société civile déplore le silence ou mieux le mutisme du gouvernement congolais sur la saisine de la justice internationale contre les régimes de Kigali et Kampala. Outre cet aspect, la Société Civile du Nord-Kivu a exigé également la rupture pure et simple des relations diplomatiques avec le Rwanda et l’Ouganda pour la violation répétée des principes du bon voisinage et surtout pour tous les malheurs causés au peuple congolais. Selon la Société Civile, la population du Nord-Kivu est déterminée à mettre hors d’état de nuire tous les complices du M23 qui sont au pouvoir et font semblant de travailler pour la population.[21]

Le 30 janvier, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat du groupe d’experts indépendants sur la RDC pour un an. La décision a été votée à l’unanimité. Le conseil dit «prend note» de son dernier rapport et lui exprime son «plein appui». Le Conseil de sécurité condamne «fermement» tout appui intérieur ou extérieur apporté aux groupes armés opérant dans l’est de la RDC. En revanche, le Conseil de sécurité exprime sa «profonde préoccupation» devant les accusations notées par les experts de collaboration entre l’armée congolaise et les rebelles rwandais des FDLR.[22]


[1] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 03.02.’14; RFI, 04.02.’14; AFP – Jeune Afrique, 06.02.’14

[2] Cf Sarah Leduc – France 24 – Africatime, 06.02.’14

[4] Cf Radio Okapi, 10.02.’14

[5] Cf RFI, 02.02.’14

[6] Cf RFI, 03.02.’14

[7] Cf Radio Okapi, 04.02.’14; AFP – Goma, 04.02.’14

[8] Cf Radio Okapi, 05.02.’14

[9] Cf RFI, 02 et 03.02.’14; Radio Okapi, 03.02.’14

[10] Cf AFP – Kinshasa, 03.02.’14

[11] Cf Radio Okapi, 05.02.’14; RFI, 05.02.’14

[12] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 03.02.’14

[13] Cf Radio Okapi, 31.01.’14

[14] Cf Radio Okapi, 31.01.’14

[15] Cf AFP – Kinshasa, 30.01.’14

[16] Cf RFI, 04.02.’14; Radio Okapi, 05.02.’14

[17] Cf Pierre Boisselet – Jeune Afrique, 04.02.’14

[18] Cf Radio Okapi, 29.01.’14

[19] Cf Radio Okapi, 31.01.’14; AFP – Nations Unies, 30.01.’14

[20] Cf Belga – Kinshasa, 12.01.’14 (via mediacongo.net)

[21] Cf 7sur7.cd – Goma, 29.01.’14

[22] Cf Radio Okapi, 31.01.’14

POUR REMÉDIER A UNE LOI SUR «L’IMPUNITÉ»

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Editorial Congo Actualité n. 211– Par la Réseau Paix pour le Congo

Le 3 février, l’Assemblée Nationale a adopté la loi sur l’amnistie pour faits de guerre, faits insurrectionnels et infractions politiques.

Une loi injuste

Selon le Réseau National des ONGs des Droits de l’Homme de la RDCongo (RENADHOC), cette nouvelle loi consacre:

- la banalisation des crimes et autres graves violations des droits de l’homme;

- le recyclage des criminels cycliques dans la gestion des Institutions politiques et affaires publiques de la RDCongo, en lieu et place des sanctions pénales ainsi que des réparations correspondantes à la gravité des violations des droits de l’homme commises par les prétendus bénéficiaires de l’Amnistie;

- la sacralisation de l’impunité et la pérennisation des mouvements armés endogènes et exogènes en RDCongo;

- la stabilisation de l’instabilité et la sécurisation de l’insécurité en RDCongo: une véritable part belle aux seigneurs des guerres et à leurs commanditaires;

- la fragmentation continuelle et progressive des Attributs fondamentaux de la République, en lieu et place de la Cohésion Nationale, très indispensable pour que la R.D.Congo  quitte définitivement sa situation actuelle d’un État fragile pour devenir finalement un État émergeant.

Une Commission «Vérité, Justice et Réconciliation»

Selon l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ), cette loi, si elle n’est pas encadrée par une Commission «Vérité, Justice et Réconciliation», risque d’encourager l’impunité, car on risque d’amnistier des hommes qui ont commis des viols, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. On sait très bien que de nombreux combattants ont tué des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Comment les identifier, comment les distinguer, s’il n’y a pas d’enquête?

Des tribunaux spécialisés mixtes

Human Rights Watch (HRW) a adressé au Président Joseph Kabila certaines recommandations visant à mettre fin à l’impunité pour les dirigeants du M23 et d’autres groupes armés qui sont impliqués dans de graves atteintes aux droits humains. Selon l’organisation, il est essentiel que  l’on prenne les mesures nécessaires pour que les auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ne soient pas amnistiés, mais arrêtés et traduits en justice. Des poursuites judiciaires sont nécessaires, pour s’assurer que les responsables de crimes passés ne commettent pas de nouvelles violations et que les victimes, leurs familles et la société congolaise dans son ensemble obtiennent justice. Selon des informations fiables, plusieurs membres du M23, frappés par des sanctions (gel des biens et interdiction de voyager à l’étranger) des Nations Unies et des États-Unis et par des mandats d’arrêt lancés par les autorités congolaises, se trouvent actuellement au Rwanda et en Ouganda. Si le gouvernement congolais souhaite s’assurer de l’extradition de ces individus, il devra répondre, conformément aux normes internationales, à un certain nombre de préoccupations relatives aux droits humains, notamment en assurant un traitement humain des accusés, une fois en détention en RDCongo, le respect de leurs droits à une procédure régulière ainsi qu’à un procès juste et équitable, et exclure l’application de la peine de mort, une peine cruelle et inhumaine qui n’a pas encore été abolie en RDCongo.

HRW estime que l’un des meilleurs moyens de répondre à ces préoccupations serait la création de chambres mixtes spécialisées, une institution nationale intégrées dans le système judiciaire congolais, avec pour mandat de poursuivre les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RD Congo au cours des deux dernières décennies. Elles seraient composées de procureurs, juges et autres membres du personnel congolais et non congolais (sans la participation de personnes provenant du Rwanda et de l’Ouganda, deux Pays directement impliqués dans le conflit). Le personnel non congolais se retireraient progressivement à mesure que les chambres acquièrent légitimité, crédibilité et indépendance.

Le dédommagement des victimes

Selon la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC), l’on devra prendre en compte le dédommagement des victimes des violences dont les auteurs seront jugés ou amnistiés, l’on ne peut pas retrouver la réconciliation nationale, s’il n’y a pas de réparation pour ces femmes qui ont perdu leurs maris, pour ces enfants qui ont perdu leur père, leur mère, ou tous les deux,  pour ces villageois qui ont perdu leur village brûlé, leurs écoles incendiées et leurs hôpitaux saccagés et détruits. Après s’être enrichis par la contrebande de minéraux et l’imposition des taxes illégales, les dirigeants du M23 et d’autres groupes armés ont l’obligation d’indemniser la population, victimes de leurs exactions. La cohésion nationale passe aussi par la justice rendue aux victimes.

Des projets «formation et services sociaux»

Enfin, pour les membres démobilisés des différents groupes armés, y compris le M23, et bénéficiaires de l’amnistie, l’on pourrait organiser des projets «formation et services sociaux», d’une durée de deux ans, par exemple, où l’on donnerait des cours de formation professionnelle (menuiserie, maçonnerie, mécanique, agriculture, …) et, dans le même temps, on leur demanderait des services sociaux, tels que l’entretien des routes et la construction de bâtiments publics (écoles, centres de santé, aqueducs pour l’eau potable, …). Ces projets pourraient constituer un signal fort leur adressé et, en même temps, faciliter leur réinsertion sociale.

L’intensification de la pression

De sa part, la communauté internationale devra veiller à la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, signé à Addis-Abeba en février 2013, dont les pays signataires, y compris le Rwanda et l’Ouganda, avaient pris l’engagement de «ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime de sanctions des Nations Unies».

 

 

Congo Actualité n.213

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: une loi fondée sur l’arbitraire

1. LA PROMULGATION DE LA LOI SUR L’AMNISTIE

2. L’OPERATION «SOKOLA» [NETTOYEZ] CONTRE LES ADF

3. DES COMBATS ENTRE L’ARMÉE ET L’APCLS

4. LA «CARAVANE DE LA PAIX» DE VITAL KAMERHE

ÉDITORIAL: une loi fondée sur l’arbitraire

1. LA PROMULGATION DE LA LOI SUR L’AMNISTIE

Le 11 février, le chef de l’Etat Joseph Kabila a promulgué la loi sur l’amnistie, une loi qui couvre les faits insurrectionnels, les faits de guerre et les infractions politiques commis sur le territoire de la RDCongo, au cours de la période allant du 18 février 2006, date de la promulgation de la Constitution, au 20 décembre 2013, correspondant à l’expiration de l’ultimatum lancé à tous les groupes armés à déposer les armes.

Cette mesure de clémence emporte les effets suivants:

− pour les faits infractionnels qui ne font pas encore l’objet de poursuites, l’action publique s’éteint;

− si les poursuites sont en cours, elles cessent immédiatement;

− les condamnations non encore revêtues de l’autorité de la chose jugée sont anéanties et celles devenues irrévocables sont considérées comme n’ayant jamais été prononcées.

En tout état de cause, bien qu’ayant perdu leur caractère infractionnel, les faits amnistiés laissent subsister la responsabilité civile de leurs auteurs.

Article 1

Sont amnistiés les faits insurrectionnels, les faits de guerre et les infractions politiques commis sur le territoire de la RDCongo au cours de la période allant du 18 février 2006 au 20 décembre 2013.

Article 2

Est éligible à l’amnistie tout Congolais auteur, co-auteur ou complice des faits infractionnels visés à l’article premier de la présente loi.

Article 3

Aux termes de la présente loi, on entend par:

a. faits insurrectionnels, tous actes de violence collective, commis à l’aide de menaces ou avec des armes, dans le but de se révolter contre l’autorité établie en vue d’exprimer une revendication ou un mécontentement;
b. faits de guerre, les actes inhérents aux opérations militaires conformes aux lois et coutumes de la guerre qui, à l’occasion d’un conflit armé, ont causé un dommage à autrui;

c. infractions politiques:

 − les agissements qui portent atteinte à l’existence, à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics;

− les actes illégaux d’administration ou de gestion du territoire dont le mobile et/ou les circonstances revêtent un caractère politique;

− les écrits, images et déclarations appelant à la révolte contre l’autorité publique ou réputés tels.

Article 4

Sont exclus du champ d’application de la présente loi, le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le terrorisme, les infractions de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants, les infractions de viol et autres violences sexuelles, l’utilisation, la conscription ou l’enrôlement d’enfants et toutes autres violations graves, massives et caractérisées des droits humains.

Sont également exclus, les infractions de détournement des deniers publics et de pillage, de même que les infractions à la réglementation de change et le trafic des stupéfiants.

Article 5

Pour bénéficier de l’amnistie, les auteurs, co-auteurs ou complices des faits insurrectionnels et des faits de guerre visés par la présente loi sont tenus préalablement de s’engager personnellement, par écrit, sur l’honneur, à ne plus commettre les actes qui font l’objet de la présente amnistie.

L’engagement est pris par tout prétendant à l’amnistie, fugitifs et latitants compris, dans un délai de six mois, auprès du Ministre de la justice, à dater de la publication de la présente loi au Journal officiel. Toute violation de cet engagement rendra automatiquement nulle et non avenue l’amnistie ainsi accordée et disqualifierait l’auteur de cette violation du bénéfice de toute amnistie ultérieure.

Article 6

La présente loi ne porte pas atteinte aux réparations civiles, aux restitutions des biens meubles et immeubles ainsi qu’aux autres droits et frais dus aux victimes des faits infractionnels amnistiés.

Article 7

La présente loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.[1]

Le 24 février, à Kinshasa, un ancien cadre de la rébellion du M23, Moïse Tshembo Tshokwe, aurait été enlevé au moment où il revenait d’un rendez-vous – qui n’aurait pas eu lieu – avec le Procureur général de la République. Il était parti voir le procureur général pour s’enquérir des modalités d’application de la loi d’amnistie. Son épouse, Mireille Tshokwe, qui a livré cette information depuis Lubumbashi, soupçonne des agents de l’Agence nationale de renseignement (ANR) d’avoir opéré ce kidnapping. «Il s’est fait que mon mari n’avait pas pu rencontrer le PGR. 20 minutes après, mon mari était dans son véhicule avec son assistant comme chauffeur. Ils se sont retrouvés sur le boulevard [du 30 juin] quelques minutes après, tamponné par un véhicule d’où ont surgi des individus qui ont pris de force brutalement mon mari pour l’emmener vers une destination inconnue. Mais fort heureusement l’assistant de mon mari qui avait reconnu ces individus m’a rapporté que c’était des éléments de l’ANR», a-t-elle déclaré. Le Procureur général de la République a dit ne pas être au courant de cette affaire, ni avoir eu un rendez-vous avec Moïse Tshembo. Il a toutefois promis de vérifier ces informations. Moïse Tshembo avait rejoint l’ancienne rébellion du M23 après son échec aux élections législatives de 2011.[2]

Le 3 mars, concernant la question de l’Amnistie telle que préconisée par l’Accord-cadre de Addis-Abeba, le secrétaire exécutif de la CIRGL, Ntumba Lwaba, a affirmé que les ex rebelles du M23, vivants désormais au Rwanda ou en Ouganda, ont un statut des réfugiés. De ce fait, des missions de identification et de vérification sont envisagées et associeront l’ensemble des services de l’Etat congolais. «L’étape suivante consistera à la signature, par les ex-membres du M23, d’un engagement personnel de renonciation à la rébellion et d’acceptation de se soumettre à toute les exigences de la loi d’amnistie. Et ensuite, on leur donnera la possibilité de se transformer en parti politique et de participer à la vie nationale», a annoncé Ntumba Lwaba.[3]

Selon maître Hamuly Réty, qui prône la création d’un Tribunal pour les crimes commis en RDCongo, «la loi sul l’amnistie sera inapplicable, car elle repose sur l’arbitraire. Qui va décider de qui a fait quoi pendant le conflit? Qui a violé? Qui a pillé? Ce ne sont pas aux politiques de décider, mais plutôt à la justice». Hamuly Réty craint que ce processus ne serve qu’à «blanchir les membres du M23 qui entreront dans le futur gouvernement d’union nationale promis par Joseph Kabila». Un nouveau gouvernement, qui selon certaines informations, devrait voir le jour avant la reprise de la session parlementaire du 15 mars prochain.

Le président du comité national de suivi de l’application des accords de Addis Abeba, François Muamba, explique que, contrairement aux autres accords de paix, «il n’y a pas d’amnistie en bloc des rebelles du M23, mais une amnistie au cas par cas et individuelle». Concernant les hauts responsables du M23, «200 à 300 personnes» selon François Muamba, «ils sont tous concernés par des sanctions internationales et coupables de crimes de guerre et ne sont donc pas éligibles à l’amnistie».

Un responsable de l’ex-rébellion attend patiemment la liste des personnes éligibles pour l’amnistie et espère que «le gouvernement tiendra ses engagements». Concernant les critères de l’amnistie, ce responsable est assez clair: «ce que nous demandons, c’est une amnistie totale, du simple caporal à Sultani Makenga» (le chef militaire du mouvement, ndlr). Une demande qui contraste avec l’ordonnance du 11 février qui prône au contraire une amnistie «sélective». Une crainte qui «inquiète» le patron du M23, Bertrand Bisimwa, qui redoute l’exclusion des chefs rebelles de la loi d’amnistie: «nous sommes dans un pays de droit. Les principes des droits veulent que des personnes qui sont accusées et font objet des soupçons ne soient pas sanctionnées avant que leur culpabilité ne soit prouvée».

Une chose est sûre, les risques de nouvelles tensions sont grandes entre ex-rebelles et gouvernement. Les choix pour Joseph Kabila sont tous délicats: accepter l’amnistie générale le mettrait en porte-à-faux avec son opinion publique, alors que faire une amnistie sélective risque de lui attirer les foudres des rebelles exclu. Les dilemmes sont les mêmes concernant un gouvernement d’union nationale avec ou sans M23. Le président congolais pourrait donc trouver une délicate combinaison pour ménager les rebelles, tout en donnant des gages à son opposition en ouvrant sa majorité. L’équation est complexe.[4]

La loi d’amnistie risque de confirmer une jurisprudence qui consacre désormais le règne de l’impunité. Rien de surprenant quand on sait que la RDC est habituée à accorder depuis l’accord global et inclusif de 2003 une prime de guerre à ceux qui tuent, pillent et violent sur son sol.

Accusé de graves crimes commis dans l’Est, pendant tout le temps de son occupation, l’ex-M23 vient de recevoir un visa en bonne et due forme pour un retour à la vie normale au milieu des ceux-là même qu’il a violentés, violés et martyrisés il y a peu.

Du coup, tous les actes commis par le M23, classés autrefois dans la catégorie des crimes de guerre passables des sanctions autant devant les juridictions nationales qu’internationales, sont mués en simples faits de guerre ou insurrectionnels, rendant leurs auteurs éligibles à l’amnistie.

«A l’exception d’un petit groupe d’individus, les 1600 membres du M23, signalés en Ouganda, et des centaines d’autres ayant fui au Rwanda, selon les autorités des deux pays, devraient revenir sereinement au Congo et parader au milieu des populations qu’ils ont martyrisées 19 mois durant», rappelle Boniface Musavuli.

Au Rwanda, les auteurs du génocide de 1994 sont toujours poursuivis. La communauté internationale ne s’est jamais empressée de pousser ce pays à adopter une quelconque loi d’amnistie, pour oublier les crimes commis sur son sol. Ce qui n’est pas le cas de la RDC où des lois d’amnistie se sont succédé pour passer l’éponge sur ces pages noires de l’histoire de la RDC.

En RDC, sous la pression de la communauté internationale, à chaque rébellion correspond une loi d’amnistie.

Pourquoi exige-t-on toujours de la RDC ce qu’on ne réclame pas ailleurs ? Pourquoi donc cette politique de deux poids deux mesures? Car, comment comprendre que des gens qui ont tué, massacré et violé soient du coup graciés au nom d’une amnistie bâtie sur les impératifs de la cohésion nationale. Non! Cette injustice a trop duré. Il est temps d’y mettre fin.[5]

Ce qui pose véritablement problème, c’est l’enthousiasme avec lequel cette loi (d’impunité) a été approuvée par la communauté internationale.

Ainsi, dès le lendemain de l’adoption du projet de loi par l’assemblée nationale, les envoyés spéciaux de la communauté internationale se sont empressés de publier un communiqué conjoint dans lequel ils saluaient une «loi historique» qui va «dans la bonne direction» et qui apportera «une paix durable dans l’Est du Congo».

Le document a été signé par cinq personnalités tout à fait respectables: Mary Robinson, envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands Lacs ; Martin Kobler, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDC ; Boubacar Diarra, représentant spécial de l’Union africaine pour les Grands Lacs ; Russell Feingold, envoyé spécial de Barack Obama pour les Grands Lacs et la RDC et Koen Vervaeke, coordonnateur principal de l’Union Européenne pour la région des Grands Lacs.

Ce n’est pourtant pas la première fois que des personnalités de renommée internationale s’engagent sur des textes qui consacrent l’impunité au Congo. Les accords du 23 mars 2009, dont se prévaut le M23, avaient été parrainés par deux anciens présidents africains: le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Tanzanien Benjamin Mkapa. Mais lorsque les combattants rwando-ougandais ont déclenché la guerre en avril 2012, les deux parrains des accords ont tout simplement choisi d’être discrets.

Ce qui, naturellement, donne à penser que lorsque le M23, dont on sait qu’il se réorganise au Rwanda et en Ouganda, redeviendra un problème au Congo, les cinq personnalités ne seront pas là pour assumer les conséquences de la loi d’amnistie. Ce sont, à nouveau, les populations congolaises qui feront les frais de la culture d’impunité consacrée par le texte que la communauté internationale s’est empressé d’acclamer en passant sous silence le sort des millions de victimes.

En tout cas, cette communauté internationale vient de cautionner une loi qui assure la totale impunité aux individus impliqués dans la mort de plus de six millions de Congolais.
Impunité totale parce que cette loi d’amnistie se traduit par trois catégories des membres du M23, tous devant échapper à la justice.

La première catégorie est celle des personnes qu’on estime ne pas être impliquées dans les «crimes graves». Ces personnes, la majorité, vont revenir au Congo et, certainement, intégrer les institutions (armée, administration).

La deuxième catégorie est celle des membres du M23 se trouvant en prison. Ils vont être libérés, puisque les engagements de Nairobi prévoient la libération des membres du M23 (engagement n. 3).

La troisième catégorie est celle des personnes figurant sur différentes listes, de sanction notamment. On n’imagine pas ces personnes revenir au Congo. Elles continueront à vivre libres au Rwanda et en Ouganda.

Résultat du calcul, tous les membres du M23 sont partis pour rester libres comme l’air malgré les atrocités qu’ils ont fait subir aux femmes et aux enfants dans l’Est du Congo (massacres, viols, pillages, assassinats). Et ils doivent leur totale liberté à une loi votée par le parlement congolais et approuvée par la communauté internationale. Une véritable honte![6]

 2. L’OPERATION «SOKOLA» [NETTOYEZ] CONTRE LES ADF

 

Le 11 février, l’administrateur du territoire de Beni, Amisi Kalonda, a appelé les populations de certaines localités à reprendre leurs activités champêtres. Il s’agit notamment des villages: Abialose, Makembi, Matukaka, Kinziki, Kangwayi et Totolito, jadis occupés par les miliciens ougandais des ADF [Forces démocratiques alliées] et désormais pacifiés et contrôlés par l’armée régulière suite à l’opération «Sokola» [Nettoyez] débutée  mi-janvier.[7]

Le 13 février, le porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, le colonel Olivier Hamuli, a annoncé que les Forces Armées de la RDC (FARDC) contrôlent désormais tous les grands bastions des rebelles ougandais des ADF dans le territoire de Beni. «Depuis qu’on a déclenché l’opération [Sokola] le 16 Janvier, nous pouvons dire que nous sommes déjà à trois quart de notre travail. D’autant plus que, les plus grands bastions [des ADF] entre autres le sanctuaire de Nadwi, le sanctuaire de Mwalika, Chuchubo, Makoyova 1 et 2 sont passés sous contrôle des FARDC avec succès», a affirmé le colonel Hamuli.[8]

Le 14 février, en début d’après-midi, les militaires congolais ont officiellement fait leur entrée dans les villages de Naboli et Kamango, deux localités de la chefferie de Watalinga situées à environ 90 kilomètres au Nord-Est de Beni-Ville. Les FARDC contrôlent désormais l’axe Mbau-Kamango. Le chef de la chefferie de Watalinga, Saambili Bamukoka, confirme ces informations. Il regrette toutefois que des otages pris par des ADF aient été tous abattus par ce groupe rebelle. «Nous déplorons la découverte des fausses communes au niveau de Mukakati. Beaucoup des gens qu’on prétendait être des otages, ils ont été abattus, ils ont été égorgés», a fustigé Saambili Bamukoka.

Au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a affirmé que «le bilan provisoire des combats pour le désarmement de l’ADF est le suivant: côté FARDC: 22 morts; 68 blessés, une Jeep sur laquelle était montée une mitrailleuse 14.5 incendiée. Côté ennemi (ADF): 230 morts; 65 armes individuelles, 30 vélos et 20 motos récupérées; des produits pharmaceutiques et plusieurs téléphones portables et motorolas récupérés; plusieurs bombes artisanales récupérées, ce qui démontre bien le caractère terroriste de ce groupe armé».[9]

Pris en tenaille entre Mutanga au sud et Kamango au nord, bon nombre de rebelles de l’ADF se seraient repliés dans une portion du parc des Virunga, entre ces deux localités. C’est une région de forêt dense où il est impossible de mener une offensive classique. L’armée congolaise se prépare donc à des opérations de contre-guérilla face à des rebelles très bien entraînés et qui connaissent parfaitement le terrain. L’autre enjeu c’est de réussir à sécuriser les zones reconquises. Beaucoup craignent l’arrivée d’infiltrés qui pourraient mener des attaques ciblées.[10]

Le 28 février, des ONG de la société civile du Nord-Kivu ont accusé des militaires chargés de lutter contre les rebelles ougandais de l’ADF de se livrer à des assassinats, des viols et des pillages. Les militaires mis en cause sont ceux de la 31e brigade qui, selon la société civile, «se comportent très mal, ils tuent, ils violent, ils extorquent de l’argent, des téléphones, échangent des tirs avec la police». La Société civile du Nord-Kivu a annoncé que «les civils du territoire de Beni ont suspendu leurs contributions volontaires (vivres, eau et autres) jusqu’à ce que ces militaires et leurs commandants soient rappelés à l’ordre, à la discipline et au respect des droits humains».[11]

Le 28 février, à Beni, le porte-parole des FARDC au Nord-Kivu, le colonel Olivier Amuli, a appelé les rebelles ougandais des ADF qui refusent encore de désarmer à déposer les armes, avant l’assaut final de l’armée congolaise contre eux. Il les a invité à se rendre volontairement à la Monusco ou à l’armée congolaise.[12]

 3. DES COMBATS ENTRE L’ARMÉE ET L’APCLS

Depuis le mois de janvier, des miliciens de l’Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain (APCLS), alliés des Maï-Maï Nyatura, ont multiplié les attaques contre l’armée déployée dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu. Venus de Lukweti et Nyabiondo, au Nord du chef lieu du territoire de Masisi, ils avaient établi leur base avancée à Kahira, au sud-ouest de Kitshanga. Ces miliciens avaient l’intention de déloger de Kitshanga les soldats du 804e régiment, constitués majoritairement des ex-CNDP.[13]

Dirigée par le « général » Janvier Buingo Karayiri, un déserteur des FARDC, l’APCLS a été créée en 2008 pour faire face à la menace du CNDP contre la communauté hunde. L’APCLS, qui interagit avec certaines factions des FARDC, des rebelles hutu rwandais des FDLR-Foca et des hutus congolais des Maï-Maï Nyatura, totalise environ 1.500 hommes et serait impliqué dans l’extraction de tantale (utilisé dans les téléphones portables) à Masisi.

Formés en 2010, les Maï-Maï Nyatura sont une milice congolaise hutue qui a collaboré avec les FDLR, les FARDC et l’APCLS contre le M23. Le groupe prétend protéger les intérêts des Hutus congolais contre les anciens officiers du CNDP et du M23.

Ces quelques informations que nous nous donnent le cadre de la complexité de la situation.
Beaucoup de groupes armés congolais sont nés comme des groupes d’auto – défense, de résistance et d’opposition aux différents groupes armés (AFDL, RCD, CNDP et M23) qui, avec une connotation tutsie, ont surgi avec le soutien du régime rwandais. Il est donc compréhensible que de nombreux groupes armés congolais, tels que l’APLCS et les Maï-Maï Nyatura, aient pu collaborer avec certains secteurs de l’armée régulière pour lutter ensemble d’abord contre le CNDP et ensuite contre le M23. D’autre part, lorsque les combattants du RCD et du CNDP ont été intégrés dans l’armée régulière, suite à des accords très obscurs, ils sont restés dans le Kivu (c’était une de leurs revendications). En outre, ils constituent la majorité des troupes de l’armée régulière dans les Kivus, font partie de la chaîne du commandement militaire et sont regroupés en régiments spécifiques. La situation devient encore plus problématique lorsque l’armée régulière, ainsi structurée, demande aux groupes armés locaux de déposer les armes. Il est tout à fait normal qu’ils opposent une vive résistance car, s’ils étaient intégrés dans cette armée, ils devraient travailler avec ceux (les anciens RCD et les anciens CNDP) contre qui ils avaient combattu dans le passé.

Le 1er février, des combats ont opposé les Forces armées de la RDC (FARDC) et les miliciens de l’APCLS coalisés aux Nyatura, dans les localités de Kahira et Mutembere.

Plus de 700 familles déplacées vivent, depuis quatre jours, dans des conditions déplorables, dans les localités de Nyamitaba, Lushebere et Muheto. Certains d’entre eux ont trouvé refuge dans des églises et d’autres passent la nuit à la belle étoile. Ces déplacés effectuent des petits travaux manuels pour les autochtones, ce qui leur permet de gagner un peu d’argent. La plupart d’entre eux vivent de la solidarité des populations qui les accueillent.[14]

Le 7 février, des violents combats ont opposé les FARDC e les combattants de l’APCLS, alliés des Nyatura, dans les localités de Ndondo, Kibarizo et Muhanga, près de Kitchanga. Les miliciens ont délogé les militaires des deux dernières localités. Selon les sources sur place, ces combattants sont venus de Kahira, à 30 km à l’Ouest de Kitshanga. Ils ont attaqué simultanément les militaires dans ces localités situées entre 3 et 27 km, respectivement au Nord et à l’Ouest de Kitchanga. Une unité de commandos a commencé à se déployer à Kitchanga, pour venir en renfort au 804è régiment.[15]

Le 9 février, au cours d’une contre-offensive lancée tôt dans la matinée, les militaires congolais ont délogé, en début d’après-midi, les miliciens de l’APCLS des localités de Kibarizo, Muhanga et Butare dans le territoire de Masisi.

Le porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, colonel Olivier Hamuli, affirme que les FARDC avancent vers Kahira, considéré comme le quartier général des APCLS.[16]

Le 15 février, des combats ont opposé les Forces armées de la RDC et des miliciens Nyatura à Bukombo, à une dizaine de kilomètres du chef-lieu du territoire de Masisi.

Les hostilités ont été déclenchées lorsque les combattants de l’APCLS ont tendu une embuscade contre le commandant du 813ème régiment à Bondé, alors qu’il revenait d’une mission à Mungazi. Dans cet échange de tirs d’environ 2 heures, les FARDC ont réussi à repousser les combattants de l’APCLS grâce au renfort venu de Masisi. L’administrateur du territoire de Masisi a affirmé que l’armée régulière est en progression vers Nyabiondo après avoir récupéré Loashi et Bukombo.[17]

Le 16 février, des combattants de l’APCLS se sont concentrés à Nyabiondo. Ces combattants tentent d’empêcher l’avancée des Forces Armées de la RDC qui ont déjà repris le contrôle de cinq villages sur l’axe Masisi centre-Nyabiondo. Les villages libérés sont: Lwashi, Bukonde, Kahutu, Kasho et Bondé.[18]

Le 17 février, les Forces armées de la RDC se sont engagées dans les combats contre les miliciens de l’APCLS dans la région de Nyabiondo, à une dizaine de kilomètres du territoire de Masisi. Selon le porte-parole militaire dans cette province, le colonel Olivier Hamuli, l’objectif est de reprendre le contrôle de cette zone et de poursuivre les miliciens jusque dans la localité de Lukweti, à environ 10 kilomètres de Nyabiondo, le quartier général de l’APCLS.

En début d’après-midi, l’armée congolaise a délogé les miliciens de l’APCLS de la localité de Nyabiondo, considérée comme leur base avancée dans la région. Les combattants APCLS se seraient retirés à Kinyumba, localité située à 15 km plus loin.[19]

4. LA «CARAVANE DE LA PAIX» DE VITAL KAMERHE

Le 18 février, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), un des principaux partis d’opposition, Vital Kamerhe, a pu décoller pour Goma (Nord-Kivu) pour participer à une « caravane de la paix » dans la région. À deux reprises début février, Kamerhe avait été empêché de s’y rendre, officiellement pour des raisons administratives et de sécurité. Arrivé à Goma en début d’après-midi, il a été accueilli à l’aéroport par des centaines de ses partisans. Il a parcouru environ 7 kilomètres à pied entre l’aéroport et le stade Afia où il a tenu un discours. Devant des milliers de gens, il a rendu hommage aux militaires tombés au combat et demandé une minute de silence en mémoire de toutes les victimes de la guerre dans cette partie du pays. Il s’est aussi montré très critique vis-à-vis du gouvernement, dénonçant le manque de routes, d’eau potable, d’électricité et d’autres infrastructures de base dans cette capitale provinciale comme dans le reste du pays. Il a réaffirmé la nécessité d’une enquête sur l’assassinat de Mamadou. Le public qui tient Mamadou pour un héros, le symbole de victoire des FARDC sur le M-23, a exulté. Kamerhe a insisté pour que la vérité éclate. Il a dénoncé les Concertations nationales convoquées en violation de la lettre et de l’esprit de l’Accord- cadre d’Addis-Abeba quant à se recommandation pour un dialogue. Il a prévenu contre toute modification de la Constitution et toute prolongation du mandat présidentiel. Il a ainsi rappelé la date de fin mandat de Joseph Kabila, le 19 décembre 2016 à minuit. Vital Kamerhe a demandé aux groupes armés locaux de se rendre aux Forces armées de la RDC (FARDC). Pour lui, les groupes armés devraient laisser la tâche de la sécurité des civils aux FARDC et à la Monusco. Il a aussi demandé aux groupes armés étrangers de se rendre aux FARDC. Il a notamment cité les rebelles rwandais des FDLR, les ougandais des ADF et de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA). Le président de l’UNC a également invité les gouvernements de la RDCongo, du Rwanda et de l’Ouganda, mais aussi à la Monusco, de mettre sur pied un mécanisme favorisant le rapatriement volontaire des combattants des groupes armés étrangers. Le discours de Vital Kamehre a rencontré l’enthousiasme de la population.[20]

Le 20 février, Vital Kamerhe est attendu dans l’après-midi à Bukavu au Sud-Kivu. A son arrivée, Vital Kamerhe devrait tenir son meeting à la Place de l’indépendance. Mais cette manifestation a été délocalisée pour le stade de la Concorde de Kadutu. Depuis le matin, la place de l’indépendance a été ceinturée par des policiers bien équipés.

La veille, un communiqué du maire de Bukavu, Philémon Yogolelo, diffusé sur l’antenne provinciale de Radio télévision nationale congolaise (RTNC) et à la Radio Maendeleo, invitait les sympathisants de l’UNC à ne pas se regrouper à la place de l’indépendance «pour cause des travaux en cours», sans préciser la nature de ces «travaux». Le reporter de Radio Okapi qui a sillonné la place de l’indépendance a constaté qu’aucun travail ne s’effectue sur ce lieu public. Il n’a vu qu’une femme qui balayait le trottoir au milieu d’une foule de policiers. Le bourgmestre de commune de Kadutu a pour sa part indiqué que l’UNC a été autorisée à organiser son meeting au stade de la Concorde. Selon Munyole Bekao, c’est pour ne pas entraver la circulation au rond point de la place de l’indépendance. Cette proposition semble ne pas plaire aux membres de l’UNC. Le député UNC Kizito Mushizi en vacances parlementaires à Bukavu rejette la proposition des autorités de la ville. D’après lui, le stade de la Concorde de Kadutu qui accueille dix mille personnes ne saurait contenir tous les sympathisants de son parti. Il craint des bousculades qui pourraient causer des dégâts humains.

C’est vers 17h00 heure locale (16h00 TU), au moment où Kamerhe est monté sur une estrade devant la place de l’indépendance pour prononcer son discours, que les policiers ont commencé à lancer des grenades lacrymogènes et à tirer des coups de feu, pour disperser les milliers de sympathisants qui s’étaient rassemblés pour l’écouter. Dans la débandade de la foule, plusieurs boutiques et véhicules, dont une jeep de la police, ont été cassés ou incendiés. Des groupes de partisans de Vital Kamerhe étaient toujours rassemblés dans la ville en fin de journée, certains brûlant des pneus en signe de protestation. Au cours des échauffourées, une personne est morte et quarante-sept autres blessées, parmi lesquelles on compte 24 civils, 21 policiers et 2 personnes de la délégation de Kamerhe.[21]

Il est évident que le gouvernement congolais voulait empêcher Vital Kamerhe, possible candidat à l’élection présidentielle de 2016, de conduire à terme une « mission qui avait suscité l’enthousiasme de la population locale et qui aurait pu menacer la stabilité et la suprématie du pouvoir en place à Kinshasa. Ce qui s’est passé à Bukavu pourrait être, par conséquent, un signe avant-coureur de ce qui pourrait arriver à la veille des prochaines élections: des manifestations populaires réprimées, des journalistes arrêtés et des membres de l’opposition empêchés de battre campagne électorale.


[2] Cf Radio Okapi, 25.02.’14

[3] Cf Tshieke Bukasa – Le Phare –  Kinshasa, 04.03.’14 (via mediacongo.net)

[4] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 27.02.’14

[5] Cf Le Potentiel – Kinshadsa, 13.02.’14

[6] Cf Boniface Musavuli (Agora Vox) – Le Potentiel – Kinshasa, 13.02.’14

[7] Cf Radio Okapi, 11.02.’14

[8] Cf Radio Okapi, 13.02.’14

[9] Cf Radio Okapi, 14.02.’14

[10] Cf RFI, 18.02.’14

[11] Cf AFP – Kinshasa, 28.02.’14

[12] Cf Radio Okapi, 28.02.’14

[13] Cf Radio Okapi, 03, 08 et 09.02.’14

[14] Cf Radio Okapi, 03.02.’14

[15] Cf Radio Okapi, 08.02.’14

[16] Cf Radio Okapi, 09.02,’14

[17] Cf Radio Okapi, 16.02.’14

[18] Cf Radio Okapi, 17.02.’14

[19] Cf Radio Okapi, 17 et 18.02.’14

[20] Cf AFP – Kinshasa, 18.02.’14; Radio Okapi, 18 et 19.02.’14; Mukebayi Nkoso – Congo News – Kinshasa, 19.02.’14

[21] Cf Radio Okapi, 20 et 21.02.’14; P. Boisselet avec T. Kibangula – Jeune Afrique, 21.02.’14 ; AFP /Jean-Baptiste Baderha – RFI, 21.02.’14

Congo Actualitè n.225

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SOMMAIRE

EDITORIAL: Le débat sur une éventuelle révision de la Constitution, des conséquences fâcheuses

  1. POLITIQUE INTERNE

  2. Une nouvelle Constitution et une troisième transition déjà en chantier?

  3. Le Parlement devra se pencher sur la révision de la constitution

  4. KIVU

  5. Le dossier de la délimitation de la frontière entre RDCongo et Rwanda

  6. Les réfugiés rwandais vivant sur le sol congolais

  7. Les rebelles rwandais des FDLR

  8. Les rebelles ougandais de l’ADF

  9. L’ancien Mouvement du 23 mars (M23)

 

EDITORIAL: Le débat sur une éventuelle révision de la Constitution, des conséquences fâcheuses

1. POLITIQUE INTERNE

a. Une nouvelle Constitution et une troisième transition déjà en chantier?

Le 25 août, le débat interne autour de la révision ou non de la Constitution s’est davantage éclairci au sein de la Majorité Présidentielle, après le «Conclave» qui a eu lieu à Kingankati, dans la banlieue Est de Kinshasa, sous la modération du Chef de l’Etat.

Les observateurs ont noté que, au-delà des divergences de vues entre les camps des «pro» et «anti» révisionnistes, une «troisième voie» s’est invitée à la table des discussions. Il s’agit de celle préconisant la rédaction d’une nouvelle Constitution.

On a appris, à ce sujet, qu’un groupe de travail devrait incessamment se mettre en place en vue de réfléchir sur le nouveau texte constitutionnel, totalement différent de celui actuellement en vigueur, que l’on dit dépassé, car découlant de la volonté politique des «Composantes» et «Entités» signataires de l’Accord Global et Inclusif ayant sanctionné, en décembre 2002 à Sun City, la fin du Dialogue Intercongolais.

La conséquence logique de pareille initiative serait la liquidation pure et simple de la «Troisième République», née le 18 février 2006, et l’avènement de la 4me République. Dans ce cas, les compteurs seraient remis à zéro. Concrètement, on va «effacer le tableau», c’est-à-dire on ne va plus tenir compte des mandats déjà exercés par Joseph Kabila et l’on va lancer une nouvelle transition à conduire par un «Gouvernement de large union nationale», à l’issue de laquelle seraient organisées de nouvelles élections législatives et présidentielle.[1]

D’après le quotidien belge «La Libre Belgique» du 10 septembre 2014, l’étude d’une autre Constitution a déjà commencé à Kinshasa. Ce n’est plus une modification de la Constitution congolaise de 2006 qui est envisagée à Kinshasa, pour tenter de maintenir le président Kabila au pouvoir, mais une nouvelle loi fondamentale. Le but principal de cette initiative serait de «remettre les compteurs à zéro» et de permettre donc à Joseph Kabila de briguer le troisième mandat que la Constitution actuelle lui interdit. Diverses modifications, par rapport au texte actuel, seraient à l’étude. Ainsi, le mandat du président pourrait passer de cinq à sept ans et être renouvelable indéfiniment. Et le chef de l’Etat pourrait être élu indirectement, hypothèse déjà évoquée ces derniers mois et qui a soulevé beaucoup d’inquiétude, les Congolais étant nombreux à y voir une facilitation de la corruption de ceux qui auront à élire le président. D’autres changements sont aussi étudiés dans cette nouvelle mouture de la Constitution où l’article établissant 26 provinces pourrait être supprimé, afin de revenir aux 11 actuelles. Egalement, l’article 175, établissant que «40%» des «recettes à caractère national» sont allouées aux provinces et retenu «à la source» par celles-ci pour leur financement, sera supprimé. De facto, depuis l’adoption au référendum de la Constitution en vigueur, ces articles ne sont toujours pas appliqués. Le supprimer reviendrait donc à rendre légale une situation aujourd’hui illégale. De même, on envisagerait aussi la suppression de l’articles 10 interdisant la double nationalité. Cela remettrait dans la légalité de nombreuse élites congolaises bénéficiant de deux passeports. Toutefois, s’ils s’avéraient, tous ces changements pourraient soulever beaucoup de remous.[2]

Selon le porte-parole de la majorité présidentielle, Sébastien Luzanga Chamandevu, la Constitution de 2006 est dépassée: «Au lieu de réviser un article ici, un article là-bas, il faut une nouvelle Constitution. Si, entre nous, les politiques, nous ne nous mettons pas d’accord, cette Constitution actuelle prévoit que nous puissions recourir au peuple souverain par référendum».
Mais pour le sénateur Jacques Djoli, il n’y a aucune raison de changer de Constitution alors que la IIIe République n’est même pas encore totalement en place: «Il y a énormément d’institutions qui ne sont pas mises en place. La Cour constitutionnelle ne fonctionne pas encore. Le Conseil d’Etat n’est pas encore mis en place, et le pouvoir judiciaire doit encore se renforcer. Donc, parler d’une IVe République, c’est une fuite en avant pour justifier ou chercher une voie de sortie peu honorable à un individu et à son entourage».[3]

Le 15 septembre, lors de l’ouverture de la session parlementaire de septembre, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, a expliqué qu’il ne fallait pas tirer prétexte de la révision constitutionnelle pour aboutir à un changement de constitution. Il a indiqué que «la constitution du 18 février 2006 est le fruit des accords de paix conclus à Sun City (Afrique du Sud) pour mettre un terme à la deuxième guerre du Congo (1998-2003). «Comment peut-on prendre le risque d’altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale», s’est-il interrogé.[4]

b. Le Parlement devra se pencher sur la révision de la constitution

Selon des sources parlementaires, durant la session parlementaire de septembre, essentiellement budgétaire, plusieurs questions politiques seront aussi examinées. Il s’agit notamment du projet de révision de la constitution de la RDC. Concernant ce projet, le document a déjà été déposé au bureau de l’Assemblée nationale peu avant la clôture de la précédente session. Ce projet avait été adopté par le conseil des ministres le 9 juin dernier.

Cette révision, conformément à la demande du gouvernement, concerne le processus électoral; précisément le mode des élections des députés provinciaux et, par conséquent, les élections des sénateurs et des gouverneurs de province. Cette question divise la classe politique congolaise. D’un côté, il y a ceux qui souhaitent que les députés provinciaux soient toujours élus au suffrage direct et, et de l’autre, ceux qui veulent que tous ces scrutins se passent au suffrage indirect.

Selon les partisans de la révision, cette initiative est constitutionnelle, dans la mesure où elle touche les articles non verrouillés. D’autres par contre soupçonnent la majorité au pouvoir de chercher à ouvrir une brèche qui conduirait à la retouche des articles voulus intangibles. Parmi ces dispositions, figure le célèbre article 220, qui empêche notamment à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat présidentiel.[5]

Le 15 septembre, lors de l’ouverture de la session parlementaire de septembre, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, a appelé au respect des dispositions intangibles de la constitution qui sont, selon lui, le «socle de toute l’architecture constitutionnelle».

«Les dispositions intangibles de la constitution, je pense ici à l’article 220 et tous ceux auxquels il renvoie, constituent le pivot, le socle, l’armature de toute l’architecture constitutionnelle», a soutenu le président du Sénat. Cet article 220 détermine les matières de la constitution qui ne peuvent être modifiées. Ainsi le nombre et la durée des mandats du président de la République ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Il a, enfin, invité la classe politique à «la culture de la paix et de la réconciliation» et à «l’esprit de tolérance et d’alternance », afin de « se concentrer enfin sur les vrais problèmes du peuple: pauvreté, chômage, éducation, santé infrastructures, environnement».

De sa part, le président de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku, a précisé que son bureau n’avait reçu aucune demande de révision d’un article de la constitution en dehors du 197.

Le projet de loi déposé au Parlement par le gouvernement est relatif à l’élection des députés provinciaux au suffrage universel indirect. Son adoption nécessite au préalable une révision constitutionnelle touchant l’article 197 relatif au mandat et au mode du scrutin des députés provinciaux qui sont, actuellement, élus au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans. L’on devra modifier aussi les articles relatifs aux élections des sénateurs nationaux et des gouverneurs de province qui, dans le cas de l’élection indirecte des députés provinciaux, ne seront plus élus par ces derniers, mais par les conseillers des communes et des secteurs. Au sujet du débat actuel sur la révision de la constitution pour permettre à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat, Aubin Minaku a affirmé que son bureau n’avait reçu aucune demande en ce sens.[6]

Le 16 septembre, dans un nouveau message adressé «aux fidèles catholiques ainsi qu’aux hommes et femmes de bonne volonté de la RDC», les évêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) réaffirment leur opposition à la modification de l’article 220 de la constitution.  La CENCO n’ignore pas que toute constitution est modifiable, mais elle rappelle que l’Article 220 a été verrouillé par le Constituant lui-même, justement pour échapper à cette modification. Selon les Évêques, «cet article pose les bases de la stabilité du pays et l’équilibre des pouvoirs dans les Institutions. Le modifier serait faire marche en arrière sur le chemin de la construction de notre démocratie et compromettre gravement l’avenir harmonieux de la Nation».[7]

Le 18 septembre, le porte parole du gouvernement, Lambert Mende, a affirmé que la révision de l’article 220 de la Constitution n’était pas, pour l’instant, à l’ordre du jour, mais il a ajouté que, «en démocratie, tout pouvait être discuté, y compris les dispositions verrouillées dans la loi fondamentale». Il a donc affirmé de ne pas exclure un référendum sur l’article 220 qui limite le nombre de mandats du chef de l’Etat à deux.[8]

Le 23 septembre, l’Union Européenne a invité la Majorité Présidentielle (MP) actuellement au pouvoir à « dialoguer » avec l’opposition pour l’organisation des prochaines élections, afin d’éviter une « impasse » dans ce pays plongé dans une crise politique depuis la présidentielle de 2011. «Le refus des autorités de se prêter à un réel dialogue, notamment au sujet de la séquence des élections (les élections locales avant, en 2015, et les élections présidentielles et législative après, en 2016) et du changement de mode de scrutin (les élections des députés provinciaux à suffrage indirect), risque de conduire le processus électoral à une impasse», écrit la Mission de suivi électoral de l’UE dans le résumé du rapport final sur son séjour dans le pays en mai et juin. La mission de l’UE a rappelé que les Vingt-Huit sont prêts à soutenir le processus électoral moyennant « certaines améliorations« . Comme l’ONU, l’UE recommande aux autorités congolaises de publier un « calendrier électoral complet, consensuel et assorti d’un budget détaillé« , afin de permettre aux bailleurs de fonds d’aider à l’organisation des élections.[9]

Le 8 octobre, José Endundo Bongonge, chef du Parti des Démocrates Chrétiens (PDC), une formation politique de la Majorité présidentielle, a déclaré que le débat sur une éventuelle révision de la constitution n’est pas une priorité pour le moment. Pour lui, ce débat occulte celui «fondamental» sur le développement. «Je regrette beaucoup que le débat sur la constitution occulte aujourd’hui le débat fondamental du développement. Nous passons le temps à faire des élucubrations sur un changement éventuel de la constitution alors que les vrais problèmes c’est Ebola, ce sont les routes, ce sont les écoles. C’est ça la priorité», a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse à Mbandaka. Selon José Endundo «la majorité a bien le droit de vouloir garder le pouvoir après les prochaines élections. C’est son droit le plus absolu. Comme c’est le droit de l’opposition de combattre pour le conquérir».[10]

Le 12 octobre, le secrétaire permanent de la plate-forme « Agir pour les Élections Transparentes et Apaisées » (AETA) et président de la « Ligue Nationale pour les Élections Libres et Transparentes » (Linelit), Jérôme Bonso, a réaffirmé, dans un débat télévisé à Kinshasa, l’impossibilité d’organiser les élections «crédibles, justes et régulières» avant 2016.

En effet, «au gouvernement, le président de la Ceni a exigé qu’il rende publiques au plus tard fin février 2014 la liste officielle et la délimitation des groupements, la cartographie des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements. Ce qui n’a pas été fait, bien que nous sommes aujourd’hui au mois d’octobre. Au parlement, le président de la Ceni a demandé expressément de réviser le cadre légal au plus tard mars-avril-mai 2014 pour les élections urbaines, municipales et locales ainsi que provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielles, ce qui n’a pas encore été fait non plus», a-t-il rappelé.

Il a ajouté que «les tribunaux de Grande instance pour le traitement des contentieux des élections urbaines, municipales et locales, qui devraient être opérationnels avant septembre 2014, ne le sont pas à ce jour».

«Une autre raison qui justifie l’impossibilité d’organiser ces élections locales avant 2016 est le fait qu’elles sont complexes et onéreuses à cause de l’accroissement des circonscriptions électorales, soit 7.265 contre 169 créées lors des élections de 2011», a commenté Jérôme Bonso.

Par conséquent, a-t-il soutenu, «l’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015 est difficile, voire impossible à cause du fait que les exigences que la Ceni érige en préalables dans sa feuille de route tardent encore d’être accomplies».

Déjà le 9 mai, les experts électoraux de l’AETA avaient annoncé qu’il était «impossible d’organiser des élections municipales et locales crédibles, justes et régulières avant 2016». C’est pour cela qu’ils avaient proposé de «continuer le cycle électoral 2011-2016 par l’organisation des élections des députés provinciaux au suffrage direct et des élections des sénateurs et des gouverneurs de province au suffrage indirect en 2015, des élections présidentielles et législatives en 2016 et des élections municipales, urbaines et locales après 2016».[11]

2. KIVU

a. Le dossier de la délimitation de la frontière entre RDCongo et Rwanda

Des délégations d’experts de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda se sont réunies dernièrement à Rubavu au Rwanda, pour faire le point sur le dossier de la délimitation de la frontière terrestre commune (27 km), depuis la grande barrière à Goma jusqu’au Mont Hehu, au nord-est du territoire de Nyiragongo. Les experts des deux pays ont notamment réfléchi sur le problème de 22 bornes principales et de 11 bornes secondaires qui devraient être construites ou reconstruites pour matérialiser cette frontière. Pour mieux démarquer la frontière terrestre, il est prévu de libérer de toute construction une zone neutre de six mètres de part et d’autre des deux pays. Cette disposition va entraîner, par conséquent, la destruction de certaines constructions et la relocalisation des habitants. Un programme qui devrait coûter un peu plus de 1,122 million de dollars américains.[12]

b. Les réfugiés rwandais vivant sur le sol congolais

Le 22 septembre, en mission au Congo-Kinshasa, M. Bryan C. Lupton, chargé des réfugiés au Département d’Etat américain, a eu une séance de travail avec Mme Berthe Zinga Ilunga, secrétaire permanente de la Commission nationale pour les réfugiés (CNR). Au centre de l’entrevue, la situation des 241.626 réfugiés rwandais vivant sur le sol congolais. Mme Berthe Zinga Ilunga a donné toutes les précisions sur la localisation de ces réfugiés dans les provinces du Nord Kivu, du Sud Kivu, du Maniema, du Kasaï Oriental, du Katanga, de l’Equateur, dans la ville de Kinshasa ainsi que dans la province Orientale. Selon elle, seulement 30% de ces réfugiés ont exprimé l’intention de retourner au Rwanda, au terme de l’opération d’enregistrement effectuée par la Commission nationale pour les réfugiés.[13]

c. Les rebelles rwandais des FDLR

Le 5 août, dans une conférence de presse lors du sommet Etats-Unis-Afrique à New York, l’envoyé spécial des États-Unis pour la RDCongo et la Région des Grands Lacs, Russ Feingold,  a déclaré que «il n’y a aucune justification pour les FDLR de continuer à être présents dans l’est du Congo. Les origines du groupe FDLR, bien sûr, ont à voir avec les «génocidaires», ceux qui ont été impliqués dans les crimes horribles en 1994, le génocide au Rwanda. Et ils ne peuvent simplement pas être autorisés à être à l’aise dans l’est du Congo». Il a précisé que «il n’y a aucune justification pour les FDLR de demander un dialogue politique mesquin. Ils sont un groupe armé illégal qui devrait être éliminé».

Répondant à une question posée par un journaliste, il a précisé que  «il faut se débarrasser des FDLR pas tant à cause de leur capacité militaire, mais surtout à cause de ce qu’ils représentent et de l’effet déstabilisateur qu’ils ont, eu égard aux relations avec le Rwanda».[14]

Selon certains observateurs, l’interprétation que Russ Feingold a donné du phénomène FDLR risque d’alimenter encore plus le conflit et de ralentir, par conséquent, le processus de paix dans la Région des Grands Lacs en général et dans l’est de la RDCongo en particulier.

En premier lieu, selon Russ Feingold, une personne peut et doit être considérée «génocidaire» par le simple fait d’être membre des FDLR, même s’il n’y a aucun acte d’accusation contre elle, ni aucune enquête  judiciaire en cours, ni aucun procès régulier, ni aucun jugement tranché.

Deuxièmement, Russ Feingold ne prend pas en compte les crimes commis par les FDLR en RDCongo et il est plus préoccupé de ce que les FDLR représentent pour le Rwanda, c’est-à-dire le spectre du génocide de 1994. Selon Russ Feingold, les FDLR sont un élément déstabilisateur plus pour le Rwanda que pour la RDCongo, mais c’est la RDCongo qui doit les désarmer, parce qu’elles se trouvent sur son territoire. En fin de compte, selon Russ Feingold, la RDCongo doit résoudre le problème que les FDLR représentent pas pour elle même, mais pour le Rwanda.

Troisièmement, Russ Feingold rejette fermement la demande, faite par les FDLR, d’un dialogue politique avec le gouvernement du Rwanda, afin de faciliter leur retour au Pays. Russ Feingold embrasse pleinement la position du régime rwandais qui, comme toujours, il recourt à la mémoire du génocide pour disqualifier les FDLR et l’opposition, interne et externe, accusée de collaborer avec les FDLR. Mais en refusant le dialogue, le conflit entre le gouvernement du Rwanda et les FDLR reste intact, même si ce conflit a été, jusqu’à présent, déplacé vers le territoire congolais.
Cette version de la réalité décourage, en fait, le processus de désarmement et de rapatriement volontaire des FDLR. Leur membres, globalement accusés de génocidaires, jamais accepteront de passer la frontière, de peur d’être immédiatement arrêtés, même ceux qui sont innocents.
La Communauté Internationale devra comprendre que les FDLR ne sont pas un problème d’origine congolaise, mais d’origine rwandaise et qu’elle doit, dès lors, exiger au Rwanda de résoudre lui-même, sur son propre territoire, le problème qui l’oppose aux FDLR. Et probablement le principal moyen de le résoudre ce sera, justement, le dialogue!

Quand le gouvernement rwandais aura résolu le conflit entre lui et les FDLR, même l’est de la RDCongo, où actuellement ce conflit a été déplacé, pourra retourner à vivre dans la paix.

Le 25 septembre, l’ancien Premier ministre du Rwanda sous Paul Kagame, Faustin Ntwagiramungu, devenu opposant et en exil en Belgique, allié des FDLR, a affirmé qu’il faut une solution globale pour les 250.000 réfugiés rwandais vivant en Rdc et non seulement se focaliser sur les quelque 1.400 éléments des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR). Par conséquent, il propose à l’Onu de convoquer un «Sun City» rwandais pour trouver des réponses aux questions des refugiés, des FDLR ainsi que d’autres opposants politiques vivant en dehors du Rwanda.

Cette proposition de l’ancien Premier ministre du Rwanda est rejetée par Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu. Pour lui, la place des FDLR, ce n’est pas en RDC mais au Rwanda, leur propre pays. Quant à l’idée de la tenue d’un «Sun City» à la rwandaise, il estime qu’il n’est pas indiqué que les FDLR exigent un dialogue avec leur pays à partir d’un Pays étranger, la RDCongo. Tous ceux qui réclament un tel dialogue doivent d’abord rentrer au pays et, de l’intérieur, exiger ensuite un tel dialogue, en vue de solutionner tous les problèmes internes à leur Pays, le Rwanda.[15]

Le 28 septembre, la Société Civile du Nord-Kivu a déploré la lenteur dans le processus de reddition volontaire des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

Elle souligne qu’avec cette lenteur, les populations des territoires de Lubero, Walikale, Rutshuru et Masisi vont continuer à endurer les multiples exactions des FDLR ainsi que des groupes armés locaux. A Lubero, par exemple, les FDLR occupent une bonne partie du territoire, notamment dans la partie Sud-Ouest et Nord-Ouest. Ils sont notamment signalés dans les groupements Itala, Lengwe, Munjowa, Tama, ainsi que dans la localité de Fungula-Macho, dans le secteur de Bapere.

Selon l’administrateur de Lubero, Bokele Joy, environ 30% du territoire est entre les mains des FDLR et d’autres groupes armés qui administrent et imposent leurs décisions aux populations locales. Ces rebelles rwandais refusent, depuis deux mois, de rejoindre le camp de transit de Kisangani (province Orientale) et d’Irebu (Equateur) comme décidé par le gouvernement congolais.

La société civile du Nord-Kivu demande au gouvernement congolais et à la Monusco, d’envisager un déploiement rapide des FARDC ainsi que de la Brigade d’intervention de l’Onu dans toute la région, sous occupation des milices locales et forces négatives. Cette structure demande par ailleurs à la communauté internationale de faire pression sur Kigali pour qu’il accepte d’accueillir les ex-FDLR. Depuis 2002, la Monusco a rapatrié 11.117 FDLR et leurs dépendants au Rwanda. Il en reste environ 1.500 en RDC.[16]

d. Les rebelles ougandais de l’ADF

Le 3 octobre, dans la nuit, des hommes armés identifiés comme des rebelles ougandais de l’Alliance des Forces Démocratiques (ADF) ont attaqué la localité de Mukoko, dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). Des sources locales indiquent que les assaillants ont tué trois personnes et kidnappé trois autres à qui ils ont fait porter les biens ravis aux habitants de la localité. Des sources de la société civile indiquent que l’une des personnes kidnappées a refusé de porter les biens emportés par les assaillants. Elle a été tuée avec une arme blanche. Pris de panique, les habitants de Mukoko ont fui leur localité. Certains ont pris la direction de la brousse. D’autres se sont dirigés vers Oïcha, chef-lieu du territoire de Beni.[17]

Le 5 octobre, dans la nuit, quatre personnes ont été tuées, huit blessées et sept autres kidnappées à l’issue d’une attaque des rebelles ougandais des ADF dans la localité de Linzo Sisene, dans le territoire de Beni, (Nord-Kivu). Parmi les personnes enlevées, on compte notamment le chef du village, car accusé par les rebelles d’être un traître. Des sources locales rapportent que la plupart des assaillants étaient armés de fusils et d’armes blanches. La société civile du Nord-Kivu déplore la multiplication des cas de tueries et d’enlèvements enregistrés ces derniers jours dans les villages, d’où les rebelles ougandais avaient été récemment délogés par les FARDC et invite le gouvernement congolais et la Monusco à agir rapidement.[18]

Le 6 octobre, pendant la nuit, les rebelles ougandais des ADF ont attaqué les localités de May-Moya, Kisiki et Maibo, sur la route d’Eringeti à Beni (Nord-Kivu). Dans un communiqué publié le 7 octobre, la société civile provinciale avance le bilan de 8 civils tués.[19]

Le 8 octobre, dans la soirée, des rebelles ougandais des ADF ont attaqué la cité d’Oicha, dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). L’administrateur du territoire, Amisi Kalonda, indique que les assaillants ont tué neuf personnes. Quatre autres ont été grièvement blessées. Les habitants d’Oicha et d’Eringeti fuient leurs localités et se dirigent vers les villes voisines de Beni et Butembo.

Cette attaque est la 4ème des ADF sur l’axe Beni-Mbau en l’espace d’une semaine. Plus d’une vingtaine de personnes (24) ont été tuées au cours de ces incursions.[20]

Le 9 octobre, le député national Grégoire Kiro a déclaré ne pas s’expliquer ces attaques, vu le nombre important de militaires FARDC déployés dans cette région. Le député Grégoire Kirojuge ces attaques inadmissibles. «Cela ne peut pas se passer dans un endroit qui est censé avoir beaucoup de militaires qui sont en plein opération Sukola, ainsi que plusieurs dizaines de policiers qui sont là pour sécuriser la population», s’est-il indigné. Pour lui, rien n’a changé depuis que les opérations militaires ont commencé et la population n’est pas du tout sécurisée. Grégoire Kiro appelle les autorités à « faire leur travail ». «Il y a bien des autorités militaires, il y a bien des autorités politico-administratives. Elles ne peuvent pas être là seulement pour constater les dégâts. Elles doivent prévenir», a-t-il conclut.[21]

Le 15 octobre, dans la matinée, de violents affrontements ont eu lieu entre les Fardc et les ADF/NALU dans la localité de Pabaota-Samboko, Groupement de Batangi-Mbau, au nord-ouest du Territoire de Beni. Le bilan jusque là provisoire fait état d’une dizaine d’ADF-NALU tués, 5 blessés et des capturés, parmi lesquelles une fille de 12 ans. Dans leur débandade, les ADF auraient pris la fuite vers la forêt, en direction de la Province Orientale.

Le 15 octobre, pendant la nuit, des hommes armés ont tué 27 personnes et blessé 6 autres au terme d’une incursion à Ngadi et Kadowu, deux localités du territoire de Beni. L’incursion de Ngadi a eu lieu aux environs de 19 h locales. Selon des sources sécuritaires, les assaillants se sont introduits dans plusieurs maisons et ont attaqué les civils à l’arme blanche. Dans cette attaque, 13 personnes ont été tuées et 6 blessées. Les mêmes bandits sont partis de Ngadi pour s’attaquer à la localité voisine de Kadowu, où ils ont abattu 14 personnes, dont 7 femmes. La société civile de Beni attribue ces attaques aux rebelles ougandais des ADF. Cette attaque intervient après d’autres menées par des rebelles ougandais de l’ADF contre plusieurs villages. En moins d’une semaine, ces attaques avaient déjà 24 morts et presque 100.000 déplacés. En quinze jours, sont donc 51 les personnes tuées par les ADF/Nalu.

La dernière attaque contre deux quartiers de la périphérie nord de Beni, une ville d’environ 500.000 habitants, inquiète la population du Nord-Kivu et remet en question le discours officiel des autorités congolaises selon lequel les rebelles de l’Alliance des forces démocratiques-Armée nationale de libération de l’Ouganda (ADF-NALU) seraient pratiquement défaits, à l’agonie.

Parlant sous le couvert de l’anonymat, un expert du Nord-Kivu, a estimé qu’il ne fait aucun doute que les dernières attaques dans la région de Beni sont l’oeuvre de l’ADF-NALU. «Depuis le décès fin août du général Lucien Bahuma, qui commandait l’armée au Nord-Kivu, il n’y a plus rien qui se passe contre les ADF et ceux-ci reprennent des forces», ajoute-t-il, notant que «ces dernières attaques sont une grosse baffe pour les FARDC après une opération qu’on pensait finie et pour laquelle il y a eu beaucoup de morts dans les rangs de l’armée». Le 8 octobre, le lieutenant-colonel Felix-Prosper Basse, porte-parole militaire de la Monusco, avait estimé que «l’ADF-NALU conserveraient leur « capacité de nuisance » tant que leur direction n’aurait pas été décapitée».[22]

Le 17 octobre, 24 personnes ont été tuées dans la nuit dans une attaque de présumés rebelles ougandais des ADF dans la localité d’Eringeti, localité située à environ 60 kilomètres au nord-est de la ville de Beni. Selon l’administrateur du territoire de Beni, Amisi Kalonda, parmi les victimes se trouvent neuf femmes, huit enfants, cinq hommes et un militaire FARDC. D’après lui, les victimes ont été tuées à la hache et à la machette.

De leur côté, les jeunes de Beni ont instauré des brigades de patrouilles nocturnes dans différents quartiers de la ville. Selon Jimmy Kighoma, président du conseil urbain de la jeunesse, il s’agit d’une stratégie d’auto-prise en charge pour la sécurité de cette ville. Pour sa part, le Parti libéral pour le développement a demandé au ministre de la Défense «de présenter tout simplement sa démission parce que visiblement la défense de ce territoire échappe totalement à son contrôle». Le vice-président de ce parti politique, Jean-Paul Lumbulumbu, a en outre demandé à Joseph Kabila de revoir la chaîne de commandement de l’opération militaire «Sokola», menée dans cette partie de la province contre les rebelles des ADF. La Société civile du Nord-Kivu a exhorté la Monusco à « s’engager militairement au coté [de l'armée] et non pas limiter son [soutien] au seul appui logistique afin d’en découdre définitivement avec ces terroristes ».[23]

Après les derniers massacres de civils commis par des rebelles ougandais, les habitants de Beni commencent à se défier des autorités locales. « Restez calmement dans vos maisons, les autorités maîtrisent la situation ». Le message passé dimanche matin à la radio par Nyonyi Masumbuko, maire de cette ville du Nord de la province du Nord-Kivu, ne convainc guère. « Ceux qui vous disent que nous sommes en sécurité vous mentent », accuse Léon (prénom changé). « Les autorités nous ont promis de rétablir l’ordre dans la ville mais [...] nous n’avons pas confiance en elles », ajoute cet avocat. Depuis deux jours, ajoute l’homme, on a organisé des vigies civiles dans plusieurs quartiers: de petits groupes qui, armés de bâtons et équipés de sifflets pour donner l’alarme, veillent toute la nuit à des carrefours autour d’un feu de bois. Dans les rues de la ville, deux journalistes de l’AFP arrivés la veille notent la présence de soldats et policiers, mais rien qui ressemble vraiment à un renforcement de la présence visible des forces de l’ordre.[24]

e. L’ancien Mouvement du 23 mars (M23)

Le 7 octobre, dans un communiqué publié à Goma, la société civile du Nord-Kivu a soupçonné d’anciens membres de l’ex rébellion du M23 de procéder au recrutement de jeunes dans le Rutshuru, au Nord-Kivu. Cette structure a appelé la communauté internationale et le gouvernement congolais à enquêter sur ces «possibles» recrutements.

Selon des sources locales à Rutshuru, deux personnes ont été arrêtées par les services de sécurité, au chef-lieu du territoire. Elles auraient été surprises en pleine réunion sur un probable retour de l’ex-M23. Il s’agirait de Patrice Tambuka, la soixantaine, infirmier dans un centre de santé de Kiwanja, à 3 km de Rutshuru-centre, et Roger Hatuma, ancien chef de cité de Kiwanja, sous l’occupation du M23. Plusieurs jeunes, qui participaient à cette rencontre, auraient pris la poudre d’escampette à l’arrivée des forces de sécurité, ont confirmé les mêmes sources. Depuis environ un mois, des sources locales ont rapporté des recrutements de jeunes par des partisans de l’ex-M23 à Rutshuru. Selon la société civile du Nord-Kivu, ces mouvements de recrutement ont été signalés à Katale et Buvunga, dans le groupement de Kisigari, en chefferie de Bwisha, où plusieurs personnes auraient été contactées pour le compte du M23. De son côté, la Mission de l’Onu en RDC (Monusco) a dit avoir reçu des informations selon lesquelles des éléments de l’ex M23 auraient été vus en groupes assez grands, de 100 personnes dans un cas, et de 150 personnes dans un autre. Toutefois, après des missions de vérification et de reconnaissance, la Monusco a assuré n’avoir trouvé aucune trace de ces recrutements et a estimé que, pour l’instant, ces allégations restent de simples rumeurs.[25]

Le 8 octobre, les forces de sécurité congolaises ont présenté à Goma, Nord-Kivu, 54 jeunes qui auraient été recrutés par d’anciens membres de l’ex M23. Ces jeunes voyageaient sans documents légaux en Ouganda, dans un bus, en compagnie de deux anciens membres de l’ancienne rébellion, qui n’ont pas encore bénéficié de l’amnistie. Ils ont été arrêtés par les forces de sécurité ougandaises, qui les ont remises à leurs homologues congolais.

Ces personnes, dont l’âge varie entre 13 et 40 ans, sont originaires des groupements de Jomba et Butanza, dans la chefferie de Bwisa, territoire de Rusthuru. Elles affirment avoir été contactées par deux recruteurs, l’un Congolais et l’autre Ougandais, pour aller travailler dans des plantations en Ouganda. Parmi elles, deux ex éléments M23 qui n’ont pas encore bénéficié de l’amnistie.[26]

Le 9 octobre, dans un rapport publié à Genève (Suisse), le Bureau des droits de l’Homme de l’ONU a demandé aux autorités de Kinshasa de mener des « enquêtes judiciaires approfondies » sur les « crimes » commis par les ex-rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23) dans l’Est de la République démocratique du Congo. «Au vu des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire documentées (…) il est recommandé aux autorités congolaises d’ouvrir des enquêtes judiciaires approfondies, rigoureuses et impartiales sur les crimes commis par les éléments civils et militaires du M23 dans la province du Nord-Kivu», écrit le Bureau des droits de l’Homme de l’ONU qui accuse spécifiquement des membres du M23 d’avoir tué, violé ou torturé plusieurs centaines de personnes entre avril 2012 et novembre 2013. Ces violations des droits de l’Homme, écrit l’ONU, pourraient dans certains cas « constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Les Nations unies demandent également aux autorités de « traduire tous les auteurs de ces crimes en justice ».

«Il est fondamental que justice soit rendue aux victimes et que cessent enfin les cycles d’impunité qui minent les efforts en faveur de la paix en RDC depuis trop longtemps», a déclaré  le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein. Selon le rapport, plus de 116 personnes y ont été victimes d’atteinte au droit à la vie (meurtre), 351 d’atteinte au droit à l’intégrité physique, dont 161 de viol, 296 d’atteinte au droit à la liberté et sécurité de la personne, notamment d’enlèvement et de recrutement forcé et 18 cas de travail forcé et 50 cas d’atteinte au droit à la propriété ont également été commis par des éléments du M23. Le rapport cite ainsi le cas d’un homme tué par balle à Kiwanja le 2 novembre 2012 par des hommes en tenue du M23 alors qu’il s’opposait au pillage de sa maison, ou encore celui de deux jeunes tués pour avoir résisté à leur enrôlement forcé. Les viols eux ont été en grande partie commis dans les camps de déplacés dans les environs de Goma, affirme l’ONU. Mais aussi au camp militaire de Katindo. Entre le 21 et le 25 novembre 2012, 49 femmes de militaires auraient ainsi été violées par des membres du M23.

Toutefois, l’Onu estime, compte tenu de la difficulté à enquêter sur le terrain, que «le nombre total de victimes pourrait être beaucoup plus élevé». Après la fin du M23, en novembre 2013, 13 mandats d’arrêt ont été émis par la République démocratique du Congo. Mais depuis, rien. Aucun des dirigeants du groupe n’a été traduit en justice.  Selon Scott Campbell, directeur du bureau des droits de l’homme de la Monusco à Kinshasa, le fait que les auteurs des violations des droits de l’homme jouissent toujours d’une impunité la plus totale est un facteur déstabilisant pour la sous-région. Les traduire en justice fait donc partie intégrante de la consolidation de la paix et la prévention d’une résurgence des groupes armés, explique Scott Campbell. Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC, Martin Kobler, a également insisté pour que les auteurs de ces violations des droits de l’homme répondent de leurs actes devant la justice. Il a appelé les autorités congolaises à faire une application stricte de la loi sur l’amnistie adopté en février 2014, selon laquelle les membres du M23 qui se sont rendus coupables de crimes graves tels que les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ne pourront pas être amnistiés, ce qui exclut, de fait, une centaine de cadres de la branche militaire du M23, accusés par la RDC et l’ONU de nombreuses atrocités commises pendant la rébellion.[27]

  

Les P.P. Jean-Pierre Ndulani, Edmond Kisughu et Anselme Wasukundi, trois prêtres assomptionnistes, ont été enlevés le 19 octobre 2012 à leur résidence de Mbau, dans la région de Beni, une des principales villes du nord du Kivu. À ce jour, personne n’a pu établir avec certitude les circonstances de leur enlèvement, ni ce qu’ils sont devenus. Absence de revendication, enchevêtrement de communautés ennemies, absence de l’État dans une région isolée, corruption et groupes armés, rumeurs, mensonges, manipulations… l’affaire est complexe.

À propos de la cause de l’enlèvement, «les trois pères assomptionnistes sont congolais, d’ethnie Nande. Mais ils ont été envoyés dans une paroisse majoritairement Bambuba, une ethnie traditionnellement ennemie des Nande», explique à La Croix Nicaise Kibel’Bel Oka, l’éditeur du bimensuel « Les Coulisses ». Or la population de Mbau «réclamait des prêtres issus de leur communauté. Une partie d’entre elle a sans doute été extrêmement déçue par le choix du diocèse lors du renouvellement de l’équipe paroissiale, en octobre 2012. Les trois prêtres ont été enlevés une semaine après leur installation par un groupe armé local, avant d’être remis aux ADF-Nalu», poursuit-il.

À propos des possibles auteurs de l’enlèvement, Nicaise Kibel’Bel Oka évoque la responsabilité d’un groupe local de Maï-Maï et du «brigadier général» Paluku Kombi Hilaire, transfuge de l’armée congolaise et véritable «parrain» de la zone. «Soit il a commandité l’enlèvement, soit il a récupéré les otages auprès d’un groupe local qui les avait enlevés. Pour lui, détenir ces otages pouvait être une façon d’asseoir son autorité sur les populations et les groupes Maï-Maï», analyse un observateur. Nicaise Kibel’Bel Oka affirme ensuite que Paluku Kombi Hilaire aurait livré les trois prêtres contre des armes à un autre groupe armé, les Forces démocratiques alliées – Armée de libération de l’Ouganda (ADF-Nalu). Une affirmation partagée par de nombreux observateurs de la région, comme la journaliste britannique Caroline Hellyer qui habitait Beni à cette époque. Jointe à Londres, où elle se trouve aujourd’hui, elle a affirmé qu’«à la fin de l’été 2013, les ADF avaient ouvert des négociations pour les libérer». Mais une intervention militaire de l’armée congolaise «a fermé toutes les portes».

À propos de leur sort, selon le journal Les Coulisses et Radio Kivu 1, les trois religieux assomptionnistes auraient été tués cet été par les ADF-Nalu parce qu’ils refusaient de se convertir à l’islam. Mais rien ne le prouve. Toutefois, la probabilité de les retrouver vivants paraît malheureusement assez faible.[28]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 27.08.’14

[2] Cf La Tempête des Tropiques – Africatime, 17.09.’14

[3] Cf RFI – 7sur7.cd, 17.09.’14

[4] Cf Radio Okapi, 16.09.’14

[5] Cf Radio Okapi, 14.09.’14

[6] Cf Radio Okapi, 16.09.’14

[7] Cf Radio Okapi, 16.09.’14

[8] Cf BBC – Africatime, 19.09.’14

[9] Cf AFP – 23.09.’14

[10] Cf Radio Okapi, 09.10.’14

[11] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 14.10.’14

[12] Cf 7sur7.cd, 23.09.’14

[13] Cf ACP – Kinshasa, 23.09.’14

[14] Cf RDCongo News – 7sur7.cd, 19.08.’14 http://7sur7.cd/index.php/8-infos/8319-feingold-tres-ferme-sur-la-fin-du-mandat-de-kabila#.U_RtjOkcRdg

[15] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 26.09.’14

[16] Cf Radio Okapi, 29.09.’14

[17] Cf Radio Okapi, 04.10.’14

[18] Cf Radio Okapi, 06.10.’14

[19] Cf Radio Okapi, 07.10.’14

[20] Cf Radio Okapi, 09.10.’14

[21] Cf Radio Okapi, 09.10.’14

[22] Cf Radio Okapi, 16.10.’14; Albert Kambale  – AFP, 16.10.’14

[23] Cf Radio Okapi, 18.10.’14; Albert Kambale – AFP – Africatime, 18.10.’14

[24] Cf AFP – Africatime, 20.10.’14

[25] Cf Radio Okapi, 08.10.’14

[26] Cf Radio Okapi, 10.10.’14

[27] Cf African Press Organization (APO) – Genève (Suisse), 09.10.’14; AFP – Africatime, 09.10.’14; RFI, 10.10.’14; APA – Arusha (Tanzanie) – Africatime, 10.10.’14. Texte integral: http://monusco.unmissions.org/Portals/MONUC-French/BCNUDH%20-%20Rapport%20VDH%20M23%20-%20Octobre%202014%20-%20VERSION%20ORIGINALE.pdf

[28] Cf Laurent Larcher – La Croix, 21.10.’14 http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Que-sont-devenus-les-trois-pretres-enleves-il-y-a-deux-ans-au-Nord-Kivu-2014-10-21-1252426

Congo Actualité n.226

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Groupes armés – Entre massacres et intérêts économiques et politiques

KIVU

Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Le procès contre les présumés impliqués dans l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala

KIVU

 Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 21 octobre, le Centre pour la Gouvernance (CEGO) a déclaré, dans un communiqué, que les tueries perpétrées depuis début octobre dans le territoire de Beni sont la preuve de l’extrême et persistante fragilité des forces de sécurité congolaises.

Le CEGO note avec préoccupation que cette brusque dégradation de la situation sécuritaire contrarie profondément les déclarations officielles faisant état de la reprise, de la maitrise et du contrôle des bastions de la prétendue rébellion ougandaise de Allied Democratic Forces/National Army for Liberation of Uganda, ADF-Nalu, a l’issue des opérations «SOKOLA 1» lancées et menées avec pompe par les Forces Armées de la RDCongo (FARDC) et accompagnée par une campagne médiatique systématique.

En réalité, les opérations «Sokola» étaient minées depuis plus longtemps par d’autres facteurs bien plus inquiétants, y compris la mort brutale et plus ou moins mystérieuse des officiers Mamadou Ndala et Lucien BAUMA, le non-paiement régulier de la solde des militaires engagés au front et surtout l’implication des officiers dans le commerce illégal des ressources naturelles, notamment le bois, l’or et le coltan, ainsi que dans diverses opérations de fraude douanière.. Tous ces facteurs ont contribué à une détérioration générale du climat de confiance au sein des troupes engagées dans l’opération «Sokola».

D’après des sources locales, en effet, les officiers généraux déployés dans la région se livrent régulièrement à des querelles intestines liées à la pratique du commerce des ressources naturelles dans la région, lequel commerce est financé par les fonds qui devraient servir au paiement de la solde du militaire. Parmi les causes de la détérioration du climat au sein des FARDC on cite également la décision du Gouvernement congolais de relever les éléments de l’Unité de Réaction Rapide (UPR) commandée anciennement par le Colonel Mamadou Ndala et de les remplacer par des éléments moins aguerris et dépourvus de moyens de subsistance.

Devant des actes d’une telle cruauté et d’une terreur extrême, les populations civiles ont besoin de protection et d’assistance de la part des autorités locales et nationales. Par contre, ces dernières exigent qu’elles soient plus vigilantes et qu’elles apportent une plus grande collaboration aux FARDC, surtout dans le domaine de l’information sur l’adversaire, ce qui est contraire à l’obligation de l’Etat de leur procurer la sécurité.

Le CEGO craint que l’insécurité grandissante et les appels des communautés à l’autodéfense n’ouvrent la voie à la prolifération et à la persistance des groupes armés avec pour risque majeur les atteintes aux droits de l’homme.

C’est pourquoi, le CEGO recommande:

  • Au Gouvernement Congolais:

- Prendre des dispositions pour mettre fin à l’insécurité grandissante dans le territoire de Beni;
– Enquêter sur l’origine réelle des attaques et massacres contre les populations civiles de Beni et engager les poursuites contre les auteurs et complices de ces massacres;

-Enquêter sur les présumés détournements de la solde de militaire par des Officiers ainsi que la pratique du commerce auquel les officiers militaires se livrent;

- Revoir la décision tendant à déployer les troupes moins aguerries au détriment des Unités de Réaction Rapide qui ont montre d’un professionnalisme et d’une capacité incontestables;
– Repenser la chaîne de commandement du secteur opérationnel de Beni, aux fins de doter les unités combattantes de commandement exempt de tout soupçon.

  • Aux partenaires financiers et techniques de la RDC:

- Conditionner l’appui à l’obligation pour le Gouvernement Congolais de respecter les droits de l’homme et de lutter contre l’impunité au sein des forces de sécurité.

  • A la Monusco, particulièrement la Brigade d’Intervention:

 – Se déployer toute affaire cessante dans les zones en proie à l’activisme des groupes armés, particulièrement en Territoire de Beni.[1]

Le 29 octobre, pendant la nuit, des présumés rebelles ougandais des ADF auraient tué 14 personnes dans les localités de Bango et de Kampi ya Chui, des sites miniers fréquentés par des creuseurs artisanaux, à une vingtaine de km de Eringeti dans le territoire de Bunia (Nord-Kivu) et à 70 kilomètres au nord de la ville de Beni. Les rescapés arrivé à Eringeti en provenance de cette contrée affirment avoir découvert les corps des victimes, le 30 octobre dans matinée. Ayant remarqué l’absence de certains de leurs collègues de travail sur les sites de recherche d’or, ils sont allés les chercher dans leurs cabanes et c’est à ce moment là qu’ils ont découvert des corps sans vie, tués pour la plupart à l’arme blanche. Les autorités locales expliquent que dans ce milieu, il n’y a vraiment des villages organisés mais des personnes viennent, certaines pour chercher de l’or et d’autres pour cultiver. Les cultivateurs construisent des cabanes, chacun dans son vaste champ alors que les orpailleurs vivent chacun dans son coin. Ce qui laisse aux assaillants le temps d’opérer sans que les voisins ne s’en rendent compte.[2]

Le 30 octobre, la fédération des ONG locales a annoncé que neuf nouveaux corps de civils assassinés ont été découverts dans plusieurs localités du territoire de Beni, au Nord Kivu, théâtre de plusieurs massacres courant octobre. «On a maintenant un bilan de 93 tués, il y a eu d’autres découvertes. On a retrouvé ce matin le corps d’une femme brûlée dans sa case et plus loin son mari et un paysan ont été tués à la machette», a déclaré Teddy Kataliko, président de la Société civile du territoire de Beni. Selon lui, ces corps ont été découverts à Mavivi, à 15 kilomètres au nord de la ville de Beni. Les autres cadavres ont été retrouvés les jours précédents plus au nord, à Kokola et sur l’axe Oicha-Eringeti-Kaynama. Kataliko a aussi expliqué que l’opération militaire Sokola n’a pas encore touché toutes les zones de l’ADF, qu’elle a connu un « relâchement » depuis le décès brutal, en août dernier, du général Jean-Lucien Bahuma, qui menait les opérations et que l’option militaire a ignoré que les ADF disposent d’un réseau de renseignement et d’un réseau économique très fort, qui fait qu’il s’est dispersé lors des attaques mais se reconstitue. D’après des sources proches de l’administration locale, quelques changements pourront intervenir dans les chaînes locales de commandement de l’armée congolaise et de la police nationale, vue les complicités observées entre quelques militaires et les rebelles ADF.[3]

Le 1er novembre, dans la nuit, des hommes armés ont abattu onze personnes, dans la ville de Beni, située à plus de 350 km au Nord de Goma (Nord-Kivu). La société civile, elle, parle de 14 morts dont deux militaires. Ce nouveau massacre a été perpétré quelques heures après le départ du chef de l’Etat de la ville de Beni, où il a séjourné pendant quatre jours. Dans son adresse vendredi 31 octobre à la population de Beni, Joseph Kabila a souhaité voir la Monusco renforcer sa présence dans cette zone pour faire face aux problèmes d’insécurité. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a «accueilli favorablement» cette demande.[4]

Selon plusieurs témoins, les assaillants de samedi étaient plus d’une quinzaine, en uniforme militaire de l’armée congolaise et s’exprimaient en langue swahili, avec un accent rwandais.

Ces deux indices sèment un grand doute parmi les autochtones qui pensent que des ex-rebelles du M23 sont en train de revenir progressivement au Nord-Kivu, en provenance du Rwanda et de l’Ouganda, sous couvert d’ADF/Nalu, voire d’éléments égarés des FARDC moulés dans des uniformes de l’armée régulière. Pour le maire de Béni, Bwanakawa Nyonyi, il est trop tôt pour tirer des conclusions: «Un accent rwandophone peut être pris par n’importe quoi». Reste que les autorités avouent explorer de nouvelles pistes sur ces dernières attaques, par exemple de possibles collaborations entre des rebelles ougandais ADF et des ex membres du M23, ou un autre groupe armé.[5]

Le 3 novembre, le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa, a annoncé un couvre-feu dans cette ville, pour faire face à la résurgence des massacres des civils dans ce territoire. Nyonyi Bwanakawa a recommandé la cessation de toute activité à partir de 18 h 30. Les habitants de Beni doivent rester chez eux jusqu’au matin à 6 heures locales. «Ça permet aux services spécialisés notamment l’armée et à la police, quand ils trouvent quelqu’un dehors, de comprendre qu’ils sont en face d’un ennemi. Cette mesure va durer le temps que ça va prendre», a-t-il poursuivi.

Pour sa part, la société civile du Nord-Kivu appelle le chef de l’Etat, Joseph Kabila, à décréter un État d’urgence dans le territoire de Beni.[6]

Le 3 novembre, des affrontements ont opposé dans l’après-midi l’armée congolaise et de présumés rebelles ougandais de l’ADF près de Beni, à l’intérieur du parc national des Virunga. Les combats se sont poursuivis le 4 novembre à Munzambay, Mayangose et Tubameme. Selon des sources proches des FARDC, le bilan fait état de 3 morts, dont un officier, et deux morts parmi les assaillants.[7]

Le 5 novembre, le directeur de l’information à la Monusco, Charles Bambara, a annoncé que «la police de la Monusco a mis en place conjointement avec la police nationale congolaise une stratégie opérationnelle de lutte contre l’insécurité à Beni qui a permis l’arrestation de 200 suspects, dont des membres du groupe armé ADF». M. Bambara a précisé que «ces arrestations ont permis la saisie d’armes et munitions de guerre, de bombes, de radios et de nombreux effets militaires». La Monusco a fourni un « soutien logistique » pour ces opérations. Le 1er novembre, les autorités provinciales avaient présenté à la population quelques suspects, expliquant qu’ils se préparaient à faire sauter le marché de Beni à l’aide de « bombes » artisanales montrées au public avec un lot de machettes, l’arme utilisée dans les récents massacres.[8]

Le 12 novembre, au cours d’une conférence de presse à Goma, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku a dénoncé l’existence d’un projet macabre d’une nouvelle rébellion en gestation à partir du territoire de Beni. Mbusa Nyamwisi, leader du Rcd-Kml est cité comme étant le principal responsable de cette nouvelle rébellion dénommée  Forces œcuméniques pour la libération du Congo (Forc). Julien Paluku a accusé certains notables de Beni et de Butembo, notamment Mbusa Nyamwisi, comme étant auteurs intellectuels des massacres perpétrés dans le territoire de Beni. Julien Paluku a fondé son argumentation sur des déclarations accablantes de quelques capturés ADF, combattants de l’ancienne rébellion RDC-KML et actuel parti de Mbusa Nyamwisi. Deux jours auparavant, à Beni, on a capturé deux hommes armés se réclamant du Rcd-Kml. Après interrogatoire, ils ont avoué, affirme Paluku, qu’ils ont été recrutés par Mbusa. Ils ont reconnu, toujours selon lui, que leur groupe Forc avait attaqué la localité de Ngadi avant de faire exploser la citerne de Sep-Congo à Beni.[9]

Depuis quelques semaines, la Mission de l’ONU au Congo (Monusco) est accusée de tous les maux. La population des environs de Béni rapporte des accusations abracadabrantes selon lesquelles les casques bleus transporteraient des rebelles ADF-Nalu, de nuit, par hélicoptère. Ils leur amèneraient des vivres, voire même du ravitaillement en armes. Certains habitants vont jusqu’à rapporter que la Monusco distribuerait des machettes. A chaque fois, personne n’a jamais rien vu de ses propres yeux mais ce sont des commerçants qui colporteraient ces histoires. Qui lance ces rumeurs? Et dans quel but? Pour le numéro 2 de la mission de l’ONU au Congo, Abdallah Wafy, il s’agit d’une campagne de désinformation organisée. Il explique que «l’ADF a une longue présence dans Béni. Ils ont donc recruté des jeunes de ce territoire. Aujourd’hui, selon certaines estimations, près de 40 % des combattants d’ADF sont originaires du territoire de Béni. On essaye donc d’intoxiquer la population pour la remonter contre les FARDC et la force de la Monusco, en vue de paralyser les opérations militaires en cours». En effet, la conséquence de ces rumeurs est que la population empêche les casques bleus de circuler et de mener leurs patrouilles ordinaires,  alors que la situation sécuritaire est toujours extrêmement volatile.[10]

Selon Caroline Hellyer, journaliste et analyste politique, spécialiste du Grand Nord du Nord-Kivu, il est possible que les derniers massacres commis dans le territoire de Beni soient l’œuvre des ADF, mais ça pourrait être aussi l’œuvre de certains miliciens maï-maï qui ont des liens avec les ADF.

Caroline Hellyer a rappelé qu’il y a eu cette importante opération militaire dénommée Sokola, suite à laquelle les principales bases des ADF ont été détruites. Ça a poussé les ADF à se replier dans la forêt et à se répartir en petits groupes. Mais il faut aussi se souvenir que les ADF vivent là depuis plus de 25 ans. Ils ont des connexions locales très fortes. Les ADF ne sont pas un groupe aux contours clairement définis. Les ADF sont mélangés avec la population. Certains peuvent être votre voisin de maison. D’autres ne sont actifs qu’une partie du temps.

En fait, c’est un réseau. Quand ils ont des intérêts communs, les ADF et les groupes maï-maï peuvent travaillent ensemble, mais il peuvent se dissocier ensuite. Les ADF, ce sont comme des poupées russes. Il y a une poupée centrale, le noyau dur, qui est impossible à atteindre, mais plus on s’éloigne de ce centre, ça devient difficile à les dissocier de ces groupes maï-maï. Et tout ce réseau s’est fait beaucoup d’argent ces dernières années, en travaillant comme des supplétifs pour des politiciens locaux, des hommes forts locaux et des groupes d’intérêts économiques. C’est une erreur de séparer les ADF de cet environnement. Ce serait une lecture dangereuse de la situation. Ces réseaux criminels ont la main mise sur certaines parties du commerce, de la société civile, de l’armée… Ce sont des réseaux transfrontaliers qui sont extrêmement forts. Les ADF en font partie, c’est ce qui leur a permis de rester aussi longtemps.

Il y a aussi des officiers de l’armée très corrompus qui travaillent en complicité avec des groupes armés, dont les ADF. D’autres ont des relations purement commerciales. Ca va de Kisangani, en passant par Beni et Butembo jusqu’à l’autre côté de la frontière, en Ouganda. On parle de véritables relations d’affaires. Le Grand Nord du Nord Kivu, c’est la frontière avec l’Ouganda, une frontière commerciale très importante. Il y a toute sorte de trafics et ça ne se voit pas forcément de l’extérieur, ce sont des réseaux informels, secrets… Mais avec des dizaines de millions de dollars qui circulent. Le Grand Nord du Nord Kivu est une région de mines d’or et le trafic va de l’Ouganda jusqu’à Burundi. Et l’insécurité sert comme un « outil politique », ça empêche les choses de changer. Là-bas, ils appellent ça « la politique ».

Ça arrange tout le monde de tout labelliser ADF. C’est le meilleur moyen de nuire au Président Joseph Kabila, à l’armée congolaise et à la Monusco. Attribuer l’accomplissement de ces massacres à l’ADF permet d’envoyer toutes sortes de messages, tels que « le président Kabila ne contrôle pas le territoire », « les FARDC sont incapables de anéantir les groupes armés », « la Monusco et les Nations unies sont incapables de protéger les civils ». La désinformation est utilisée comme outil politique. C’est pourquoi une solution purement militaire ne réglera rien. Il faut trouver des solutions politiques locales, développer cette région et créer de l’emploi.[11]

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le 3 novembre, dans une correspondance adressée à Joseph Kabila, président de la RDC, à Martin Kobler, le chef de la Monusco ainsi qu’aux autorités de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL), les rebelles rwandais des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) ont informé Kinshasa et la Monusco de leur « disponibilité » à effectuer une visite de reconnaissance sur le site prévu pour leur cantonnement à Kisangani, dans le nord-est de la RDC.

Après l’avoir longtemps refusé, les FDRL semblent désormais accepter l’idée d’envoyer leurs combattants dans un centre de regroupement aménagé par la Monusco dans un camp militaire de l’armée congolaise à Kisangani.

Le « général major » Victor Byiringiro, chef du groupe armé rwandais, a précisé que «les résultats de cette reconnaissance par l’équipe technique quadripartite SADC-gouvernement congolais-Monusco-FDLR (…) contribueront à la sensibilisation des cantonnés [les quelque 200 éléments FDLR regroupés dans les camps de transit de Kanyabayonga, dans le Nord-Kivu, et de Walungu, dans le Sud-Kivu, NDRL] pour leur déplacement [à partir] du 17 novembre vers Kisangani».

La Forge Fils Bazeye, un des porte-paroles des FDLR, confirme la décision du groupe armé. «C’est un nouveau geste de bonne foi», explique-t-il, rappelant leur engagement à transformer leur insurrection en lutte politique au Rwanda.

Les pays de la région avaient accordé à ces rebelles rwandais un dernier ultimatum de six mois – lequel expire le 2 janvier 2015 – pour qu’ils déposent volontairement les armes. Reste à savoir si l’annonce des FDLR va, cette fois-ci, s’accompagner réellement d’une action de regroupement à Kisangani.

En principe, cette nouvelle volte face des rebelles Hutus rwandais, jugée positive cette fois par nombre d’observateurs, devrait constituer une avancée notable dans la voie de la normalisation de la situation sécuritaire dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. La grande inconnue du moment, c’est la date effective du début des opérations de leur transfert des sites qu’ils occupent depuis 20 ans dans les deux provinces pour le centre de cantonnement de Kisangani. Il est à espérer que d’ici là, ils ne vont pas sortir un prétexte de leurs manches pour brandir de nouveaux préalables.

Une autre inconnue se trouve du côté du Rwanda, qui ne semble pas du tout disposé à accueillir ses rebelles en pleine démobilisation, même ceux qui ne sont pas impliqués dans le génocide de 1994. La fermeture hermétique des frontières rwandaises aux FDLR pourrait bloquer le processus de leur retour dans leur pays d’origine, lequel devrait constituer le point de chute des opérations de reddition volontaire et de cantonnement. Si la communauté internationale n’arrive pas à convaincre, voire contraindre le Rwanda à s’impliquer positivement dans le dossier de rapatriement des FDLR dans leur mère patrie ou à leur trouver un pays d’accueil autre que la RDC, on ne sera pas sorti de l’auberge.[12]

Le 5 novembre, dans une déclaration rendue publique à New York, le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’est dit profondément préoccupé par le manque d’avancées dans le processus de désarmement volontaire des rebelles rwandais des FDLR dans l’Est de la RDC. Il souligne que l’échéance du 2 janvier 2015, fixé par les chefs d’Etat de la région des Grands Lacs pour ce désarmement, ne doit plus être repoussée. Le président du Conseil a demandé au gouvernement congolais et à la Monusco de s’apprêter à lancer, dès janvier 2015, des opérations militaires contre les dirigeants ou membres des FDLR qui ne participent pas au processus de démobilisation ou qui continuent de porter atteinte aux droits de l’homme.

Les chefs d’Etats et des gouvernements de la CIRGL et de la SADC avaient lancé en août dernier à Luanda un nouvel ultimatum jusqu’au 31 décembre 2014 aux FDLR pour qu’ils déposent volontairement les armes et acceptent d’intégrer le processus de Démobilisation, désarmement, rapatriement, réinstallation et réinsertion (DDRRR). Réunies lundi 20 octobre à Luanda, ces deux organisations régionales ont réitéré leur décision de neutraliser les rebelles rwandais qui ne déposeront pas les armes d’ici le 2 janvier 2015.[13]

Des présumés rebelles des FDLR sont accusés d’avoir tué, du 3 au 5 novembre, 13 personnes et violé une dizaine de femmes dans les localités de Misau et Misoke, en territoire de Walikale (Nord-Kivu). Le chef d’antenne locale de l’ONG Creddho, Aise Kanendu, souhaite que l’opération de traque contre les FDLR soit anticipée pour limiter la souffrance des populations civiles dans cette contrée et il plaide pour la protection de la population avant, pendant et après les opérations de traque contre ces rebelles rwandais.[14]

Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Selon certains analystes, la non satisfaction des revendications du Mouvement du 23 mars (M23)  fournit un terreau fertile pour la naissance d’un nouveau groupe armé dans l’est de la RDC.

Selon Thierry Vircoulon, du cercle de réflexion l’International Crisis Group (ICG), «le M23 n’a pas été démobilisé. Il a été tout simplement repoussé. Par conséquent, il reste une force qui peut faire son retour avec l’assentiment des voisins ougandais et rwandais quand bon leur semblera».

Un analyste politique congolais estime, sous couvert d’anonymat, que «l’échec éventuel du désarmement des FDLR pourrait être un argument de plus pour une autre guerre».

La lutte contre les FDLR et le retour des réfugiés tutsi congolais résident à l’étranger – ayant fui l’hostilité de la population locale qui, malgré leur présence dans la région depuis des générations, les considère souvent comme des Rwandais ou les accuse d’être à la solde du régime de Paul Kagame – comptent parmi les principales revendications du M23. Mais les FDLR ont un nouveau sursis – jusqu’au 31 décembre – pour se rendre et le retour de réfugiés tutsi piétine encore.

«Les raisons ayant « officiellement » motivé la création du M23 – les FDLR, le retour des réfugiés Tutsi congolais, la mauvaise gouvernance, le non respect des accords par le gouvernement – sont intactes à ce jour et pourraient motiver sa réorganisation», observe l’analyste congolais.

«A long-terme, une réorganisation du M23 est possible en cas d’échec de la ré-intégration sociale, économique et politique de ses membres», commente pour sa part l’analyste Christoph Vogel.

Afin de prévenir tout risque, le député Juvénal Munubo Mubi, membre de la Commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale, préconise entre autres de «accélérer le DDRRR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation) et renforcer la présence de l’armée à l’Est de la RDCongo».[15]

Le 7 novembre, des membres du gouvernement congolais et de l’ex-rébellion du M23 devaient se réunir à Kinshasa, pour évaluer l’application des engagements pris il y a près d’un an à Nairobi. Une fois de plus, le M23 n’est pas venu. Les ex-rebelles ont expliqué leur absence par des « risques sécuritaires ».

Depuis Kampala, le président du M23, Bertrand Bisimwa, a affirmé que «les causes du conflit […] restent entières, en particulier la question de la sécurité à l’Est du Pays, où de nombreuses milices continuent à tuer», reprochant à l’armée congolaise soit d’être « en intelligence avec ces forces-là », soit de les laisser faire, soit d’être « incapables de [les] neutraliser ». «Si le gouvernement ne respecte pas ses engagements […] personne ne nous forcera à respecter les nôtres», a-t-il dit.

Selon François Muamba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS) plus de 2.100 d’entre eux ont signé individuellement un acte de renonciation à la violence devant leur permettre de bénéficier de la loi d’amnistie promulguée en février. M. Bisimwa, lui, avance le chiffre de 4.500 signataires.

Selon la délégation du Gouvernement, 549 membres de l’ex-rébellion du M23 ont bénéficié de la loi d’amnistie promulguée par le président de la république. En revanche, aucun progrès a été constaté concernant le retour en RDC des ex-combattants du M23 qui ont fui en Ouganda ou au Rwanda. Les responsables du M23 se plaignent, en effet, que seule l’amnistie ait avancé. Ils réclament la libération d’un certain nombre de leurs prisonniers, ainsi que la mise en place de certaines commissions, par exemple une commission de réconciliation nationale, qui doit permettre de lutter contre la discrimination ethnique et résoudre les conflits fonciers – autant de raisons pour lesquelles le M23 avait pris les armes. Kinshasa a promis de mettre en place ces commissions rapidement, et de remplir l’ensemble de ses engagements d’ici la fin de l’année.

Le vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, Alexandre Luba Ntambo, déplore l’attitude des ex-combattants M23 qui émettent de réserve à répondre à l’appel du gouvernent pour leur regroupement au centre de transit et d’orientation de la base militaire de Kamina (Katanga).

Il a aussi indiqué que ces anciens rebelles posent le problème de leur sécurité avant de rejoindre ce centre. Le ministre a aussi affirmé que «une réunion était programmée le 7 novembre pour qu’ils voient les modalités pratiques de leur réinsertion sociale, dans le cadre de l’opération de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR). Mais, ils sont en train de poser d’autres problèmes de sécurité. Ils croient que s’ils viennent, ils seront arrêtés. Alors qu’on les voit de temps en temps traverser la frontière, aller s’amuser à Goma. Là ils n’ont pas peur de se faire arrêter. Mais aller à Kinshasa pour rendre effectif les conditions de leur retour, là ils estiment que les conditions ne sont pas réunies».[16]

Le procès contre les présumés impliqués dans l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala

Le 1er octobre, à Beni, s’est ouvert le procès des présumés assassins du colonel Mamadou Ndala, tué dans un attentat à Beni le 2 janvier 2014.

Le premier jour d’audience, dans sa déposition devant la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, le premier témoin, le sergent Arsène Ndabu Mangudji, qui conduisait le véhicule 4X4 transportant Mamadou Ndala au moment de l’attentat, est revenu sur la version des faits qu’il avait donnée au procureur général au moment de l’enquête. Il avait dit au procureur que la jeep du colonel Ndala avait pris feu au moment de l’attaque, juste après l’impact de la roquette. Une déclaration qu’il a rejetée à la barre, indiquant avoir fait cette déposition sous pression et en l’absence de son avocat.

Pendant près de 4 heures, le chauffeur du général Ndala a donné une toute autre version de l’assassinat de Mamadou Ndala. Après le tir de roquette sur le véhicule du général, Ndabu affirme avoir «couru immédiatement à bord d’un taxi pour aller chercher du secours dans la ville de Beni». C’est d’ailleurs pour « non-assistance » que le chauffeur s’est retrouvé devant les juges. A son retour, le chauffeur s’est étonné de voir la jeep de Ndala « en feu« . Le chauffeur affirme également que, en revenant sur le lieu de l’attentat, il a vu des officiers du renseignement militaire qui se trouvaient sur place, devant le véhicule de Mamadou Ndala.

Le témoignage d’Arsène Ndabu apporte des éléments troublants sur l’attentat du 2 janvier 2014. Car pour les autorités congolaises, ce sont les rebelles ougandais des ADF-Nalu qui seraient à l’origine de l’attaque du convoi de Mamadou Ndala. Mais pour d’autres, il faut plutôt chercher du côté de l’armée congolaise (FARDC). Selon la section de Beni de l’Association africaine des défenses de droits de l’homme (ASADHO), la cause de la mort du général Ndala pourrait être un conflit interne au sein de l’armée.[17]

Le 2 octobre, le sergent-major Ndabu, chauffeur du colonel Mamadou Ndala, est mort vers 5 heures locales, à Beni. Il était inculpé pour non assistance à personne en danger. La mort inopinée, et donc suspecte, de ce témoin clef de l’attaque de la jeep de Mamadou Ndala a compromis fortement la suite du procès. Plusieurs habitants de Beni qui assistaient au procès ont estimé que le décès du sergent-major Ngabu irait en changer la donne. Pour eux, cette disparition aurait pu compliquer le travail de la cour et du ministère public dans l’instruction de cette affaire.

Le procès s’est poursuivi avec l’audition de Ndongala et Safari Banga, deux adjudants de l’armée congolaise et gardes du corps du colonel Mamadou Ndala.

Le premier est arrivé aux premières minutes après l’attaque du véhicule du colonel Mamadou. Il a déclaré devant la cour qu’il a trouvé la Jeep en flamme, le corps du colonel Mamadou penché en avant, en train de se consumer à l’intérieur de la cabine. Il a indiqué qu’il a essayé de retirer le corps de son commandant du véhicule. Il n’y serait pas parvenu à cause de l’ardeur des flammes.

Le deuxième, l’adjudant Safari Banga, était à bord de la Jeep pendant l’attaque. Le ministère public le considère comme l’un des principaux suspects de l’assassinat de Mamadou Ndala.[18]

Le 7 octobre, l’actuel commandant de l’opération “Sokola”, le général Muhindo Akili Mundos, a comparu au procès des assassins présumés du colonel Mamadou Ndala en qualité de renseignant. Selon sa version, Mamadou Ndala aurait été tué par les rebelles ougandais des ADF.

Le deuxième officier à comparaître est le colonel Tito Bizuri, considéré par les enquêteurs comme le suspect numéro un dans l’assassinat de Mamadou Ndala. Devant la cour militaire opérationnelle, le colonel Tito Bizuri a plaidé non coupable. Il a affirmé s’être rendu sur le lieu de l’attaque pour y assurer la sécurité sur ordre et appel du commandant du 81e secteur des FARDC qui était déjà sur place. Deux autres officiers supérieurs des FARDC ont comparu devant la cour. Il s’agit du colonel Yav Avulu, en qualité de renseignant, et du colonel Ildefonse Ngabo, comme prévenu. Le premier est le chargé de la logistique de l’opération Sokola et le second s’occupe des renseignements des FARDC à Beni-Ville.[19]

Le 21 octobre, la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu a auditionné à Beni deux nouveaux officiers de l’armée dans le procès de l’assassinat, le 2 janvier 2014, du colonel Mamadou Ndala, alors commandant de l’opération Sokola menée contre les rebelles ougandais de l’ADF. Les colonels Kamuleta Joker et Birotso Nzanzu Kosi ont comparu respectivement en qualité de prévenu et de témoin. Le second a été arrêté après la déposition du premier. Il est accusé de complicité dans l’assassinat de l’ancien commandant du 42e Bataillon des commandos FARDC.

Dans sa déposition, le colonel Kamuleta Joker a déclaré à la Cour que l’épouse du colonel Birotso Nzanzu travaillait depuis plusieurs jours pour le compte des rebelles ougandais de l’ADF dans la brousse du territoire de Beni quand Mamadou Ndala a été assassiné. Il a indiqué que c’est le véhicule du colonel Birotso Nzanzu Kosi qui avait facilité le transport de son épouse vers l’une des bases des rebelles ougandais. Après cette déclaration, le ministère public a ordonné l’arrestation et la prévention du colonel Birotso.[20]

Le 3 novembre, devant la cour militaire de Beni, un ancien officier rebelle ADF dont le visage a été masqué et l’identité non révélée, a accusé un haut officier FARDC, le lieutenant colonel Nzanzu Birosho, d’avoir reçu, d’après lui, du haut commandement des rebelles ADF, une somme de 27.000 dollars américains, pour planifier un coup meurtrier contre le colonel Mamadou Ndala, responsable de l’opération militaire Sokola 1 menée depuis début janvier contre l’ADF. Le colonel Mamadou Ndala a été assassiné le 2 janvier dernier. Une récompense avait été promise au colonel Nzanzu après l’exécution de sa mission, a souligné sans autres précisions l’ancien chef rebelle ougandais, selon qui c’est le colonel Nzanzu Birosho des Fardc qui aurait organisé l’embuscade dans laquelle est tombé le colonel Mamadou Ndala. C’est le lieutenant colonel Nzanzu Birosho qui aurait donné la trajectoire du convoi du colonel Mamadou et l’heure à laquelle il avait quitté Beni pour se mettre sur la route de Mavivi en partance pour Eringeti. L’ancien officier rebelle ADF a expliqué aussi comment c’était le colonel Nzanzu Birosho qui, au sein des FARDC, avait la charge de contacter les Adf pour des opérations diverses. C’est lui qui leur livrait des armes, des munitions, des tenues militaires, des renseignements sur les opérations et d’autres moyens nécessaires à leurs activités criminelles. Le chef rebelle a aussi précisé que l’épouse du colonel Nzanzu collaborait aussi avec les rebelles dans des transactions commerciales et rapportait des informations cruciales concernant les mouvements du colonel Mamadou. L’officier Nzanzu a, quant à lui, clamé son innocence devant la cour, parlant d’un «pur montage» contre sa personne.

A la lumière des déclarations de cet ancien chef rebelle, on comprend ce qui se passe dans les derniers attaques à répétition des ADF dans la zone de Beni, qui ont fait plus de 120 morts presque tous tués à la machette. Ceux qui, parlent de trahison et de complicité dans les rangs des Fardc n’ont peut-être pas tort.[21]

Le 7 novembre, le ministère public de la Cour militaire de Beni a requis une peine à perpétuité contre le colonel des FARDC, Birocho Nzanzu, poursuivi pour trahison, participation au mouvement insurrectionnel dénommé «ADF-Nalu», en lui fournissant munitions, uniformes et insignes de grade. Pour le ministère public, ce lieutenant-colonel a directement participé à l’assassinat du colonel Mamadou. Le témoignage d’un ex-rebelle ADF qui l’a identifié constitue sa principale preuve. Le colonel Birocho Nzanzu est accusé pour avoir fourni une aide indispensable au commando qui a tué le colonel Mamadou Ndala. Selon le ministère public, c’est grâce aux uniformes fournis aux rebelles de l’ADF, que ces derniers ont pu, avec autant de facilité, rapidité et sécurité, tendre l’embuscade au colonel Mamadou. L’officier des FARDC aurait également perçu une somme de 27 000 dollars américains, pour planifier le coup meurtrier contre le colonel Mamadou.

La peine à perpétuité a été aussi requise contre le chef rebelle de l’ADF, Djamil Mukulu, en fuite.

Pour d’autres prévenus poursuivis dans cette affaire, le ministère public a proposé de peines allant de 2 à 15 ans de prison pour différentes charges. C’est pour, entre autres, vol simple, dissipation des munitions et autres. Le ministère public a par ailleurs demandé l’acquittement pour le colonel Tito Bizulu, alors commandant militaire de la ville de Beni et 3 de ses gardes du corps. Environ 23 prévenus comparaissent, depuis début octobre dernier, dans le procès public Mamadou Ndala, à Beni. Le verdict du procès est attendu samedi 15 novembre.[22]

Le 10 novembre, Augustin Tshisambo, avocat de la défense, a indiqué que son client, le colonel Birocho Nzanzu, n’est pas un insurgé et n’a participé ni de loin, ni de près dans l’assassinat de feu le colonel Mamadou Ndala. Il a demandé au ministère public de présenter à la cour militaire du Nord-Kivu les preuves matérielles de ses accusations, notamment des tenues et matériels militaires des FARDC que le prévenu Birocho aurait fournis aux rebelles ougandais des ADF. [23]

Le 11 novembre a marqué la fin des plaidoiries avec au moins 4 dossiers notamment ceux des prévenus colonel Kamulete, Yusufu Mandefu et Ndale Assan Yusia.

La défense du colonel des FARDC Kamulete estime que son client devrait bénéficier des circonstances atténuantes pour avoir collaboré avec la cour en apportant plusieurs éléments d’éclairage pendant le procès. Le prévenu Kamuleta a, devant la cour, chargé le colonel Birocho Nzanzu, l’accusant d’avoir planifié l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, en janvier dernier.

Par conséquent, l’avocat de Kamuleta sollicite que son client soit acquitté au lieu de 15 ans de prison tels que requis par le ministère public. La défense du prévenu Yusufu Mandefu, un rebelle des ADF utilisé pour le transport des biens entre les ADF et le colonel Birocho, a demandé l’acquittement de son client qui, selon elle, n’a pas participé directement ou indirectement à l’assassinat de Mamadou Ndala. La défense demande également que le prévenu Ndale Yusia Assan soit acquitté pour avoir dit la vérité sur son implication dans l’assassinat de Mamadou Ndala.

Selon des sources judiciaires, une vingtaine des prévenus sont poursuivis parmi eux 8 civils, 4 officiers supérieurs des FARDC et deux anciens gardes du corps du colonel Mamadou Ndala.​[24]

Le 17 novembre, la cour militaire a condamné le colonel Birocho Nzanzu Kosi à la peine capitale pour participation à un mouvement insurrectionnel et terrorisme. Il est aussi renvoyé des FARDC et soumis au paiement de dommages et intérêts équivalent à 2,9 millions américains à la partie civile et à la succession du colonel Mamadou Ndala. La cour a également condamné par contumace quelques rebelles des ADF en fuite. Parmi eux, figure Jamili Mukulu, condamné à la peine de mort. Alors que l’officier ADF Yusufu Mandefu est condamné à 15 ans de servitude pénale principale, son acolyte Yosia, lui, écope de 5 ans pour participation à l’assassinat de Mamadou Ndala. Du coté des FARDC, le lieutenant colonel Kamulete Jocker, quant à lui, écope de 20 ans de prison ferme pour participation au mouvement insurrectionnel. Les majors Ngabo et Viviane Masika, reconnus coupables de dissipation d’effets militaires et vol simple, sont condamnés chacun à 12 mois de prison. Cependant, la cour militaire a acquitté trois prévenus, dont le capitaine Moïse Banza et le lieutenant colonel Tito Bizuru. La peine capitale n’est pas applicable en RDC, en raison d’un moratoire depuis plus d’une décennie. Ces peines vont se muer à la peine à perpétuité.

Pour la société civile congolaise, toute la justice n’a pas encore été rendue. Maître Omar Kavota, Vice-président et porte-parole de la société civile du Nord-Kivu nous a déclaré que «ceux qui ont été condamnés, ont une part de responsabilité. Mais au-delà d’eux, il y en a d’autres. Et ce sont ces autres là qui n’ont pas encore été révélés au grand public. Ils n’ont pas été condamnés et circulent dans le pays ou à l’extérieur. Donc nous pensons que la cour militaire opérationnelle a fait un certain travail, mais c’est un travail partiel». Maître Georges Kapiamba, Président de l’Association Congolaise pour l’accès à la Justice, estime pour sa part, que «le travail réalisé aujourd’hui par la Cour de Justice militaire nous satisfait en partie, même si nous sommes convaincus que tous les auteurs et complices impliqués dans l’assassinat de Mamadou Ndala n’ont pas été tous appelés à comparaître devant la justice».[25]

Les déclarations de la société civile viennent de confirmer certaines hypothèses formulées au lendemain de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala.

Si l’hypothèse d’une implication des rebelles ougandais de l’ADF dans l’assassinat de Mamadou Ndala paraissait alors la plus plausible, toutefois certains observateurs n’avaient pas écarté la piste d’un « assassinat » par ses « propres frères d’armes ».

En effet, certains témoins n’avaient pas écarté l’hypothèse d’un règlement de compte interne à l’armée congolaise. Très populaire auprès de la population, cet officier s’était attiré quelques jalousies. Il était vu par la population comme le véritable héros de la victoire contre le M23, au détriment de sa hiérarchie et aussi du pouvoir politique.

En outre, la population de Beni avait attribué cet assassinat à des militaires Ruandophones des Fardc déployés à Beni et complices du M23 qui avait été récemment vaincu par les troupes Fardc guidées par le colonel Mamadou.

Enfin, un élu local avait estimé que les officiers militaires de Beni n’avaient pas vu d’un bon oeil l’arrivée sur leur territoire du colonel Mamadou Ndala et de ses hommes. «Pour eux, Mamadou Ndala venait faire un job qu’ils n’avaient pas su faire: neutraliser l’ADF», avait-il affirmé, en ajoutant que, «depuis 2009 (date de leur affectation), ils avaient transformé la zone d’opération de Ruwenzori – où se cachent les rebelles ougandais – en zone de commerce», dénonçant aussi des « arrangements » entre le commandement militaire de Beni et les chefs rebelles de l’ADF. Il avait souhaité qu’une enquête indépendante puisse apporter toute la lumière sur ces prétendues collusions contre-nature entre certains chefs de l’armée dans l’est de la RDC et les hommes de l’ADF/Nalu.

Selon plusieurs sources, la présence de Mamadou Ndala menaçait donc l’existence des régiments monoethniques à base Tutsi et l’affairisme qui régnait chez certains hauts gradés de l’armée de cette zone.

Malheureusement, il semble que, lors du procès à Beni, la cour militaire opérationnelle du Nord Kivu a complètement évité de prendre en considération ces hypothèses, pour condamner du menu fretin et couvrir les grands poissons, membres du commandement militaire.

[1] Cf Congoindépendant, 22.10.’14

[2] Cf Radio Okapi, 31.10.’14

[3] Cf AFP – Africatime, 30.10.’14

[4] Cf Radio Okapi, 02.11.’14

[5] Cf RFI, 04.11.’14; Kimp – Le Phare – Kinshasa, 05.11.’14

[6] Cf Radio Okapi, 03.11.’14

[7] Cf AFP – Africatime, 03 et 04.11.’14

[8] Cf AFP – Africatime, 05.11.’14

[9] Cf ACP – Goma, 12.11.’14; 7sur7.cd – Goma – 12.11.’14

[10] Cf RFI, 13.11.’14

[11] Cf Sonia Rolley – RFI, 29.10.’14

[12] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 06.11.’14; Myriam Iragi – Le Phare – Kinshasa, (via mediacongo.net, 06.11.’14)

[13] Cf Radio Okapi, 06.11.’14

[14] Cf Radio Okapi, 10.11.’14

[15] Cf AFP – Africatime, 03.11.’14

[16] Cf RFI, 08.11.’14 ; Radio Okapi, 08.11.’14; AFP – Africatime, 10.11.’14

[17] Cf Radio Okapi, 02.10.’14; Christophe Rigaud – Afrikarabia, 05.10.’14

[18] Cf Radio Okapi, 02.10.’14

[19] Cf Radio Okapi, 08.10.’14

[20] Cf Radio Okapi, 22,10.’14

[21] Cf Radio Okapi, 04.11.’14; Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 05.11.’14

[22] Cf Radio Okapi, 08.11.’14; RFI, 07.11.’14

[23] Cf Radio Okapi, 10.11.’14

[24] Cf Radio Okapi, 12.11.’14

[25] Cf Radio Okapi, 17.11.’14; Ibrahima Bah – DW, 17.11.’14

GROUPES ARMÉS ENTRE MASSACRES ET INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES

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Editorial Congo Actualité n. 226– Par le Réseau Paix pour le Congo

Ce sont environ 120 les victimes des massacres commis dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu, au cours du mois d’octobre. Les massacres seraient attribués à des présumés membres des Forces Démocratiques Alliées (ADF), un groupe armé d’origine ougandaise, mais actif dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDCongo).

 Le Centre pour la Gouvernance (CEGO) a déclaré, dans un communiqué, que les tueries perpétrées depuis début octobre dans le territoire de Beni sont la preuve de l’extrême et persistante fragilité des forces de sécurité congolaises.

La mort brutale et plus ou moins mystérieuse des officiers Mamadou Ndala (janvier 2014) et Lucien BAUMA (août 2014), le non-paiement régulier de la solde des militaires engagés au front et surtout l’implication des officiers dans le commerce illégal des ressources naturelles, notamment le bois, l’or et le coltan, constituent des éléments qui ont contribué à l’affaiblissement de l’armée. À ce propos, il faut aussi souligner que ce commerce illégal auquel s’adonnent certains officiers de l’armée est financé par les fonds mêmes qui devraient servir au paiement de la solde des militaires.

Selon la journaliste Caroline Hellyer, il est possible que les derniers massacres commis dans le territoire de Beni soient l’œuvre des ADF, mais ça pourrait être aussi l’œuvre de certains miliciens maï-maï qui ont des liens avec les ADF. En effet, quand ils ont des intérêts communs, les ADF et les groupes maï-maï peuvent travaillent ensemble, mais il peuvent se dissocier ensuite. Selon la journaliste, il faut rappeler que les ADF vivent à l’est de la RDCongo depuis plus de 25 ans et qu’elles ont des connexions locales très fortes. Pour cela, les ADF ne sont pas un groupe aux contours clairement définis. Les ADF sont mélangés avec la population. Certains peuvent être votre voisin de maison. D’autres ne sont actifs qu’une partie du temps. En bref, les ADF font partie d’un réseau plus vaste composé de politiciens et des responsables militaires locaux, d’hommes forts et de certains groupes d’intérêts économiques. C’est une erreur de séparer les ADF de cet environnement. Ce serait une lecture dangereuse de la situation. Ce réseau criminel a souvent la main mise sur certaines parties du commerce, de l’économie locale, de la société civile, de l’armée, de la politique et de l’administration. Il s’agit d’un réseau extrêmement fort. Les ADF en font partie et c’est cela qui leur a permis de survivre pendant si longtemps, de se disperser en petits groupes pendant la première phase de l’opération militaire Sokola menée contre eux et, probablement, de se réorganiser quand l’opération militaire contre elles a connu une baisse d’intensité.

Même selon le Rapport final du Groupe d’experts pour la RDCongo du 23 janvier 2014, l’ADF finance ses activités grâce à un réseau d’entreprises et de contacts dans les villes de Butembo, de Beni et d’Oicha au Nord-Kivu. Ce réseau est constitué d’entreprises, y compris de taxis (motos et voitures), qui lui fournissent de l’argent et des biens, lui procurent des financements, participent à des activités d’exploitation aurifère à petite échelle et vendent des permis d’exploitation sylvicole. L’ADF tire également des bénéfices de ses exportations d’or et de bois vers l’Ouganda. Certains représentants des autorités locales du territoire de Beni collaboraient aussi avec l’ADF, sous la contrainte ou à titre volontaire, et facilitaient les échanges commerciaux et le transport de fournitures jusqu’à ses bases.

Le procès des présumés auteurs de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, chef de l’opération militaire Sokola 1 menée, à partir de janvier dernier, contre les ADF, a récemment fourni quelques détails qui révèlent une complicité confirmée de certains officiers de l’armée congolaise avec les ADF. Le 3 novembre, devant la cour militaire de Beni, un ancien officier rebelle ADF dont le visage a été masqué et l’identité non révélée, a accusé un haut officier FARDC, le lieutenant colonel Nzanzu Birosho, d’avoir reçu, du haut commandement des rebelles ADF, une somme de 27.000 dollars américains, pour planifier un coup meurtrier contre le colonel Mamadou Ndala. Toujours selon l’ancien chef rebelle ougandais, c’est le colonel Nzanzu Birosho des Fardc qui aurait organisé l’embuscade dans laquelle est tombé le colonel Mamadou Ndala. C’est lui qui aurait donné la trajectoire du convoi du colonel Mamadou et l’heure à laquelle il avait quitté Beni pour se mettre sur la route de Mavivi en partance pour Eringeti. L’ancien officier rebelle ADF a expliqué aussi comment c’était le colonel Nzanzu Birosho qui, au sein des FARDC, avait la charge de contacter les Adf pour des opérations diverses. C’est lui qui leur livrait des armes, des munitions, des tenues militaires, des renseignements sur les opérations et d’autres moyens nécessaires à leurs activités criminelles. Sur la base de ce témoignage, le 7 novembre, le ministère public de la Cour militaire de Beni a requis une peine à perpétuité contre le colonel des FARDC, Birocho Nzanzu, poursuivi pour trahison, participation au mouvement insurrectionnel dénommé «ADF-Nalu», en lui fournissant munitions, uniformes et insignes de grade. Pour le ministère public, ce lieutenant-colonel a directement participé à l’assassinat du colonel Mamadou, en fournissant un appui essentiel au commando es ADF qui a tué le colonel Mamadou Ndala.

Ça arrange tout le monde de tout labelliser ADF. C’est le meilleur moyen de nuire au Président Joseph Kabila, à l’armée congolaise et à la Monusco. Attribuer l’accomplissement de ces massacres à l’ADF permet d’envoyer toutes sortes de messages, tels que « le président Kabila ne contrôle pas le territoire », « les FARDC sont incapables de anéantir les groupes armés », « la Monusco et les Nations unies sont incapables de protéger les civils ». Attribuer la perpétration de ces massacres aux ADF permet, surtout, de détourner l’opinion publique des diverses complicité et des éventuelles implications directes.

C’est pourquoi, le CEGO recommande:

Au Gouvernement Congolais:

- Enquêter sur l’origine réelle des attaques et massacres contre les populations civiles de Beni et engager les poursuites contre les auteurs et complices de ces massacres;

 -Enquêter sur les présumés détournements de la solde de militaire par des Officiers ainsi que la pratique du commerce auquel les officiers militaires se livrent;

- Repenser la chaîne de commandement du secteur opérationnel de Beni, aux fins de doter les unités combattantes de commandement exempt de tout soupçon.

Aux partenaires financiers et techniques de la RDC:

- Conditionner l’appui à l’obligation pour le Gouvernement Congolais de respecter les droits de l’homme et de lutter contre l’impunité au sein des forces de sécurité.

Congo Actualité n.227

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: BENI, PLUS DE 250 PERSONNES ASSASSINÉES EN DEUX MOIS

  1. NORD KIVU

  2. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

  3. Les Forces Démocratiques pour la Libérations du Rwanda (FDLR)

  4. Le Mouvement du 23 Mars (M23)

  5. L’opération « Goma, ville sans armes »

  6. Fermeture du camp des déplacés de Kiwnja

  7. Un retard dans le paiement des militaires

  8. MINERAIS ILLÉGAUX

Pétition aux Parlementaires Européens

1. NORD KIVU

a. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

 

Le 14 novembre, dans la nuit, des présumés rebelles ougandais des ADF ont tué quatre personnes, dans la localité de Butemba, sur l’axe Beni-Mbau. Au moins 21 personnes ont été exécutées en l’espace de deux jours par ces présumés ADF dans le même secteur de Beni-Mbau. Selon la société civile locale, ces assaillants ont à l’aide des machettes blessé d’autres personnes.[1]

Le 14 novembre, la Cour militaire opérationnelle qui siège à Beni, dans la province du Nord-Kivu s’est dite déterminée à fouiller pour découvrir tout ce qui est à la base des nombreuses tueries en cours dans cette partie du Pays. C’est dans cette optique qu’un autre procès s’est ouvert à Beni, en marge de celui relatif à l’assassinat de feu le Colonel Mamadou Ndala. Et déjà, une plus grande révélation du jour a été faite au cours de ce procès. En effet, le Colonel Birocho accusé dans le procès de Mamadou Ndala, s’est encore retrouvé dans cette nouvelle affaire.

Un des instigateurs de ces tueries arrêté par la population dans les champs de Muyangos dans la périphérie de la ville de Beni, M. Kakule Makambo Richard est passé aux aveux pour affirmer être un des membres du groupe responsable des tueries dans le territoire de Beni.

Makambo Richard, qui s’est révélé comme un ancien militaire de l’APC, branche armée du mouvement RCD/KML de Mbusa Nyamwisi, a affirmé être du groupe de 150 militaires commandés par un certain Katembo Masumbuko et dont le chef de file n’est autre que le Colonel Birocho des FARDC. Il a affirmé l’avoir vu dans leur maquis, avec le galon de Général lorsqu’il faisait la morale. M. Richard a aussi affirmé avoir été kidnappé par ce groupe, avant de s’enfuir.

Selon lui, plusieurs jeunes congolais sont du groupe et sont mêlés aux Ougandais et aux Rwandais. Pour le Ministère public, il n’y a pas de doute qu’il se préparait un nouveau mouvement rebelle dans la région.[2]

Le 19 novembre, au moins dix opérateurs économiques et notables de la ville et territoire de Beni, au Nord-Kivu, ont été interpellés par l’Agence nationale de renseignements (ANR) de la ville de Beni. Parmi eux, figure la présidente de la Fédération des entreprises du Congo (Fec) de Beni, Gertrude Vihumbira, l’ancien maire de la ville de Beni, Didier Paluku Kisaka, et cinq autres commerçants de Kasindi et Rwenzori. Tous sont réputés proches du parti du Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de libération (RCD-KML) que les autorités accusent d’être impliqué dans les attaques récentes dans la zone de Beni. Le président de ce parti, Mbusa Nyamwisi, joint par RFI dément toute implication et s’insurge contre une politique de bouc émissaire. De son côté, l’Agence nationale de renseignement (ANR) confirme seulement la présence d’agents venus de Kinshasa, il y a une semaine, pour mener une enquête.

Aux dernières nouvelles, la présidente de la Fec, l’ancien maire de Beni-ville et deux autres commerçants, Kazebere et Jeannine Mambura, auraient déjà été transférés à Kinshasa.

Les opérateurs de la Fec et ceux de la société civile, qui se disent déjà en insécurité suite à ces interpellations, qualifient cette situation de “chasse à l’homme” consécutive aux accusations de complicité avec les groupes rebelles qui insécurisent la région, dont les ADF. Un climat de panique s’observe parmi les commerçants et autres notables de Beni.[3]

Le 20 novembre, les rebelles ougandais des ADF auraient tué une cinquantaine de personnes à l’arme blanche dans les villages de Tepoimba et Vemba, à 10 km de Mavivi, en groupement de Batangi-Mbau. Selon des survivants, les présumés rebelles ADF sont arrivés dans ces villages aux environs de 13h locale. Se présentant comme des soldats des FARDC, ils ont partagé la bière avec les populations locales. Profitant de la confiance installée, les assaillants ont attaqué les villageois, massacrant une cinquantaine d’entre eux. D’après les survivants, ces hommes étaient habillés en tenue militaire. Ils ont mis plus de 5 heures pour réaliser leur carnage.[4]

Le 24 novembre, 34 hommes armés et 10 civils ont été arrêtés par les Forces armées de la RDC (FARDC), au cours des opérations de ratissage entamées pour dénicher les auteurs des massacres perpétrés dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). L’armée a récupéré 24 armes de guerre.

L’opération militaire de ratissage vise à identifier les présumés auteurs de ces massacres des populations civiles afin de les déférer devant la justice. Les FARDC opèrent de fouilles dans les localités où des témoins ont signalé la présence ou le passage des présumés rebelles ougandais des ADF. Le porte-parole militaire de la Monusco, le colonel Félix Bass, a indiqué que les casques bleus sont sur terrain pour la récolte des informations, afin de les mettre à la disposition des FARDC pour une meilleure coordination des opérations. La Monusco apporte également l’appui logistique à ces opérations menées par les FARDC à Beni.[5]

Le 24 novembre, le Gouvernement provincial du Nord-Kivu a instauré le couvre-feu sur l’ensemble du territoire de Beni. Selon cette mesure prise à l’issue du Conseil extraordinaire qui s’est tenu la veille à Goma, aucune circulation n’est autorisée de 18 heures à 6 heures du matin. C’est pour faire face à l’insécurité dans ce territoire que cette décision a été prise. En plus du couvre-feu, le Conseil du gouvernement a aussi interdit aux populations d’exercer les activités champêtres dans les zones opérationnelles. Pour l’administrateur du territoire, Amisi Kalonda, ces mesures du gouvernement provincial vont certainement améliorer la situation sécuritaire à Beni-territoire et empêcher ainsi le ravitaillement des rebelles ougandais de l’ADF. Il a ajouté que les rebelles de l’ADF ont continué à être ravitaillés nuitamment par certains de leurs complices qui utilisent notamment des motos, pour accéder à la forêt où il se cachent.[6]

Un rapport de douze députés du parti au pouvoir et de l’opposition, qui se sont rendus sur place fin octobre, jette une lumière nouvelle sur les évènements des dernières semaines et notamment sur les défaillances au sein de l’armée congolaise sur place. Pendant cinq jours, les douze députés se sont entretenus avec les autorités et les habitants de Béni. Ils ont aussi rencontré des survivants et des témoins des attaques à Eringeti, Ngadi et Oicha, trois localités où des tueries ont eu lieu courant octobre.

Première remarque, selon ces députés, le système d’alerte a été un échec. A plusieurs reprises, la population et les services de renseignement ont signalé l’imminence d’une attaque aux forces de l’ordre – après avoir reçu des tracts, par exemple – mais à chaque fois, aucune disposition n’a été prise. A chaque fois également, la police ou l’armée sont intervenues tardivement.

Plus grave, le rapport cite plusieurs cas où des personnes, censées coordonner la protection de la population, n’ont pas fait leur travail. Ce fut, par exemple, le cas dans la localité de Ngadi, à 7 km du centre de Béni. Un major, prévenu qu’une tuerie était en cours, aurait menacé «de fusiller tout élément de son unité qui oserait intervenir». Des menaces également proférées contre un colonel qui voulait se rendre sur les lieux de l’incident le lendemain. Cette nuit-là, trente personnes seront tuées. À Béni, un autre exemple fait état d’un commandant de la police qui aurait fermé les deux numéros verts mis en place par la mission de l’ONU (Monusco) pour que la population puisse alerter la police en cas d’attaques. Enfin, à Eringeti, l’arrivée des secours pour stopper le massacre en cours, la nuit du 17 octobre, a été largement retardée par une dispute entre deux unités de l’armée présentes sur place.

Pourquoi ces défaillances? N’y aurait-il pas une implication de certains éléments de l’armée ou de la police dans ces tueries? Le rapport des députés ne répond pas à cette question mais réclame une commission d’enquête parlementaire devant identifier les commanditaires de ces violences. Il relaye aussi la demande de la société civile de Béni, à savoir la mutation des fonctionnaires ou militaires en place depuis longtemps dans cette zone. Plus précisément, le rapport recommande le « remplacement des éléments » de l’armée, de la police et « des autres services de sécurité et leurs chaînes de commandement par des ressortissants d’autres provinces que le Nord-Kivu ». Le rapport a été débattu à l’Assemblée nationale. Les recommandations des députés doivent maintenant être adoptées en plénière pour être soumises au gouvernement.[7]

Juvénal Munubo Mubi, un parlementaire de l’opposition originaire du Nord-Kivu et rapporteur de la sous-commission des forces armées à l’Assemblée, a déclaré que, «pour le cas de Beni, il faut plusieurs commissions d’enquête, et pas simplement une seule. Il faut une enquête parlementaire, comme l’ont demandée les députés, mais il faut aussi une enquête interne aux FARDC. Et encore, pour plus de crédibilité, il faut aussi une enquête internationale menée par les Nations unies. La Cour pénale [internationale, CPI, ndlr] aussi, c’est bien qu’elle s’intéresse à ce qu’il s’est passé, car c’est un véritable carnage qui s’opère dans cette partie du territoire».[8]

Le 1er décembre, dans la nuit, trois personnes ont été tuées à la machette et trois autres blessées au cours d’une nouvelle incursion de présumés rebelles ougandais ADF à Beni. L’attaque est intervenue à partir de 21 heures locales dans les villages de Kasana, Mapiki, Abialos et Linzo-Sisene, en secteur de Beni-Mbau, à environ 54 km au nord de Beni-ville. Les assaillants, munis d’armes à feu et d’armes blanches, ont attaqué les civils dans leurs maisons. Deux femmes et un jeune garçon d’environ 12 ans ont été tués. Les trois blessés sont actuellement soignés au centre de Santé d’Eringeti. Pour sa part, le porte-parole des opérations Sokola I assure que l’intervention des FARDC a été immédiate. Elle a permis, selon lui, de circonscrire l’attaque et de limiter les dégâts. Il a aussi assuré que les FARDC ratissent encore la zone pour retrouver les assaillants.[9]

Les humanitaires opérant au Nord-Kivu, préoccupés par la situation sécuritaire sur l’axe Mbau-Kamango, ont identifié environ 88.500 personnes déplacées à la suite des massacres des civils au nord du territoire de Beni.[10]

Le 6 décembre, dans la nuit, un nouveau massacre de civils a été perpétré par des hommes armés à Manzanzaba, Ahili et Mulobya, des villages situés à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de la ville de Beni. La société civile locale a avancé un bilan provisoire des trente-deux morts.  C’est aux environs de 20 heures locales, que les hommes armés ont fait incursion à Manzanzaba, Ahili et Mulobya. Selon des sources locales, arrivés à Manzanzaba, ces assaillants ont attaqué les habitants, tuant dix-sept personnes dont le chef de village et 10 membres de sa famille. Ces derniers ont été brulés vifs par les assaillants qui ont incendiée sa maison, se servant de l’essence. D’après les mêmes sources, ces hommes se sont ensuite dirigés vers le village voisin d’Ahili. Sur place, ils ont abattu à la machette treize personnes. Ces hommes armés ont également fait incursion dans le village de Mulobya où ils ont égorgé deux autres personnes. En fin de journée, Jean-Baptiste Kamabu, chef de la cité d’Oicha, a déclaré que «le bilan a été revu à la hausse, à 36 morts».

Ces massacres, attribués aux terroristes de l’ADF-NALU ou alliés, viennent alourdir le bilan des victimes d’une série de carnages opérée en Ville et Territoire de Beni, dont le nombre des morts s’élève à plus de 250 dans l’intervalle de deux derniers mois.

Depuis le début des massacres, la population du territoire dénonce la passivité des autorités congolaises et des Casques bleus de l’ONU. «Extrêmement choquée par ce énième massacre», la Société civile du Nord-Kivu exhorte une nouvelle fois l’armée congolaise et la Brigade d’Intervention de la Monusco à intervenir immédiatement. Selon certaines sources, les ADF ne compteraient aujourd’hui que 400 combattants.[11]

Le 7 décembre, dans la nuit, treize personnes ont été tuées et sept autres blessées à l’arme blanche dans les villages Mulolya et Malibo, en secteur de Beni Mbau, à environ 16 km du chef-lieu du territoire de Beni. Les populations vident les villages de Mamove, Malibo, Mulolya, et Pwenti, pour aller vers Maleki et Oicha.[12]

Selon la coordination de l’ONG Convention pour le Respect des Droits de l’Homme, basée a Oicha, les rebelles qui tuent parlent le Kiganda, une des nombreuses langues parlées en Ouganda, le Swahili, le Kinyarwanda et le Lingala, une des langues, les plus parlées en RDC. Les différents témoignages recueillis sur place indiquent que ce sont des rebelles ougandais appuyés par quelques rebelles rwandais et congolais qui sont à l’origine de ces massacres et du regain des violences dans la région de Béni. Enfin, le coordinateur de l’ONG Convention pour le Respect des Droits de l’Homme, a indiqué à la DW qu’une réunion militaire s’est tenue en Ouganda, il y a quelques jours entre des éléments de l’ancienne rébellion du M23 et certains officiers de l’armée ougandaise, qui planifierait d’autres attaques sur le territoire congolais.[13]

Le 13 décembre, les FARDC et la Monusco ont lancé une nouvelle phase de l’opération Sokola contre les ADF. L’objectif est de neutraliser totalement cette rébellion. Elle est marquée par l’entrée en jeu – aux côtés de la force militaire de la Monusco et des FARDC – de la Brigade d’intervention, qui avait appuyé l’opération «Pomme verte», ayant abouti à la neutralisation de la rébellion du M23 début novembre 2013. Cette fois-ci, la Brigade d’intervention de la Monusco est engagée aux combats. Cette nouvelle phase a été lancée à partir d’Eringeti et de Kokola, deux localités situées à environ 60 kilomètres au nord-est de Beni Ville. Ces opérations conjointes consistent en la fouille, le ratissage et la poursuite des ADF jusque dans leur dernier retranchement. Elles sont supervisées par les généraux Muhindo Akili Mundosi des FARDC et Abdoul Kimweri de la Monusco.[14]

b. Les Forces Démocratiques pour la Libérations du Rwanda (FDLR)

Le 26 novembre, dans la matinée, quatre-vingt-dix ex-combattants et dépendants des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) cantonnés à Kanyabayonga depuis 4 mois ont quitté cette cité du Nord-Kivu pour Kisangani où ils seront regroupés dans un centre de transit. Ces ex-combattants refusaient jusqu’ici de se rendre à Kisangani, conditionnant tout transfert par une inspection préalable du site d’accueil de transit. Ce groupe est constitué de 28 ex-combattants et 62 dépendants. Selon des sources proches de la Monusco, soixante-treize d’entre eux sont partis à bord de cinq véhicules de la Mission onusienne. Dix-sept autres, des femmes enceintes, des malades et des enfants, ont voyagé à bord d’un hélicoptère de la Monusco. Ils ont quitté Kanyabayonga vers 10 heures et ils ont passé la nuit dans la base DDRRR de la Monusco, à Munigi.

Le capitaine Hamuli Carotte, un des responsables congolais de la section désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) à Kanyabayonga, affirme qu’il s’agit d’une première vague. Il estime aussi que le départ des ex-FDLR à Kisangani doit permettre aux autres rebelles rwandais de poursuivre le processus de reddition volontaire avant le 2 janvier prochain, date de la fin de l’ultimatum que la SADC et la CIRGL leur ont lancé.[15]

Le 27 novembre, le premier groupe de quarante-cinq ex-combattants FDLR et leur dépendants en provenance du Nord-Kivu est effectivement arrivé à Kisangani, à 11h35, à bord d’un avion de la Monusco. Au total, quarante-cinq personnes: quinze ex-combattants, dix femmes et vingt enfants ont atterri à l’aéroport de Kisangani avec leurs effets personnels. Ils ont ensuite pris place à bord d’un minibus mis à leur disposition par le gouvernement provincial et ils ont été transportés vers le camp Lieutenant-général Lucien Bahuma, leur site de transit. Une deuxième vague devrait suivre dans l’après-midi.

Le Major Furaha Amos, un des responsables FDLR qui accompagne cette première vague, a exprimé sa satisfaction par rapport au soutien logistique et sécuritaire apporté par la Monusco. Se confiant aux médias locaux avant de quitter Goma, il a lancé un appel aux autres combattants FDLR encore hésitants, à leur emboiter le pas dans ce processus de pacification de la région.

103 ex-combattants FDLR-Foca et 209 de leurs dépendants avaient accepté de s’engager dans ce processus de désarmement volontaire. Ils avaient été cantonnés, depuis mai 2014, dans le camp de transit de Kanyabayonga, dans le territoire de Lubero.

Un autre premier convoi des combattants FDLR avec leurs dépendants a quitté le camp de transit de Walungu Sud Kivu) en direction de Kisangani via l’aéroport de Kavumu.

Un dispositif sécuritaire a été mis en place et assuré par les FARDC et la Monusco. Cinq véhicules de la Monusco ont assuré le transport terrestre de Walungu à Kavumu. Il y avait aussi une ambulance destinée au transport de 5 femmes enceintes et des malades. A Kavumu, ils ont embarqué dans un Boeing affrété par le gouvernement de la RDC. Selon un des responsables de la section DDRRR de la Monusco/Bukavu, le même avion va effectuer quatre rotations à raison d’une par jour pour acheminer tous les 308 combattants FDLR et leurs dépendants présents au camp de transit de Walungu depuis cinq mois et demi.[16]

Le 3 décembre, le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU chargé des opérations dans l’Est de la RDC, Abdallah Wafy, a affirmé que les camps de transit des ex-FDLR de Kanyabayonga (Nord-Kivu) et Walungu (Sud-Kivu) n’abritent plus d’ex-combattants.[17]

Les 163 ex-combattants qui ont choisi de rendre leurs armes sont désormais, avec leurs familles (125 femmes et 399 enfants), dans le camp de Kisangani. Six cent quatre-vingt-sept personnes au total, un chiffre bien faible par rapport aux 1.500 combattants qui, selon les Nations unies, se cachent encore dans la forêt congolaise. Du côté des FDLR, on temporise. Dans un courrier du 6 décembre, le groupe armé promet de nouvelles redditions dès le 15 décembre prochain. Ces nouvelles arrivées sont néanmoins conditionnées à la sécurité pour le transport et dans les camps assurée par les casques bleus et l’armée congolaise. Dans ce courrier, les FDLR se plaignent également des conditions de vie dans le camp de Kisangani. Des conditions qu’elles jugent déplorables. Il y a eu des problèmes d’eau les premiers jours, confirme la mission de l’ONU au Congo, mais depuis des mesures ont été prises: la pompe à eau fonctionne et un château d’eau est en construction. Pour l’ONU, ces réclamations sont une façon de gagner du temps, avant la fin de l’ultimatum du 2 janvier leur intimé pour déposer les armes.[18]

c. Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Le gouvernement ougandais avait donné jusqu’au 12 décembre à la RDCongo pour rapatrier les ex-rebelles du M23 qui se trouvent sur son territoire. Dans le cas contraire, Kampala avait annoncé à Kinshasa que le statut de réfugiés politiques leur serait accordé et qu’ils seraient alors libres dans leurs mouvements. Le 12 décembre est la date du premier anniversaire de la signature des déclarations de Nairobi  qui prévoyaient notamment l’amnistie et le rapatriement des troupes.

Cette décision entrerait donc en application à partir du 12 décembre.

De son côté, le coordonateur national du mécanisme de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, Francois Muamba, a expliqué que l’Ouganda estimerait que le gouvernement congolais traine les pas dans l’accomplissement de ses engagements pris à Nairobi. Un prétexte qu’il a rejeté en annonçant deux missions gouvernementales à Kampala et à Kigali «pour tirer la situation au clair». Il a ajouté que cette délégation débattra aussi du rapatriement de ces ex-rebelles.

Dans l’accord cadre d’Addis Abeba, signé en février 2013, les onze pays signataires d’Afrique centrale et orientale s’engageaient à ne pas soutenir les groupés armés actifs, notamment en RDC.

François Mwamba a donc estimé que la mesure annoncée par le gouvernement ougandais serait justement une «violation» des engagements pris à Addis-Abeba. Le coordonnateur a toutefois reconnu que le processus d’amnistie et de rapatriement a pris du retard, mais il a dénoncé le fait que la délégation du M23 ait refusé de se rendre à Kinshasa lors des dernières réunions du mécanisme de suivi. Du côté du M23, pas de déclarations officielles avant la rencontre avec la délégation gouvernementale. Si les anciens rebelles disent avoir connaissance de cet ultimatum, plusieurs ont affirmé n’avoir rempli aucun document demandant le statut de réfugiés politiques.

Les déclarations de Nairobi prévoient aussi la reconnaissance du M23 comme parti politique et l’intégration des cadres politiques du M23 dans la vie politique du Pays. À ce propos, Ntumba Luaba, secrétaire exécutif de la Conférence Internationale pour la Région de Grands Lacs (CIRGL), a affirmé que «la seule voie d’accession au pouvoir ce sont les élections qui profilent à l’horizon en 2016, mais il y a eu des concertations (entre le président Kabila et certaines forces politiques,… il revient au président Kabila de voir qui il va prendre en compte dans l’équipe gouvernementale d’union nationale qu’il mettra sur pieds prochainement».[19]

Le 5 décembre, le gouvernement congolais a envoyé une délégation à Kampala, la capitale ougandaise, pour organiser le rapatriement immédiat de certains membres de l’ex-M23. Le gouvernement ougandais avait donné jusqu’au 12 décembre à la RDC pour les rapatrier.

Pour le moment, Kinshasa s’est dite prête à rapatrier 330 éléments de l’ex-rébellion déjà amnistiés sur les 1.678 recensés sur le sol ougandais et 229 ex-rebelles présents au Rwanda, sur les 453 que compte ce pays. Le gouvernement congolais s’est dit surtout prêt à poursuivre le processus d’amnistie pour les autres. Une intention dont doutent les anciens membres du M23. «Cela fait presque un an qu’on a signé les déclarations de Nairobi», a expliqué un responsable de l’ex-M23. «Le gouvernement congolais a largement démontré sa mauvaise foi», a-t-il estimé.[20]

Un an après la signature des déclaration de Nairobi par le M23 et le gouvernement congolais, peu de progrès ont été faits. Depuis un an, Kinshasa et le M23 ont échoué à se rassoir autour d’une table. Le 20 mai, le 1er septembre et le 7 novembre: trois rendez-vous ont été pris. A chaque fois, le M23 n’est pas venu. L’ex-groupe armé avance des craintes de sécurité. Pour Kinshasa, c’est un caprice. Au final, chaque partie accuse l’autre de mauvaise foi.

«Tant qu’il n’y aura pas de progrès dans la lutte contre les forces de libération démocratiques du Rwanda. Il n’y aura pas de véritables progrès avec le M23», résume un expert de la zone.

Pour Kinshasa, il y a eu des retards mais aussi des avancées. L’amnistie, par exemple. 559 ex-rebelles en ont bénéficié. Il s’agit de tous ceux qui ne se sont pas rendus coupables de crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Le Congo promet qu’il y en aura d’autres dans les semaines à venir.

Mais pour le M23, le processus est trop lent et l’essentiel des 11 engagements pris est resté lettre morte. Exemple avec le retour des réfugiés et des déplacés internes dans leur région d’origine. La RDC avait promis d’accélérer le processus. Un an plus tard, c’est le statu quo. Enfin aucun ex-combattant du M23 ayant fui en Ouganda ou au Rwanda n’est encore rentré dans son pays. Kinshasa a promis de passer la vitesse supérieure et de rapatrier ceux qui seraient amnistiés d’ici le 25 décembre. Mais à ce jour, seul 1/5 des 1.678 éléments en Ouganda a été blanchi de toute poursuite. Au Rwanda, ils sont 229 amnistiés sur les 453 ex-rebelles que compte le pays. Difficile d’imaginer comment ce processus pourrait être clôturé en quinze jours seulement.

Entretemps, le gouvernement ougandais, qui avait menacé de donner le statut de refugié politique à tous les ex combattants du M23 qui, le 12 décembre, se trouverait encore sur son territoire, s’est finalement montré plus conciliant, en assurant qu’il pouvait attendre et qu’il ne prendrait jamais de décision qui pourrait mettre en péril le processus de paix.[21]

d. L’opération « Goma, ville sans armes »

Le 27 octobre, le président de la société civile du Nord Kivu a déclaré que des réfugiés rwandais se trouvent dans les camps des déplacés de cette province. Thomas D’Aquin Mwiti pense que la présence de ces réfugiés dans les camps de déplacés pose trois problèmes: celui du statut juridique de ces personnes, celui de l’existence permanente de ces camps de déplacés et celui de l’insécurité. «La persistance de ces camps de déplacés est entretenue par la présence des réfugiés rwandais et ce sont ces camps aussi qui vont devenir, au fur et à mesure, des lieux d’insécurité. Dans certains camps on trouve des armes. Donc, c’est important qu’on puisse clarifier le statut des uns et des autres dans les camps des déplacés», a déclaré Thomas D’Aquin Mwiti.[22]

Le 28 octobre, le commandement des FARDC au Nord-Kivu a publié un communiqué dans lequel il a déclaré la ville de Goma « ville sans arme ». Il pense que cette mesure pourra mettre fin à la situation d’insécurité dans cette ville de l’Est de la RDC. Selon le communiqué, tous les militaires commis à la garde des officiers généraux et officiers supérieurs en mutation, de même que, tous les officiers sans fonction doivent rejoindre la localité de Bweremana, à environ 50 km au sud-ouest de Goma, pour se faire identifier. Les escortes des commandants secteurs, des commandants des brigades, ceux des régiments et bataillons doivent rejoindre leurs unités respectives. Toute personne civile ou militaire ayant à sa disposition un soldat de garde doit désormais avoir un bulletin de service dûment signé par le commandant de la 34ème région militaire, le général Emmanuel Lombe. Ceux qui détiennent illégalement les armes sont invités à les remettre à la police ou aux forces armées de la RDC.

Mais, pour la société civile du Nord-Kivu, ce n’est pas suffisant. Les cadres de base devraient s’impliquer eux aussi, dans l’identification de toutes les populations dans leurs entités pour dénicher les infiltrés ou récalcitrants. Selon le président de cette structure, Thomas Mwiti, des sanctions fortes doivent être prises à l’encontre des policiers en patrouilles, accusés souvent d’alimenter cette insécurité urbaine.[23]

Le 6 novembre, le commandant de la région militaire du Nord Kivu, le général Emmanuel Lombe, a annoncé l’entrée en vigueur de la deuxième phase de l’opération « Goma, Ville sans armes ». Le bouclage opéré la veille dans les deux camps militaires de cette ville du Nord-Kivu (Katindo et Munzenze) a permis de récupérer une centaine d’armes légères et lourdes ainsi que de munitions. Le porte-parole des FARDC au Nord-Kivu, le colonel Olivier Hamuli, au moins 500 militaires, policiers et civils ont été interpellés, car suspectés de détenir illégalement des armes. En outre, tous les militaires blessés de guerre vivant au camp Katindo ont été sommés de quitter cette caserne pour rejoindre le camp de Rumangabo, 50 km de Goma dans le territoire de Rutshuru.[24]

e. Fermeture du camp des déplacés de Kiwanja

Le 2 décembre, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, en mission de travail dans le territoire de Rutshuru, a décidé de fermer le camp de déplacés de Kiwanja. Près de 900 ménages de déplacés (2.300 personnes environs) vivent dans ce camp de Kiwanja. Ils ont jusqu’à mercredi à 5 heures du matin pour quitter le lieu. Julien Paluku promet de mettre à leur disposition des véhicules pour les ramener dans leurs milieux d’origine.

Selon lui, ce camp de déplacés n’a plus de raisons d’être parce que la guerre contre le M23 qui avait conduit ces familles à fuir leurs localités d’origine est finie. Le gouverneur du Nord-Kivu affirme que la décision de fermer ce camp a été prise à cause de l’insécurité qui s’y développait. «On a trouvé dans ce camp dix armes. C’est pourquoi on ne peut plus continuer à laisser ce camp ici, parce qu’il va finalement être un lieu où la criminalité s’installe», explique Julien Paluku.

Pour lui, il est aussi temps que ces déplacés rentrent dans leurs localités respectives pour reprendre une vie normale et produire comme ils le faisaient avant. «On ne peut pas être dépendant d’une aide extérieure tout le temps alors que Rutshuru est un territoire productif. Il suffit que ces gens rentrent à la maison. Et en trois mois, ils commencent à produire», souligne le gouverneur.

Edgard Paluku aussi, porte-parole du gouverneur, a souligné que la décision avait été motivée par des raisons de sécurité, après qu’il eut été établi que des armes circulaient au sein du camp. Les camps de déplacés « constituent des poches d’insécurité et de caches d’armes », a-t-il déclaré, indiquant que le gouvernement du Nord-Kivu avait décidé de fermer « tous les autres camps (de la province) à brève échéance ». Si une telle décision était appliquée, elle jetterait sur les routes plus de 200.000 personnes déplacées. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), les 60 camps de déplacés du Nord-Kivu, répartis dans le sud de cette province, abritaient plus de 210.000 personnes à la mi-novembre, sur un total de plus de 800.000 déplacés au Nord-Kivu – la grande majorité réside dans des familles d’accueil.

Depuis la chute de la rébellion du Mouvement du 23 Mars (M23), chassée en novembre 2013 de ses derniers bastions, le gouverneur Paluku ne cachait pas sa volonté de fermer les camps de déplacés. La plupart des déplacés de Kiwanja étaient originaires du territoire de Rutshuru, dans un rayon de 60 km autour du camp, où la vie semble avoir repris un cours normal en un an. Selon un expert du Nord-Kivu ayant requis l’anonymat, on ne compte plus aujourd’hui de groupes armés constitués dans ce territoire, hormis la présence de quelques rebelles hutu rwandais isolés dans le parc national des Virunga. De nombreuses armes en circulation circulent néanmoins toujours, qui concourent à une recrudescence du banditisme et de la criminalité.[25]

f. Un retard dans le paiement des militaires

Des soldats d’au moins cinq unités des FARDC déployées dans les territoires de Beni, Rutshuru et Nyiragongo (Nord-Kivu) n’ont pas reçu leurs soldes depuis deux mois.

Les unités concernées par ce retard sont les 805e, 809e, et 1007e régiments déployés à Beni, où ils sont engagés dans l’opération militaire «Sokola» menée contre les rebelles ougandais des ADF.

Dans le Rutshuru, c’est le 301e régiment qui n’est pas payé depuis deux mois. La 321e unité commando basée dans le territoire de Nyiragongo, près de Goma, connaît la même situation.

Les habitants de ces territoires s’en inquiètent. Ils dénoncent le fait qu’ils font les frais du retard de paiement des militaires, car ces derniers vivent maintenant sur le dos de la population. Cette situation risque d’affecter le moral des militaires engagés aux combats, redoutent les notables locaux. Les responsables des FARDC reconnaissent ce retard, indiquant qu’il est causé par les banques qui ne peuvent pas atteindre les militaires sur terrain. Depuis 2012, les militaires et policiers ainsi que les autres fonctionnaires de l’Etat son payés par voie bancaire. Parmi les aléas de ce nouveau système figurent les difficultés, pour les banques, de payer les bénéficiaires évoluant dans les zones les plus reculées du pays.​[26]

Le colonel Olivier Hamuli, porte-parole adjoint des FARDC s’en prend notamment à la Biac et à Ecobank. Les deux banques incriminées démentent faire des paiements dans les zones citées par l’armée, que ce soient les territoires de Beni, de Rutshuru ou de Nyiragongo.

Selon le colonel Hamuli, Ecobank demanderait aux militaires qui sont au front contre les ADF de rejoindre les villes pour être payés. Ce qui, selon le porte-parole adjoint de l’armée, n’est pas réaliste. Dans le cadre du processus de bancarisation, les établissements bancaires demandent effectivement aux militaires comme aux fonctionnaires d’ouvrir un compte et de présenter une pièce d’identité pour être payés. Notamment en fonction des conditions de sécurité, leurs agents acceptent de faire le déplacement ou au contraire demandent à leurs clients de venir dans l’une de leurs succursales, mais ils refusent aujourd’hui de remettre l’argent à un tiers. Des discussions sont en cours pour régler cette situation, assure-t-on du côté de l’armée.[27]

 2. MINERAIS ILLÉGAUX

 Pétition aux Parlementaires Européens

L’on constate un lien entre l’exploitation illégale des ressources naturelles et les conflits dans environ 20% des quelques 400 conflits enregistrés dans le monde. En Afrique, au moins 33 conflits ont leur origine dans le commerce des ressources minérales. Il s’agit, en particulier, de 4 minéraux: l’or, le tungstène, l’étain et le coltan, utilisés par plusieurs secteurs industriels et commerciaux, dont ceux de l’électronique et de l’aérospatiale. Selon l’Organisation pour le Développement Industriel des Nations Unies, les recettes provenant de l’exportation des minerais représentent le 24% du PIB de l’Afrique qui, à elle seule, détient le 30% des réserves minérales dans le monde et un pourcentage encore plus élevé de mines d’or, de platine, de diamants et de manganèse.

L’exportation des minerais provenant des pays africains, telle qu’elle est organisée actuellement, provoque l’appauvrissement des populations et de la terre, des dommages environnementaux et, souvent, un climat d’insécurité et des guerres (même si de faible intensité, comme dans la Région des Grands Lacs d’Afrique). La communauté internationale a une grande responsabilité dans tout cela car, en dépit d’en avoir connaissance, essaie de limiter la diffusion des informations sur les conflits provoqués par l’extraction et le commerce des minéraux, en particulier de ceux qui sont très nécessaires pour la fabrication des produits des nouvelles technologies. Souvent, ces minéraux sont extraits dans des conditions de travail très pénibles, sans aucun respect pour les droits des travailleurs et ils sont commercialisés illégalement en échange d’armes, afin de pouvoir financer la guerre et d’entretenir cette insécurité qui permet à certains de continuer à profiter de ce commerce sans être nullement dérangés.

Dans cette période de l’histoire où l’économie mondiale accorde une attention particulière au continent africain, considéré pas seulement comme une réserve de matières premières et de main-d’œuvre, mais aussi comme un possible marché futur qui pourrait contribuer à surmonter la crise, l’Union Européenne, à travers son ancien Haut Représentant pour les Affaires Étrangères et la Politique de Sécurité, Catherine Ashton, et l’ancien Commissaire au Commerce, Karel de Gucht, le 5 Mars 2014 a proposé un projet de règlement pour le commerce des minerais provenant de zones de conflit. Ce projet de règlement est fondé sur deux principes fondamentaux: faciliter les entreprises qui souhaitent s’approvisionner en minéraux d’une manière responsable et encourager le commerce légitime et il établit un mécanisme d’auto-certification pour les importateurs européens qui, sur une base volontaire, pourront rendre compte de leurs efforts fournis pour appliquer le devoir de diligence à leur chaîne d’approvisionnement en minerais. Le devoir de diligence est l’ensemble des mesures prises pour détecter, prévenir et éviter le risque que le commerce des minéraux contribue à financer les activités d’un quelconque groupe armé.

Nous apprécions la volonté de la Commission Européenne de vouloir proposer un Règlement européen pour les importations de minéraux provenant de zones de conflit, mais il nous semble que les mesures proposées sont insuffisantes.

Nous soutenons l’appel de EURAC, un réseau de 39 organisations européennes actives en Afrique Centrale (Burundi, Rwanda, République Démocratique du Congo), adressé aux Députés Européens et aux Gouvernements des États membres de l’UE, pour qu’ils puissent proposer des modifications au règlement présenté par la Commission, afin de rendre obligatoire l’application du Guide de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Économiques) pour toutes les industries qui s’ approvisionnant en minerais provenant de l’Afrique Centrale. Seulement, cette proposition, accompagnée par des mesures visant à renforcer la capacité et la volonté des États de l’Afrique centrale de contrôler la production et le commerce des minéraux, permettra de réduire le risque de financement des conflits à partir du marché européen.

[1] Cf Radio Okapi, 15.11.’14

[2] Cf Célestin L./MMC/L.A. – Julienpaluku.com, 15.11.’14

[3] Cf Radio Okapi, 20.11.’14; RFI,21.11.’14

[4] Cf Radio Okapi, 22.11.’14

[5] Cf Radio Okapi, 25.11.’14

[6] Cf Radio Okapi, 25.11.’14

[7] Cf RFI, 26.11.’14; Texte complet: http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-a-beni-des-parlementaires-denoncent-les-manquements-de-larmee/

[8] Cf RFI, 09.12.’14

[9] Cf Radio Okapi, 02.12.’14

[10] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa – Africatime, 05.12.’14

[11] Cf Radio Okapi, 07.12.’14; AFP – Africatime, 07.12.’14

[12] Cf Radio Okapi, 08.12.’14

[13] Cf DW – World – Africatime, 09.12.’14

[14] Cf Radio Okapi, 13.12.’14

[15] Cf Radio Okapi, 26.11.’14

[16] Cf Radio Okapi, 27.11.’14

[17] Cf Radio Okapi, 03.12.’14

[18] Cf RFI, 11.12.’14

[19] Cf Radio Okapi, 05.12.’14; RFI, 05.12.’14; VOA – Kampala, 06.12.’14 (via mediacongo.net)

[20] Cf RFI, 05.12.’14

[21] Cf RFI, 12.12.’14

[22] Cf Radio Okapi, 28.10.’14

[23] Cf Radio Okapi, 29.10.’14

[24] Cf Radio Okapi, 07.11.’14

[25] Cf Radio Okapi, 03.12.’14; AFP – Africatime, 04.12.’14

[26] Cf Radio Okapi, 12.11.’14

[27] Cf RFI, 14.11.’14


Congo Actualité n.229

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL: ADF et M23, pile et face de la même monnaie?

  1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF) ET LEURS ALLIÉS

  2. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)

  3. LES MAÏ-MAÏ

  4. LE PROGRAMME DDR

  5. DES MAÏ-MAÏ PRÊTS À ÈTRE DÉMOBILISÉS

  6. Province Orientale

  7. Sud Kivu

 

1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF) ET LEURS ALLIÉS

 

Le 13 décembre, cinq personnes – quatre femmes et un homme – ont été tuées à l’arme blanche dans le village de Mabuo, situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Beni. Depuis le début du mois d’octobre, plus de 260 personnes ont été tuées à l’arme blanche dans la ville et le territoire de Beni. La population accuse l’armée congolaise et les Casques bleus de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) de passivité ou d’incompétence, au vu de leur incapacité à faire cesser ces tueries.[1]

Le 15 décembre, une délégation des représentants de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) est arrivée dans la ville de Beni, pour évaluer la situation sécuritaire dans la zone. Après avoir rencontré les autorités locales et les responsables militaires des FARDC et de la Monusco, cette mission a eu des entretiens avec les structures de la société civile. Au cours de cette rencontre, tout en demandant la neutralisation des rebelles ougandais des ADF accusés des massacres des civils dans ce territoire, le président de la société civile du territoire de Beni, Teddy Kataliko, a dénoncé un mouvement des ex-rebelles M23 refugiés en Ouganda vers le territoire congolais: «Il y a un mouvement des troupes qui ne cessent de traverser la frontière entre le district de Bundibugio et la chefferie de Watalinga, mais aussi entre le district de Kasese et le secteur de Rwenzori. Ils voudraient faire un assaut sur la chefferie de Watalinga».[2]

Le 16 décembre, l’organisation américaine de défense de droits de l’Homme, Human Rights Watch (HRW), a appelé la Cour pénale internationale à se pencher sur les récents massacres commis dans la région de Beni, car elle a compétence sur les crimes internationaux graves commis en RDCongo. Selon HRW, des officiels de la Monusco ont indiqué que l’armée congolaise s’est opposée aux tentatives de l’ONU de coordonner la protection des civils et a empêché les troupes de l’ONU d’effectuer des patrouilles dans certaines zones. Le gouvernement congolais devrait s’assurer que les troupes et les observateurs des droits humains des Nations Unies obtiennent un accès immédiat et sans entrave à toutes les zones où les attaques ont eu lieu, ainsi qu’aux zones où les civils peuvent être exposés à un risque accru.[3]

Le 16 décembre, la société civile du Nord-Kivu a annoncé l’ouverture, le 17 décembre, à Beni, d’un dialogue social pour le rétablissement de la paix et de la sécurité dans la zone. Les assises ont pris fin le 20 décembre avec la lecture d’une déclaration finale.

  1. De façon unanime, les participants ont constaté les points suivants:
  2. L’ennemi a manifestement un caractère hybride: il s’agit des résidus d’ADF-NALU présents dans la province depuis plus de deux décennies, mais également d’enfants égarés des communautés locales, qu’ils ont réussi à rassembler autour d’eux. Les relations que cet ennemi a su tisser localement sont à la fois d’ordre milicien et socio-économique, à travers un réseau de renseignements et de transactions transfrontalières mafieuses;
  3. L’ennemi a souvent réussi à gagner à sa cause criminelle, incluant des pratiques jihadistes, certains acteurs politiques, opérateurs économiques et autorités coutumières, en vue d’asseoir son emprise sur les lieux et les activités socio-économiques de la région, tout cela avec une certaine complicité des pays voisins;
  4. Fragilisé par l’armée régulière à la suite des opérations Sukola I, l’ennemi a opté pour un passage d’une stratégie d’offensive classique à la guérilla puis au terrorisme, afin de semer plus de confusion et de tirer parti de la grande dispersion des populations rurales. Du côté de l’armée nationale et de la MONUSCO, l’adaptation à ce nouveau mode opératoire s’est avérée malaisée, ce qui a été mis à profit par l’ennemi.
  5. Les participants ont recommandé
  6. Au Gouvernement congolais de:
  7. a) Mettre en place un système d’alerte rapide adapté au mode opérationnel de l’ennemi;
  8. b) Renforcer les systèmes de surveillance au sein des FARDC en vue de démasquer les infiltrés et les traîtres menaçant l’ordre public en ville et en Territoire de Beni;
  9. c) Poursuivre de manière permanente le travail d’identification de l’ennemi en associant la notabilité et la population locale;
  10. d) Accélérer l’instruction des dossiers des personnes suspectées de collaboration avec l’ennemi et déjà arrêtées, en les déférant devant leurs juges naturels;
  11. e) Apporter une assistance rapide aux déplacés et sinistrés des divers massacres commis dans la ville et dans le Territoire de Beni;
  12. f) Mettre en place un programme d’encadrement de la jeunesse pour l’épargner de toute éventuelle sollicitation et/ou manipulation par les forces négatives.
  13. A la communauté internationale: de mener une enquête internationale sur les massacres commis récemment dans la ville et dans le Territoire de Beni;

III. Les participants se sont engagés à instituer un comité de suivi des recommandations formulées.

Ce comité sera composé de 4 membres de la société civile, 2 Députés, 1 Sénateur, 2 membres de l’Exécutif, 2 chefs coutumiers, 3 représentant des confessions religieuses, 2 experts du STAREC et 1 représentant de l’ICCN.

Le 19 décembre, le gouvernement de Kinshasa a accusé des membres du Mouvement du 23-Mars (M23), des groupes armés Maï-Maï et du parti Rassemblement congolais pour la démocratie-Mouvement de libération (RCD-KML) d’être impliqués dans les tueries de Beni. Lambert Mende, son porte-parole, a affirmé que plusieurs dizaines de personnes, voire plus d’une centaine, avaient déjà été arrêtées. Selon le porte-parole du gouvernement, la plupart des personnes aux arrêts ou interpellées sont de plusieurs nationalités: des Tanzaniens, des Ougandais, des Rwandais, des Congolais. Les nationaux appartiendraient à des organisations politiques: l’ex-M23, les groupes Maï-Maï, et le RCD-KML de Mbusa Nyamwisi. Les tueries de Beni jouiraient également, à en croire Lambert Mende, de complicités internes. La finalité de cette stratégie serait de préparer l’avènement d’un nouveau «mouvement de libération». Des sources sur place, à Beni, accusent aussi certaines autorités militaires de faire le jeu de l’ennemi. La société civile locale a même demandé de remplacer certaines autorités militaires suspectées.[4]

2. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)

 

Le 12 décembre, dans un communiqué Human Rights Watch (HRW) a regretté qu’une année après la signature des déclarations mettant fin aux pourparlers entre Kinshasa et l’ex-rébellion du M23, les crimes commis par les ex-rebelles dans l’Est de la RDC ne sont pas encore jugés.

Selon HRW, ces rebelles ont commis, au nord Kivu, de multiples crimes de guerre, notamment des meurtres, des actes de violence sexuelle et le recrutement d’enfants par la force.

Les déclarations de Nairobi stipulaient clairement que les chefs du M23 responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains n’auraient droit à aucune amnistie, rappelle l’ONG, indiquant que les individus responsables de tels crimes devraient être traduits en justice. Mais un an plus tard, se désole Human Rights Watch, aucun progrès n’a été accompli.

La plupart des dirigeants du M23 se trouvent au Rwanda ou en Ouganda, à l’abri de la justice, malgré les engagements pris par ces deux pays ainsi que par la RD Congo d’appuyer les efforts régionaux en faveur de la justice et de ne pas protéger ou accorder refuge à des individus présumés responsables de graves violations des droits humains, indique l’ONG dans son communiqué.

«Nous réclamons que les leaders du M23 qui sont responsables pour ces tueries, cas de viols, recrutement forcé des enfants soient arrêtés et traduits en justice », indique Ida Sawyer, chercheuse à Human Rights Watch. Ida Sawyer estime que le gouvernement congolais devrait faire des efforts pour s’assurer que les dossiers relatifs aux mandats d’arrêt visant les ex-rebelles responsables des crimes de guerre soient finalisés et que les demandes d’extradition soient élaborées.[5]

Dans une lettre ouverte adressée au chef du Bureau du Haut Commissariat des droits de l’homme de l’Onu à Kampala, Bertrand Bisimwa, président politique du M23, a accusé la délégation dépêchée par le gouvernement congolais en Ouganda, le 6 décembre dernier, d’être chargée d’organiser un rapatriement forcé des ex-combattants du M23 cantonnés au camp militaire de Bihamba, en Ouganda. Se voyant accusé, le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba, François Muamba, a expliqué que «revient au Congo celui qui est Congolais et qui souhaite revenir au Congo. Pour être rapatrié, il faut le vouloir, il faut le souhaiter. Il n’y a personne qui va être mis dans un avion par la force. Donc, je démens formellement toute allégation du type rapatriement forcé. Personne ne sera rapatrié par la force».

François Muamba a en outre dénié à Bertrand Bisimwa, président de la branche politique de cet ancien mouvement rebelle, la responsabilité d’engager l’ex-M23. Il l’a accusé, par ailleurs, de vouloir bloquer les ex-combattants dans ce camp pour des raisons obscures. Il a rappelé que «il n’y a personne qui se met en tête de pouvoir rapatrier par la force, mais il faut donner l’occasion aux ex-combattants qui le souhaitent, qui sont Congolais et qui sont amnistiés et qui souhaitent retourner dans leur pays de pouvoir le faire, sans qu’interfère une fois de plus des personnes sans qualité, puisque le M23 sous la forme ancienne n’existe plus».

François Mwamba a précisé que «l’élément déclencheur du rapatriement volontaire c’est l’amnistie. Ça n’a pas été facile». François Muamba a expliqué la raison du retard accumulé dans cette opération: «l’amnistie ne s’est pas faite en bloc, mais individuellement et par écrit. Il fallait l’expliquer aux concernés et les dossiers devaient être traités au cas par cas».[6]

Le 16 décembre, lors d’une opération de rapatriement vers la RDCongo, un millier d’ex-combattants du M23 se sont échappés du camp de Bihanga, en Ouganda, tandis que 120 ont été transférés à Kamina, en RDCongo. Quelque 1.300 ex-combattants du M23 étaient cantonnés dans le camp de Bihanga, situé à quelque 300 km au sud-ouest de Kampala, depuis leur défaite en novembre 2013. Dès le matin, l’armée ougandaise avait annoncé que «les soldats du M23 allaient être enfin remis aujourd’hui au gouvernement de RDC à l’aéroport d’Entebbe».

L’opération de rapatriement s’est toutefois heurtée à l’opposition d’ex combattants, dont quelques uns ont été blessés. Des renforts militaires ont été déployés à Bihanga pour « rétablir la situation » et retrouver certains ex-officiers rebelles que l’armée ougandaise accuse d’être à l’origine du refus d’embarquer à bord des camions mis à leur disposition et qui ont fui.

Le porte-parole de l’armée ougandaise, le lieutenant-colonel Paddy Ankunda, a déclaré que «un millier d’ex militaires du M23 se sont échappés du camp de Bihanga, expliquant craindre pour leur sécurité s’ils étaient rapatriés en RDC».

L’ex-rébellion a dénoncé une tentative de rapatriement forcé vers la RDCongo. Le président du M23, Bertrand Bisimwa, depuis Kampala où il réside, a affirmé que «ce matin, vers 04H00 (01H00 GMT), des camions (de l’armée ougandaise) sont arrivés pour embarquer de force, les ex-combattants du M23 cantonnés dans le camp à Bihanga. Ils ont refusé d’embarquer dans les camions (…) des coups de feu sont partis» du côté de l’armée ougandaise. Selon Bisimwa, «ce rapatriement est une violation des règles du droit international et des déclarations de Nairobi» signées le 12 décembre 2013 par le gouvernement de la RDC et le M23. Le président du M23 a estimé que le document de Nairobi prévoyait que la question du rapatriement des anciens rebelles réfugiés hors de RDC soit discutée entre l’ex-rébellion et les autorités de Kinshasa « ce qui n’a jamais été fait ».

Le porte-parole de l’armée ougandaise, Paddy Ankunda, a démenti tout rapatriement forcé et il a souligné que «aucun membre du M23 n’a été forcé à être rapatrié vers la RDC». Il a affirmé que un millier d’ex-rebelles ont fui à l’approche des camions. Selon lui, 120 sur les 330 déjà amnistiés par le gouvernement congolais auraient accepté de rentrer en RDCongo.

Pour sa part, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a affirmé que «une petite fraction du M23, qui est accusée de crimes de guerre, a tout fait pour faire échouer le processus de rapatriement».

Malgré ces incidents, 120 ex-miliciens ont pu être rapatriés ver la RDC par avion. François Muamba, coordonnateur du Mécanisme National de Suivi (MNS) de l’Accord de Addis Abeba, a affirme que «il s’agit d’un rapatriement volontaire», en précisant de: «avoir pris (avec les autorités ougandaises) une décision qui consiste à accélérer le rapatriement des ex-combattants du M23» et en soulignant que «tout doit être achevé avant le 25 décembre». D’ici cette date, selon les autorités congolaises, ce sont quelque 560 ex-combattants déjà amnistiés qui doivent être rapatriés d’Ouganda et du Rwanda.[7]

Le 17 décembre, l’Armée ougandaise a affirmé que le millier d’ex-combattants du M23 ayant fui le camp de Bihanga se trouvent aux alentours du camp des réfugiés de Rwamwanja géré par le HCR et que 35 sont rentrés à Bihanga. Le camp de Rwamwanja héberge quelque 50 000 réfugiés de RDC ayant fui depuis 2012 les combats entre M23 et armée congolaise dans l’Est de leur pays. Sur la présence d’ex-rebelles dans le camp, Lucy Claire Becky, chargée de communication du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) en Ouganda, a déclaré dans un email que « les ex-combattants n’étant pas admissibles au statut de réfugiés (…) le HCR ne s’occupait pas de la question« .[8]

Alors qu’ils quittaient le camp de Bihanga et se dirigeaient vers le camp des refugiés congolais de Rwamanja, des anciens rebelles du M23 ont pillé des maisons privées, volant de la nourriture, des téléphones portables et autres biens. Ils étaient entre 600 et 900. Les autorités ougandaises ont déploré ces actes de vandalisme et l’armée ougandaise a réussi à les maitriser.[9]

Selon un témoin, dans le camp de réfugiés de Rwamanza sont arrivés 1200 éléments ex-M23 qui veulent demander un titre d’asile en Ouganda. 100 autres militaires ex-M23 se trouvent dans le camp militaire de BIHANGA, à Mbarara, pour avoir refusé de se faire rapatrié en RDC. Au même moment il y a 50 officiers ex-M23 qui vivent à Kampala, la capitale Ougandaise.[10]

Le 18 décembre, d’après l’armée ougandaise, plus de 600 ex-combattants avaient regagné le camp de Bihanga. Des convois militaires les y ont transportés depuis le camp de réfugiés de Rwamwanja. Selon le ministre en charge des réfugiés, Musa Ecweru, il n’était pas question d’accepter ces hommes à l’intérieur du site alors qu’ils ne sont ni désarmés, ni démobilisés. D’autant plus que les civils congolais présents avaient justement fui les affrontements entre le M23 et l’armée congolaise, il y a plus d’un an. Quant aux ex-rebelles qui manquent encore à l’appel, au moins 700, ils continueraient de converger tranquillement vers Rwamwanja. Selon Paddy Ankunda, porte-parole de l’armée ougandaise, ils arrivent d’eux-mêmes il n’est donc pas nécessaire de partir à leur recherche. Ils seront reconduits dans leur camp militaire progressivement, précise-t-il.[11]

Le 18 décembre, le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, François Muamba a accusé le point focal de l’ex-mouvement rebelle M23, René Abandi, de bloquer la mise en ouvre des déclarations de Nairobi, notamment en faisant obstacle au processus de rapatriement des ex-rebelles réfugiés en Ouganda et au Rwanda. François Muamba l’a déclaré lors d’une conférence de presse à Kinshasa, de retour d’Entebbe en Ouganda.

Selon le coordonnateur du Mécanisme national de suivi, le groupe des dirigeants de l’ex-M23 manipule les candidats au retour volontaire. Ils iraient même jusqu’à créer l’illusion d’un exil doré au Canada pour ceux qui devaient se retrouver sur le sol ougandais après le 12 décembre, date anniversaire de la déclaration de Nairobi. Les dirigeants ougandais eux-mêmes font l’objet de suspicions pour avoir menacé d’accorder le statut de réfugié politique aux ex-M23 après cette date du 12 décembre.

Sur les onze points contenus dans les déclarations de Nairobi, sanctionnant la fin des pourparlers de paix entre le gouvernement congolais et le M23, deux seulement sont accomplis. Il s’agit de la fin de la guerre et de la promulgation de la loi portant amnistie sur les faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques commis entre le 1er janvier 2006 et le 20 décembre 2013 en RDC. Les autres points convenus souffrent d’exécution. François Muamba en fait porter la responsabilité aux ex-rebelles et, en particulier, à René Abandi, point focal du M23, pour ne pas s’être présentés aux rendez-vous du MNS pour la mise en œuvre des déclarations de Nairobi.

Même si le gouvernement congolais et le M23 avaient signé le 12 décembre 2013 à Nairobi chacun sa déclaration séparément, il y a lieu de noter que les deux déclarations prises ensemble couvrent les onze points négociés et convenus entre les deux parties. Il s’agit notamment de: 1. la fin de la rébellion, 2. l’amnistie, 3. les dispositions transitoires de sécurité, 4. les libération des prisonniers, 5. la transformation du M23 en parti politique, 6. le retour et l’installation des réfugiés, 7. le retour et l’installation des personnes déplacées internes, 8. la réconciliation nationale et la justice, 9. le mécanisme de suivi de mise en œuvre, 10. la gouvernance et les reformes socioéconomiques, 11. la démobilisation et réinsertion des ex-combattants du M23.[12]

Le 18 décembre, l’aile « Camp de la patrie » de l’ex-rébellion du M23 a déclaré que «le rapatriement de tous les frères (civils et militaires) vivant en Ouganda et au Rwanda est un impératif qui ne doit souffrir d’aucune manipulation».

Elle l’a affirmé dans une déclaration politique signée à Goma (Nord-Kivu) par le Secrétaire permanent du Bureau politique, Kambasu Ngeve (principal négociateur aux pourparlers de Kampala) et le chef du département des Affaires politiques, Sendugu Museveni (rapporteur général de la délégation du M23). Le camp de la Patrie accuse Bertrand Bisimwa de «saper les efforts consentis par la communauté internationale, l’Union africaine, la SADC, la CIRGL, le gouvernement de la RDC et le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, pour une paix durable en République Démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs», en précisant que «ses dernières correspondances à l’UNHCR/OUGANDA et au Président en exercice de la CIRGL, faisant état d’un rapatriement forcé des ex-combattants du M23, ne sont que l’expression d’une volonté délibéré de violer les déclarations de Nairobi, où le M23 s’était librement engagé à remettre au gouvernement de la RDC ses combattants pour leur rapatriement». Le Camp de la Patrie rappelle, à l’opinion tant nationale qu’internationale, que «le rapatriement des ex combattants est un engagement auquel le M23 avait souscrit dans les déclarations de Nairobi».[13]

Un an après la signature des déclarations de Nairobi par le gouvernement congolais et le M23, rien ne semble être réglé entre les deux. Sur les onze points discutés, seulement deux ont été réalisés: la fin de la rébellion et la loi d’amnistie (contestée par les anciens rebelles). Concernant la libération des prisonniers, la transformation du M23 en parti politique, le retour des réfugiés ou la démobilisation et la réinsertion des ex-rebelles, aucun progrès n’a été accompli. Gouvernement et M23 se renvoient la balle, s’accusant chacun du blocage de la situation.

Bertrand Bisimwa, le chef politique du mouvement est absent des listes des amnistiés, ainsi que Sultani Makenga, le commandant militaire du M23. Un choix largement assumé par Kinshasa qui se réserve le droit de refuser l’amnistie aux personnes ayant commis des crimes. Une position qui «enfreint ses propres déclarations» selon le M23, qui précise que «seules l’acceptation et la signature de l’acte d’engagement par le concerné suffisent pour en être bénéficiaire et le gouvernement ne devrait que se limiter à en prendre acte». En réalité, les déclarations de Nairobi parlent de « faits d’insurrection, faits de guerre et infractions politiques », très différents des « crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » qui, étant des crimes imprescriptibles, ne sont pas objet d’amnistie. Ne pourra donc prétendre à l’amnistie celui qui est accusé d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Si le gouvernement admet des retards, toutefois il s’est fixé deux lignes rouges difficiles à accepter par les anciens rebelles: l’amnistie sélective et la non intégration du M23 sur l’échiquier politique congolais. Concernant l’amnistie, Kinshasa refuse de l’accorder aux principaux responsables du mouvement: militaires, comme Sultani Makenga ou civils, comme Bertrand Bisimwa. Deux raisons à cela: le gouvernement ne veut plus de réintégration de rebelles dans l’armée nationale et veut mettre fin à une certaine «impunité» sur le plan politique. Cependant, en n’amnistiant pas les «gros bonnets» du M23 (politiques et militaires), le risque est grand de faire resurgir une nouvelle rébellion. Sans transformation du M23 en parti politique congolais, il y a donc des risques de maintenir cette contestation en dehors du cadre politique et de voir les ex-rebelles prendre à nouveau les armes. Kinshasa pourrait même y gagner en autorisant la mutation du M23 en force politique. Cela permettrait au gouvernement de voir ce que pèsent réellement les idées du M23 dans la société congolaise dans son ensemble et pas seulement à l’Est. Si on se souvient de l’échec politique du RCD (ancêtre du M23) à la présidentielle de 2006, il y aurait donc peu de risque pour Kinshasa à accéder à la demande du M23 de se muer en parti politique.[14]

3. LES  MAÏ-MAÏ

 

Le 17 novembre, des combats ont repris entre les Raïa Mutomboki de Kikuni Juriste et ceux de Mbongolo Kikwama. Ils se disputent, depuis un mois, le contrôle de la concession minière abandonnée par la Société minière du Kivu (Sominki), dans la localité de Lukala, en territoire de Shabunda (Sud-Kivu). Les affrontements entre ces deux factions de la milice Raïa Mutomboki ont contraint de nombreux habitants à quitter la région pour se réfugier dans les localités éloignées.[15]

Le 21 novembre, au cours d’un entretien avec la presse locale, le chef de groupement de Ziralo, Kizito Shabwira, a accusé les Maï-Maï Kiricho, Kifuafua et Raïa Mutomboki de commettre diverses exactions contre la population civile. Ce groupement est situé au Nord-Ouest de Bukavu (Sud-Kivu). Selon le chef local, ces miliciens érigent des barrières illégales au niveau des marchés et des champs. Kizito Shabwira indique qu’ils exigent, à tout passant, le paiement de 500 francs congolais (0,54 dollar américain). Selon la même source, les commerçants sont obligés de débourser 1.000 francs congolais (1,08 USD) et cela proportionnellement à la qualité de leurs articles de commerce. L’autorité locale de Ziralo plaide pour le déploiement des FARDC dans cette partie du Sud-Kivu afin d’assurer la sécurité des habitants et de leurs biens.

Le chef de poste d’Etat de Ziralo, Melchior Nsengo Witanene, accuse ces miliciens de vols, même dans les habitations de gens: «Ils ravissent de l’argent, des bétails ou autres biens de valeur et ils se retirent dans la brousse. Toute résistance à ces agressions coute des coups de fouet à son auteur».[16]

Le 25 novembre, le colonel Jean-Jacques Disesa a affirmé que les militaires de 1010è régiment ont délogé, depuis quelques jours, les Raïa Mutomboki de localités de Kaligila, Mintoko, Kamangu, Mumbani, Kabulungu et Tshonka, en territoire de Shabunda, à environ 350 km au Sud de Bukavu (Sud-Kivu). Cette zone était restée longtemps sous l’occupation des Raïa Mutomboki, a affirmé le colonel Jean-Jacques Disesa. Les miliciens chassés de la zone libérée se seraient retirés vers la localité de Lulingu. Le commandant du 1010è régiment appelle les groupes armés à quitter la brousse pour se rendre aux FARDC à travers le processus DDR. Pour le colonel Jean-Jacques Disesa, le temps de la guerre est révolu. Plusieurs centaines de personnes ont fui, depuis octobre dernier, leurs localités dans le territoire de Shabunda (Sud-Kivu) à cause des affrontements récurrents entre l’armée et la milice Raïa Mutomboki.[17]

Depuis le 28 novembre, de violents affrontements entre des groupes de la milice Raïa Mutomboki et les militaires du 2002e régiment des FARDC sont signalés dans les villages de Nyalubemba, Busolo ainsi que dans des villages environnants, en territoire de Walungu (Sud-Kivu). La société civile avance un bilan, non encore confirmé par des sources militaires, de 17 miliciens capturés et sept militaires blessés. Selon des sources militaires, toutes ces localités sont passées sous contrôle des FARDC qui sont en progression vers d’autres contrées. Les populations de ces villages ont fui et se sont dirigées, les uns vers le groupement de Mulamba, et les autres vers Luntukulu.[18]

Le 17 décembre, des sources de la Société civile ont affirmé que neuf personnes sont mortes dans des affrontements qui opposent la faction de Raïa Mutomboki de Ntoto à celle de Nsindo dans le territoire de Walikale (Nord-Kivu). Pour le président de la jeunesse de Walikale, Benjamin Mushunganya, que «c’est un problème de nourriture» qui est à la base de la dispute entre les deux factions. Il a aussi expliqué que la faction Raïa Mutomboki de Ntoto a coalisé avec les Maï-Maï FDC-Guides, alors que la faction de Nsindo s’est associée à certains miliciens Maï-Maï Kifuafua. Entre temps, 4 villages du groupement Waloa-Uroba, à près de 90 km à l’Est du chef lieu du territoire de Walikale se sont vidés de leurs habitants. Les villages concernés sont: Ntoto, Byamba, Mwanga et Nsindo. Les habitants de ces villages cherchent refuge dans les villages voisins de Mera et Mutara, dans le même groupement de Waloa-Uroba. La société civile plaide pour le déploiement des FARDC dans ce secteur devenu un bastion des milices Maï-Maï après le retrait de la MONUSCO à Ntoto il y a près de deux ans.[19]

Huit localités sont actuellement occupées par des milices opérant dans les groupements Ufamandu et Nyamaboko, au sud du territoire de Masisi (Nord-Kivu). Selon des sources policières et de la société civile, ces miliciens ont profité du départ des FARDC de ces zones pour prendre possession de ces localités. C’est depuis le 17 décembre que les militaires du 806ème régiment des FARDC déployés vers Remeka dans Ufamandu 1er et Luke ont dégarni le secteur sur ordre de leur hiérarchie. Pour des raisons opérationnelles, indiquent les sources militaires à Masisi. Profitant du vide laissé par les forces de sécurité, les miliciens Maï-Maï Kifuafua et Raïa Mutomboki ont occupé toute la partie sud d’Ufamandu 1er alors que les Nyatura en ont profité pour occuper le nord d’Ufamandu 1er et la localité Ngululu dans le groupement voisin de Nyamaboko 1er.[20]

4. LE PROGRAMME DDR

 

Le 6 décembre, le mécanisme national de suivi de l’application de l’accord de Addis Abeba a affirmé que l’Assemblée Nationale a minoré de moitié la proposition du gouvernement pour le budget de l’opération de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) des anciens combattants et il craint que les calculs fait avec les partenaires soient perturbés en 2015. Il demande donc au Parlement de réajuster ce montant. Pour le processus DDR, le gouvernement congolais avait proposé 10 milliards de francs congolais, soit un près de 11 millions de dollars américains pour 2015. Mais l’Assemblée Nationale n’a retenu pour cette ligne budgétaire que 5 milliards de FC. Selon le coordonateur du Mécanisme national de suivi, François Muamba, le montant proposé par le gouvernement correspond à la part que la RDC s’est engagé à donner. «Ce DDR, c’est 85 millions sur quatre ans. Le gouvernement de la République a annoncé 10 millions par an. Pour 2014, tout va bien, les 10 millions sont là. Mais pour 2015, tel que c’est voté à l’Assemblée Nationale, il va falloir redresser ça», a-t-il affirmé. François Muamba dit être en contact avec le bureau du sénat pour tenter de régler cette situation. Pour François Muamba, si le processus DDR n’est pas bien financé, il ne se déroulera pas correctement et cela risque de donner un prétexte aux groupes armés, aux ex-M23 et au pays voisins qui les hébergent à crier à la mauvaise fois du gouvernement congolais et donc à boycotter le DDR. Ce qu’il faut éviter à tout prix.[21]

5. DES MAÏ-MAÏ PRÊTS À ÈTRE DÉMOBILISÉS

 

a. Province Orientale

 

Le 21 novembre, Banaloki Matata, alias Cobra Matata, chef des Forces de Résistance Patriotique de l’Ituri (FRPI), s’est rendu avec ses hommes et leurs dépendants, aux Forces armées de la RDC (FARDC), à Bunia, chef-lieu de l’Ituri (Province Orientale). Cobra Matata avait pris le commandement de la Force de Résistance Patriotique de l’Ituri (FRPI) en 2010, après avoir déserté des FARDC. La cérémonie de sa reddition s’est déroulée en présence du gouverneur de la province, Jean Bamanisa Saïdi, qui a affirmé que les hommes de Cobra Matata et leurs dépendants sont attendus dans un camp de transit préparé à cet effet. Après cette cérémonie, Jean Bamanisa lui a accordé une audience, au sortir de laquelle Cobra Matata a exprimé sa volonté de travailler sous le drapeau.

«Il s’est rendu avec trois autres officiers de son état-major. Lui est général, les trois autres sont colonels», a déclaré Monulphe Bosso, conseiller en communication du gouverneur de la province Orientale, ajoutant que le chef d’état-major et cinq autres officiers l’avaient précédé le jour précédent. Interrogé sur le nombre d’armes ramenées par les ex-miliciens, le conseiller a précisé que «tous sont venus bredouilles». Il a souligné que 418 miliciens étaient encore attendus dans le processus de reddition, et qu’ils seraient accompagnés de 394 dépendants (femmes et enfants).

Actuellement, ils sont regroupés à Aveba, dans la collectivité de Walendu Bindi, où ils sont pris en charge par le gouvernement congolais. Selon le conseiller, avant de se rendre, Cobra Matata avait réitéré ses deux principales requêtes: qu’on octroie une amnistie générale pour lui et ses troupes et qu’on reconnaisse les grades que ses hommes avaient dans le groupe armé. Il a indiqué qu’il revenait à la haute hiérarchie de décider de la suite à donner, laissant penser que Cobra Matata pouvait ne pas avoir reçu d’assurances quant à ses doléances.

Par le passé, nombre de groupes rebelles ont abandonné la lutte armée après avoir été intégrés aux FARDC, leurs chefs se voyant reconnaître des grades d’officiers supérieurs, voire généraux, mais depuis l’adoption de la loi de réforme de l’armée de 2011, les autorités ont toujours refusé de tels marchandages. A Plusieurs reprises, Cobra Matata avait annoncé sa reddition. Mais toutes les tentatives pour qu’il se rende avaient échoué.

Le FRPI est l’une des nombreuses milices qui se sont affrontées en Ituri de 1999 à 2007 sur des bases essentiellement ethniques pour le partage des richesses naturelles (au premier rang desquelles l’or) de ce district. Plusieurs milliers de combattants FRPI avaient été démobilisés et intégrés à l’armée congolaise de 2004 à 2006, mais le groupe avait commencé à se reformer fin 2007.[22]

Le 26 novembre, des miliciens des FRPI regroupés à Aveba, en Ituri, ont refusé de se rendre à Bunia, où ils sont attendus pour le processus de leur reddition. Un premier groupe d’une trentaine de miliciens, qui devait embarquer à bord de trois camions expédiés pour eux par le gouvernement, ne l’a pas fait sur ordre de certains officiers FRPI sur place. Ils ont manifesté leur refus à une délégation des autorités gouvernementales et de la Monusco. Quelques trente-six miliciens étaient prêts à rejoindre Bunia. Mais, plus de trois cents autres miliciens armés sillonnaient tout autour du groupe, en empêchant son départ.

Le commissaire de district assistant de l’Ituri, Fataki Androma qui conduisait la délégation, revient sur l’échec de ce jour: «Pour démarrer le processus, nous avons amené un peu d’argent pour eux: 7.500 dollars américains. Malheureusement, après cette négociation, à notre grande surprise, un des officiers [FRPI] a pris l’arme de son garde du corps. Il a brandi ça. Ce qui a fait fuir la population». Chaque milicien devait toucher 50 dollars américains et chaque officier 100 dollars, comme ils l’avaient exigé au gouvernement. Cette situation crée une nouvelle désolation dans la population d’Aveba. Le président de la société civile de Gety, Jean de Dieu Mbafele, se dit très inquiet: «La population a une grande inquiétude, puisque c’est la deuxième fois qu’on aborde le processus de sortie des miliciens afin qu’ils se rendent au gouvernement. Est-ce que ça ne va pas dérailler?».[23]

Le 27 novembre, dans la soirée, vingt huit miliciens de la FRPI de Cobra Matata sont finalement arrivés à Bunia en provenance de Aveba. Ils étaient munis de six armes individuelles et d’une arme lourde. Aussitôt arrivés, ces miliciens ont été transférés au camp de regroupement de Rwampara, situé dans la périphérie de Bunia. La société civile d’Irumu exprime sa déception au regard du petit nombre des miliciens qui se sont rendus et reste sceptique sur l’aboutissement de ce processus. Selon son président, Gyli Gotabo, 28 miliciens représentent une goutte d’eau dans la mer, vu le nombre d’hommes (peut-être plus de 2.000) que Cobra Matata a dans son maquis.[24]

Le 4 décembre, le chef de la collectivité de Walendu Bindi, Olivier Peke Kaliaki, a fustigé la réticence des miliciens de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), regroupés depuis un mois à Aveba, à se rendre aux Forces armées de la RDC (FARDC). Le chef de la collectivité de Walendu Bindi estime que ce blocage est du à l’absence de Justin Banaloki Cobra Matata sur place à Aveba. En effet, ces miliciens seraient réticents à la suite de rumeurs affirmant que Cobra aurait été arrêté. Dans un point de presse tenu à Bunia, cette autorité locale recommande à l’armée en Ituri à autoriser le chef de cette milice, Justin Banaloki Cobra, a se rendre à Aveba pour sensibiliser ses hommes à  se rendre l’armée. Environ 1000 miliciens sont regroupés à Aveba. Seulement 70 sont déjà rendus à Bunia.[25]

b. Sud Kivu

 

Le 7 novembre, le colonel Matunguru Katamasyoko, commandant du groupe Maï-Maï Kifuafua, a demandé au gouvernement et à la Monusco d’envisager la démobilisation de ses 1.500 éléments sortis de la brousse il y a 10 jours. Cette milice est opérationnelle dans les groupements de Ziralo, au sud Kivu, et de Ufamandu 1er et 2e, au Nord-Kivu. Selon le colonel Matunguru, ces éléments Mai Mai vivent dans des conditions préoccupantes dans la brousse, sans accès aux soins de santé, depuis la présence des militaires FARDC dans ces deux groupements. Pour manger, dit-il, certains sont obligés d’envahir les champs des habitants et d’autres d’installer des barrières sur la route, en vue de collecter la ration alimentaire. Le colonel Matunguru déplore le retard dans la réalisation de leur démobilisation et appelle la Monusco et la haute hiérarchie de l’armée à procéder à l’identification et l’orientation de ces hommes.[26]

Le 6 décembreJuriste Kikuni, chef d’une faction des Mai Mai Raïa Mutomboki, a affirmé que la reddition des combattants de son groupe est désormais effective. Il l’a confirmé dans la soirée, lors d’un entretien avec le gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Cishambo, en présence des représentants de la Monusco. A la tête de plus de deux mille hommes, ce chef milicien dit avoir accepté de déposer les armes et se joindre au processus de paix. Juriste Kikuni est arrivé à Bukavu à la tête d’une petite délégation des dix personnes, des ex-combattants de cette milice. Il s’est rendu à la Monusco avec 163 hommes, 26 armes et 52 chargeurs plein de munitions. Juriste Kikuni a indiqué être venu à Bukavu pour rejoindre le processus DDRR (Démobilisation, désarmement, réinstallation et réinsertion). Juriste Kikuni est chef de la faction qui opère dans le territoire de Shabunda à partir de la localité de Lulingu. Il a déclaré qu’il a des troupes au Nord-Kivu précisément à Isangi et Pango ainsi qu’au Sud-Kivu (Kalonge et Bunyakiri).[27]

[1] Cf AFP – Africatime, 15.12.’14

[2] Cf Radio Okapi, 16.12.’14

[3] Cf AFP – Africatime, 16.12.’14

[4] Cf RFI, 20.12.’14

[5] Cf Radio Okapi, 12.12.’14

[6] Cf Radio Okapi, 15.12.’14; Radio Kivu 1, 22.12.’14

[7] Cf AFP-Africatime, 16 et17.12.’14 ; Radio Okapi, 17.12.’14 ; RFI, 17.12.’14

[8] Cf AFP – Belga – Kampala, 18/12/2014 (via mediacongo.net)

[9] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 18.12.’14

[10] Cf Radio Kivu 1, 22.12.’14

[11] Cf RFI, 19.12.’14

[12] Cf Radio Okapi, 18.12.’14

[13] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 23.12.’14

[14] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia – Africatime, 15.12.’14

[15] Cf Radio Okapi, 18.11.’14

[16] Cf Radio Okapi, 22.11.’14

[17] Cf Radio Okapi, 26.11.’14

[18] Cf Radio Okapi, 01.12.’14

[19] Cf Radio Okapi, 17.12.’14

[20] Cf Radio Okapi, 23.12.’14

[21] Cf Radio Okapi, 06,12,’14

[22] Cf Radio Okapi, 22.11.’14; AFP – Africatime, 22.11.’14

[23] Cf Radio Okapi, 27.11.’14

[24] Cf Radio Okapi, 28.11.’14

[25] Cf Radio Okapi, 06.12.’14

[26] Cf Radio Okapi, 08.11.’14

[27] Cf Radio Okapi, 07.12.’14

ADF ET M23, PILE ET FACE DE LA MÊME MONNAIE?

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Editorial Congo Actualité n. 229– Par le Réseau Paix pour le Congo

Dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDCongo), le problème le plus important à résoudre est encore celui des groupes armés, nationaux et étrangers, y compris les Forces Démocratiques Alliées (ADF), d’origine ougandaise, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), d’origine rwandaise, le Mouvement du 23 Mars (M23) et les différentes factions des milices Maï-Maï.

 

Massacres de Beni: pas seulement ADF

La situation demeure dramatique à Beni, ville du Nord-Kivu, où les ADF, un groupe armé d’origine ougandaise, sont en train de décimer la population locale, en attaquant les villages et en tuant, à la machette, des familles entières.

Selon le gouvernement congolais, suite à la reprise des opérations militaires, on a déjà arrêté plus d’une centaine de personnes originaires de différents pays: des Ougandais, des Rwandais, des Tanzaniens et des Congolais. Les massacres de Beni sont donc commis avec la collaboration aussi de complices internes, tels que l’ex-M23, le RCD-KML de Mbusa Nyamwisi et certains groupes Maï-Maï. L’objectif serait de préparer la voie à un nouveau «mouvement de libération».
Du 17 au 20 décembre, la société civile du Nord Kivu a organisé un dialogue social pour la restauration de la paix et de la sécurité, à laquelle ont participé des représentants des ONG pour la défense des droits de l’homme et pour le développement, des membres des confessions religieuses, des autorités locales et des politiciens.

Les participants ont noté que «les auteurs des massacres ont clairement un caractère hybride. En effet, il s’agit de groupes résiduels des ADF-NALU, actifs dans la région depuis plus de deux décennies, mais aussi des citoyens locaux qui collaborent avec eux dans un réseau d’opérations mafieuses transfrontalières et d’échange d’informations. L’ennemi a souvent réussi à faire adhérer à sa cause criminelle, qui inclue également des pratiques djihadistes, certains politiciens, officiers militaires, commerçants et autorités coutumières. L’ennemi est progressivement passé d’une stratégie d’offensive classique à la guérilla, pour finalement adopter la stratégie du terrorisme».

Les participants ont également appelé le gouvernement congolais à «a) adopter une stratégie militaire adaptée à celle de l’ennemi; b) renforcer la surveillance au sein des FARDC, pour démasquer les infiltrés et les traîtres; c) poursuivre le travail d’identification des auteurs des massacres et d) accélérer les enquêtes relatives aux personnes suspectées». À la communauté internationale, les participants ont demandé de «entreprendre une enquête internationale sur les massacres commis».

Opération de rapatriement volontaire: le refus du M23

À propos de l’ex Mouvement du 23 mars (M23), le 16 décembre, en collaboration avec le Gouvernement ougandais, le gouvernement congolais a tenté une première opération de rapatriement volontaire des 330 ex-combattants du M23 déjà amnistiés et disposés à rentrer en RDCongo, mais toujours vivant à Bihanga, en Ouganda, où ils avaient fui après leur défaite en novembre 2013. Au camp militaire de Bihanga l y avait un total de 1678 combattants du M23. L’opération de rapatriement a échoué car, sur les 330 ex combattants, seulement 120 ont accepté d’être rapatriés. Tous les autres présents à Bihanga ont fui, refusant d’être rapatriés, apportant comme motivations leur crainte vis-à-vis de leur sécurité s’ils étaient rapatriés et le non respect des déclarations de Nairobi. En réalité, derrière ce refus il peut y avoir la volonté de faire pression sur le gouvernement congolais, en vue d’obtenir des avantages non remportés jusqu’à présent, tels que l’amnistie aussi pour les haut cadres politiques et militaires du mouvement, même s’ils sont recherchés par la justice pour avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, l’intégration dans l’armée nationale congolaise et, enfin, l’intégration des cadres politiques dans la vie politique du Pays. S’il ne parvenait pas à obtenir ces avantages, le M23 pourrait déclencher une nouvelle rébellion, avec la complicité de certains officiers de l’armée congolaise, en collaboration avec les ADF et avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda

Pour l’éviter, le gouvernement congolais devrait fournir tous les efforts nécessaires pour accélérer la procédure d’octroi de l’amnistie à tous les membres du M23 qui en remplissent les conditions, procéder au rapatriement volontaire des amnistiés et faciliter leur adhésion au Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale (DDR). Quant aux membres du M23 qui ne peuvent pas bénéficier de l’amnistie pour avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des violations graves des droits humains, le gouvernement congolais devrait s’assurer que les dossiers relatifs à leurs mandats d’arrêt soient finalisés et que les demandes d’extradition soient élaborées.

Congo Actualité n.234

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 RAPPORT FINAL 2014 DU GROUPE D’EXPERTS DE L’ONU

SUR LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Janvier 2015[1]

SOMMAIRE

  1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)

  2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)

  3. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)

  4. LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DES DROITS DE L’HOMME

  5. L’EXPOITATION ILLÉGALE DES RESSOURCES NATURELLES

  6. LES RECOMMANDATIONS

 

1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)

 

En janvier 2014, l’armée congolaise a lancé l’opération Sukola I contre les ADF, un groupe armé d’origine ougandaise. Bien que les ADF aient subi plusieurs défaites au premier semestre de 2014, presque tous leurs  chefs sont vivants. Leur  dirigeant, Jamil Mukulu, visé par les sanctions, a disparu en avril avec une vingtaine de chefs. Son adjoint, Seka Baluku, dirige plusieurs subdivisions des ADF  qui comptent d’autres chefs importants.

Les ADF ont toujours la capacité de se réorganiser et de se renforcer, comme elles l’ont déjà fait à la suite d’opérations similaires en 2005 et en 2010.

Les commandants du groupe ne participant généralement pas aux combats, ils ont pour la plupart survécu à celles de  2014. En outre, les réseaux de recrutement, de soutien et de financement des ADF n’ont pas été beaucoup touchés.

Le Groupe  d’experts  ne dispose d’aucun élément de preuve crédible montrant l’existence de liens entre les ADF et des groupes terroristes étrangers, dont Al -Qaida, le Mouvement des Chabab ou Boko Haram.

 

a. Scission des ADF en deux groupes

 

Début avril 2014, alors que l’armée approchait de Madina, site du camp principal et dernier bastion des ADF, celles-ci se sont scindées en deux groupes.

L’un des deux  groupes, ayant à sa tête  Jamil Mukulu, a quitté le camp de Madina en pleine nuit, quelques jours avant sa prise par l’armée congolaise les 16 et 17 avril. Mukulu est parti avec une trentaine de personnes, dont environ 17 chefs importants et la plupart des membres de sa famille. À la fin novembre, on ne savait toujours pas où se trouvaient Mukulu et la trentaine de personnes qui l’accompagnaient. D’après certains témoignages, Mukulu et sa bande seraient encore dans le Nord-Kivu, quelque part entre le nord-est de Beni et la ville de Butembo.

Après le départ du groupe de Mukulu, Seka Baluku a pris le commandement des éléments restants.

Il a tout de suite entrepris d’évacuer le camp de Madina, où se trouvaient alors entre 1.000 et 1.200 personnes, pour rejoindre le camp AKBG, à environ  2  kilomètres. En mai et juin, devant l’avancée de l’armée congolaise, le groupe de Baluku s’est enfoncé plus profondément dans la forêt.

Toutefois, lors d’une attaque-surprise, l’armée avait tué des dizaines de  soldats et d’éléments civils des ADF. À la mi-juin, le groupe de Baluku était affaibli et  moins nombreux, suite aux pertes essuyées au combat, mais aussi parce qu’un certain nombre de ses membres avaient profité des déplacements quasi constants du groupe pour faire défection. Selon plusieurs sources, entre 200 et 300 personnes auraient fui les ADF en 2014.

Se trouvant de plus à l’écart du réseau habituel de ravitaillement et d’équipement, le groupe Baluku a traversé une période de famine de fin juin à  août 2014. Au moins 200 personnes, pour la plupart des enfants, sont alors mortes de faim. À la fin juillet, les ADF abandonnaient en forêt les enfants, femmes et hommes trop faibles ou trop malades pour continuer à marcher.

Pendant la  famine, Seka Baluku a divisé son groupe en  au moins  trois groupuscules, qu’il a  rapprochés  de la route Beni-Oicha-Eringeti. À la fin du mois d’août, ces groupuscules ont recommencé à piller les fermes et les villages, à la recherche de nourriture, et à enlever des  gens  vivant le long de cet axe. Les ADF se faisaient livrer des vivres et des fournitures la nuit, par des «coursiers» ou par  des motocyclistes.

L’effectif des ADF serait ramené à 150 à 200 membres: une trentaine de soldats, 30 à 40 commandants (qui ne participent pas aux combats), plus des femmes et des enfants. Les soldats  n’auraient ni armes ni munitions et seraient privés de sources de ravitaillement et d’équipement.

 

b. Réseaux d’appui

 

Les ADF ont des réseaux de recrutement, de soutien et de financement bien organisés, qui leur ont permis de survivre et de se reformer après les opérations militaires de 2005 et de 2010. Ces réseaux, dont les membres sont des agents des ADF, s’étendent de l’est de la RDCongo (Oicha, Beni, Butembo, Goma, Bukavu et Uvira) jusqu’en Ouganda, au Rwanda  et au Royaume-Uni. À la fin du mois de novembre, ces réseaux étaient largement intacts.

 

Recrutement

Les ADF ont un vaste réseau de recrutement en Ouganda et en RDCongo, dont les agents parviennent, par la persuasion, la tromperie ou de fausses promesses, à convaincre certains individus de rallier volontairement le groupe armé. En dépit des opérations militaires, le réseau de recrutement a continué de fonctionner en 2014 aussi.

Le groupe armé est principalement composé d’Ougandais et de Congolais (deuxième nationalité la plus représentée). On y trouve aussi quelques Kenyans, Rwandais, Burundais et Tanzaniens.

Les ADF employaient  trois méthodes pour recruter des musulmans. La première consistait à inciter des membres des ADF à convaincre, généralement par téléphone ou par lettre, des membres de leur  famille  de s’enrôler. La deuxième consistait, pour les membres des ADF et de leur réseau externe, à recruter directement des  individus  n’ayant aucun lien avec le groupe, ainsi que leur famille. La troisième consistait à  recruter des individus ou des familles dans les mosquées ou les écoles musulmanes, par le truchement de membres du clergé (les imams).

Les ADF emploient  également trois  méthodes pour  enrôler des recrues de force.  Elles enlèvent des gens, généralement des civils non musulmans qui vivent ou qui travaillent à proximité des territoires qu’elles contrôlent, et les forcent à vivre dans leurs camps en tant que bazana (personnes enlevées et réduites en esclavage) ou à devenir soldats. Elles attirent également certaines personnes en leur  promettant une éducation gratuite et  leur faisant miroiter la possibilité d’étudier à l’étranger. Enfin, elles  séduisent  parfois leurs  futures recrues en leur promettant un emploi bien payé ou des affaires lucratives.

Vingt-deux ex-combattants ougandais, interrogés sur les personnes ayant initialement pris contact avec eux, ont désigné 18 recruteurs différents. Ces 22 ex-combattants  venaient de 12 districts ougandais et 20 d’entre eux  avaient transité  par Kampala pour se rendre en RDCongo.

L’itinéraire le  plus emprunté depuis l’Ouganda partait de Kampala, passait par la ville de Kasese, dans  l’ouest de l’Ouganda, puis par les villes frontalières de Bwera et de Kasindi, pour aboutir à Beni. Un deuxième itinéraire partait de Kampala et traversait le sud-ouest de l’Ouganda et le Rwanda, pour aboutir à Goma. De là, les recrues étaient transportées vers le nord, via Butembo et Beni. À Beni, elles étaient transportées de nuit, souvent à moto, mais aussi parfois en voiture, jusqu’à un point de rendez-vous situé le long de la route Mbau – Kamango. Là, des soldats armés des ADF les emmenaient dans la forêt jusqu’à leur camp. Un troisième itinéraire, moins  emprunté que les deux  autres, partait de Kampala et passait par Fort Portal, Bundibugyo et, de l’autre côté de la frontière, par Nobili et Kamango, d’où les recrues étaient conduites en  brousse.

Trois ex-combattants congolais ont été interrogés par le Groupe d’experts. Le premier, originaire de Bukavu, avait été séduit par une fausse promesse d’éducation au Canada; le deuxième avait été recruté à Butembo; le troisième avait été enlevé près de Mbau.

Une fois aux  camps, les hommes avaient suivi un entraînement  militaire, généralement dans le bataillon du commandant Ibrahim. Seize ex -combattants ont indiqué qu’ ils avaient été  entraînés  par Rafiki, tandis que neuf ont dit l’avoir été par Werason, sept par Udongo et quatre par Kalume.  Les ADF ont continué de former de nouvelles recrues après avril 2014, alors qu’elles étaient en mouvement.

 

Soutien matériel

Les ADF ont pu survivre en forêt grâce à leur réseau de soutien matériel, qui s’étend en RDCongo, en Ouganda et au Rwanda. En plus d’acheter des  marchandises et de les livrer au groupe armé, les membres de ce réseau facilitent les mouvements de ses dirigeants et le transport de ses recrues.

Les ADF utilisaient rarement leur réseau pour des livraisons d’armes et de munitions, se contentant généralement de celles saisies lors d’opérations contre l’armée congolaise.

Ces dernières années, et jusqu’en avril 2014 au moins, les ADF ont reçu des livraisons régulières de  vivres, de carburant, de médicaments, de vêtements et de produits de consommation divers ainsi que des versements d’argent. En 2012 et 2013, le camp de  Madina était approvisionné plusieurs fois par semaine. Le groupe armé subsistait en cultivant des fruits et des légumes près de ses camps et en pillant de  la nourriture dans les localités voisines, mais il leur fallait s’approvisionner régulièrement en sel, haricots, riz, sucre et autres  denrées  pour faire vivre 1.500 à 2.000 personnes.

Benjamin Kisokeranyo, proche conseiller de Jamil Mukulu, rédigeait les listes utilisées par les agents des ADF pour des achats à Eringeti, Oicha, Beni et, surtout, Butembo.

Le Groupe  d’experts a pu  identifier  plusieurs membres du réseau de soutien matériel des ADF opérant hors des camps: Okapi, un des principaux agents du groupe armé dans la zone de Beni et de Butembo; Shengazi Yalala (aussi connu sous le nom de Shenga Yalala), un des principaux agents du groupe armé, très proche de Jamil Mukulu; Saidi, qui acheminait des recrues et des  approvisionnements jusqu’aux camps et un certain  Kaberebere.

Les agents des ADF livrent les marchandises la nuit aux points de rendez-vous situés le long des axes  Mbau- Oicha et Mbau- Kamango. Plusieurs motocyclettes  ou un véhicule à quatre roues livrent généralement les marchandises en un lieu convenu d’avance, où plusieurs hommes attendent au bord de la route pour les décharger rapidement. Des porteurs, sous surveillance armée, attendent souvent à proximité pour  transporter les marchandises jusqu’au camp.

 

Soutien financier

Les ADF ont un réseau de soutien financier qui comprend des sources locales et internationales de fonds.  Pour leur financement, les ADF avaient reçu des transferts de fonds internationaux.

Aisha Namutebi, femme d’origine ougandaise naturalisée britannique et vivant à Londres, a envoyé

des fonds à deux agents des ADF en RDCongo: Estha Furaha Bulabula, de Goma, et à Yusufu Shabani Majuto, de Beni.

À Estha Furaha Bulabula, Mme Namutebi a envoyé 1.500 dollars en avril 2013.

Des données communiquées par Western Union montrent que, entre juin 2013 et juin 2014, 21 virements ont été faits sous 17 noms différents à  M. Shabani depuis 11 bureaux de Londres, pour un montant total de 13.471 dollars.

En 2014, les ADF ont aussi volé à l’armée congolaise de l’argent destiné au paiement des soldes des militaires. Les 30 et 31 mai, le groupe armé a tendu une embuscade près d’Eringeti à des soldats  congolais, et s’est emparé d’un sac à dos rempli d’argent (environ 80.000 dollars).

Le groupe armé se finançait également en exploitant le bois d’œuvre dans la zone qu’il contrôlait.

 

c. Violations des droits de l’homme

 

Les ADF pratiquent diverses formes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le cadre de leur système de justice. Ce système, dirigé par Jamil Mukulu et Seka Baluku,  prescrit des  peines telles que la crucifixion, la mort par  lapidation et le tabassage brutal  même pour des propos jugés subversifs, et l’emprisonnement dans des  fosses, ou des cellules souterraines,

ou encore le supplice de «la vierge de fer», la privation de nourriture durant l’incarcération et l’exécution sommaire. Les menus larcins étaient passibles de  l’amputation d’une  main, et le viol ou la tentative de viol par l’amputation d’un pied et d’une main.

En 2014, les ADF ont continué d’enlever des civils à la périphérie de la zone qu’ils contrôlent.

Les personnes enlevées, appelées bazana, sont réduites en esclavage. Lors de ces enlèvements, les hommes étaient souvent tués après avoir été utilisés pour transporter le butin du pillage, tandis que les femmes et les enfants étaient généralement emmenés au camp de Madina. Les bazana étaient systématiquement emprisonnés, vivaient dans des conditions inhumaines, étaient contraints de se  convertir à l’islam et astreints au travail forcé. Les femmes et les filles étaient mariées de force à des membres des ADF.

Les ADF imposent la conversion à l’islam. Les chefs donnaient le choix aux non musulmans entre la conversion ou la mort; ceux qui n’acceptaient pas immédiatement de se convertir étaient emprisonnés durant quelques jours, pour leur donner le temps de  réfléchir.

 

 

2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)

 

a. Non-respect des engagements de désarmement et de reddition

 

Le constat des experts onusiens est sans ambiguïté: les FDLR,  un groupe armé d’origine rwandaise, n’ont pas démontré une volonté manifeste de désarmer. Les démobilisés FDLR sont d’un grade peu élevé, souvent âgés avec des armes en mauvais état. Les chefs des FDLR n’ont envoyé dans les camps de transit que des combattants non essentiels. Même si ces dirigeants ont un contrôle effectif sur leurs troupes, souligne le groupe, ils n’en sont pas moins divisés entre une ancienne garde, dont certains sont accusés de génocide, et une jeune génération plus favorable à la négociation.

En outre, souligne ce rapport, des FDLR ont aussi des connexions politiques, mais pas avec le RNC du général Kayumba Nyamwasa, comme l’affirme Kigali. Il n’y a pas de preuves de soutien ni financier, ni matériel, affirment les experts. Et pourtant, les derniers procès, comme celui de la terreur ou celui contre le chanteur Kizito Mihigo, partent du postulat que ces deux groupes collaborent. En revanche, le groupe d’experts a pu vérifier certaines des assertions du gouvernement rwandais concernant des voyages des responsables FDLR à destination de la Tanzanie ou des transferts d’argents depuis ce même Pays.

 

b. À propos d’éventuelles opérations militaires contre les FDLR

 

À propos d’éventuelles opérations militaires contre les FDLR, les experts soulignent deux types de difficultés: les complicités locales entre l’armée congolaise et les FDLR, mais aussi la présence de réfugiés rwandais avec les combattants. Selon le rapport, il y a une connexion des FDLR avec des responsables locaux de l’armée congolaise pour assurer leur trafic de charbon, de bois et d’or, sources de revenus pour les rebelles hutus rwandais, qui pourraient se chiffrer en centaines de milliers de dollars. Des marchandises contre lesquelles ils obtiendraient aussi des munitions des FARDC.

Le groupe d’experts dit enfin craindre des victimes civiles et d’importants déplacements de populations en cas d’opérations, vu la proximité géographique entre réfugiés rwandais et combattants FDLR.

 

 

3. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)

 

Le processus prévu pour le rapatriement des éléments du M23, un groupe armé congolais appuyé par le Rwanda, a été entravé par des désaccords sur les modalités d’octroi du bénéfice de  l’amnistie pour insurrection, faits de guerre et infractions politiques et la détermination de la nationalité des éléments du M23. En outre, beaucoup d’incertitudes  entourent le sort des ex-dirigeants du M23, dont ceux soumis aux sanctions, comme Sultani Makenga, Innocent Kaina, Jean-Marie Runiga, Eric Badege, Innocent Zimurinda et Baudoin Ngaruye, qui sont visés par des mandats d’arrêt internationaux émis par la RDCongo en 2013.

 

a. Mesures déjà prises

 

Suite à la promulgation d’une loi d’amnistie en février 2014, le  Gouvernement de la RDCongo a envoyé des missions en Ouganda (en mai) et au Rwanda (en juillet), dont les membres ont rencontré  les dirigeants du M23 et distribué les formules de demande d’amnistie. Conformément à la loi, le Gouvernement a cessé d’accepter les demandes à la mi-août. En novembre, un haut responsable des services de renseignement congolais a indiqué au Groupe d’experts que le Gouvernement avait accordé l’amnistie à 559 ex-combattants congolais du M23 se trouvant au Rwanda et en Ouganda.  Il a ajouté que le Gouvernement analysait des demandes supplémentaires, mais n’a pas voulu préciser le nombre de demandes reçues. D’après la Monusco, 453 demandes d’amnistie ont été recueillies au Rwanda et 1.678 en Ouganda.

Il y a deux points importants de désaccord entre les parties.

Le Gouvernement de la RDCongo estime que les demandes d’amnistie déposées par des éléments du M23 peuvent être acceptées ou rejetées à la discrétion des autorités congolaises, alors que la position officielle du M23 est que l’amnistie doit être accordée à ses éléments dès lors qu’ils ont signé la formule et en ont accepté les conditions.

L’autre sujet de désaccord est la nationalité des ex-cadres et combattants du M23. Le Gouvernement soutient qu’il y a parmi eux de nombreux étrangers et qu’il n’a à examiner que les demandes d’ amnistie présentées par ceux qu’il considère comme étant des Congolais.

Le Gouvernement  de la RDCongo a déclaré qu’il était prêt à rapatrier immédiatement les amnistiés. Le plan établi en novembre prévoit que les ex-combattants amnistiés seront transférés à Kamina (Katanga).

La question du sort des  ex-dirigeants du M23 exclus de l’amnistie demeure sans réponse. De  hauts responsables des services congolais de renseignement ont refusé de dire au Groupe le nombre d’éléments du M23 exclus ou de révéler l’identité des intéressés.

 

b. Effets de la lenteur des progrès

 

Le retard pris dans le processus de rapatriement a eu plusieurs effets, dont le fait que des centaines d’éléments du M23 quittent les sites de cantonnement au Rwanda et peuvent donc se déplacer à l’intérieur du Rwanda et en RDCongo. Le Gouvernement rwandais a indiqué qu’au 25 août, 320 éléments du M23 s’étaient échappés des camps de Ngoma et de Gisovu (280 ex-combattants et 40  ex-cadres politiques), soit 42 % des 767 membres du M23 qui avaient été  hébergés dans les deux  camps selon le Gouvernement rwandais.

Si certains de ceux ayant quitté les camps  étaient  restés au Rwanda avec leur famille ou dans des camps de réfugiés, d ’autres avaient regagné la RDCongo. Ceux qui se sont évadés n’ont pas été en mesure de signer la formule de demande  d’amnistie et sont susceptibles d’être recrutés par des groupes armés en RDCongo. Certains ex-combattants (pour la plupart des officiers  supérieurs) avaient reçu des autorités rwandaises l’autorisation de quitter les camps pour des raisons personnelles. Tel serait le cas d’Éric Badege, d’Innocent Zimurinda et de Baudouin Ngaruye, qui font tous l’objet de sanctions internationales.

 

 

4. LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DES DROITS DE L’HOMME

 

a. Enfants soldats

 

Entre janvier et septembre 2014, au Nord -Kivu, le centre d’accueil des enfants associés aux groupes armés a reçu 1.125 enfants et adolescents âgés de 11 à 17 ans (143 filles et 982 garçons)  ayant quitté 22 groupes armés. Parmi eux, 464 (41 %) avaient été recrutés en 2014, 408 (36 %) en 2013 et 97 (9 %) en 2012, et presque tous étaient originaires du territoire de Rutshuru (536, soit 48  %) ou du territoire de Masisi (499, soit 44 %).

Sur les 143 filles, 39 (27 %) avaient  servi d’épouse à des combattants, 31 (22 %) avaient été soldates et 73 (51 %) avaient été affectées à divers travaux, dont la cuisine.

Sur les 982 garçons, 691 (70 %) ont été utilisés comme combattants et ont accompli diverses tâches comprenant la lutte contre l’ennemi, le transport de munitions et d’amulettes de protection durant les combats, le vol de

nourriture dans les fermes et les villages au profit du groupe, la garde des bases militaires et de leurs chefs d’unité, l’espionnage de l’ennemi et la transmission de messages. Les 291 autres (30 %) ont été utilisés comme main-d’œuvre pour la culture de la terre, la cuisine, le transport de l’eau, la lessive et le nettoyage.

322 ont  précisé qu’ils se trouvaient avec les FDLR. Sur ce nombre, 145 ont mentionné les FDLR / Forces combattantes Abacunguzi; 11, le  groupe dissident des FDLR dénommé Ralliement pour l’unité et la démocratie (RUD); et  6, le groupe Soki; 170 ont indiqué «FDLR» sans préciser la faction. 306 provenaient de deux factions de Nyatura, à savoir la Force de défense pour les droits humains (FDDH) et Nyatura-Intégré.

 

b. Violences sexuelles

 

La violence sexuelle, dont le mariage forcé, reste un problème dans l’est de la RDCongo. Ainsi, durant les six premiers mois de 2014, le Fonds des Nations Unies pour la population a recensé

2.774 cas de violence sexuelle au Nord -Kivu, dans lesquels des civils étaient impliqués dans  environ 70 % d’entre eux, des soldats et des policiers congolais dans 15 %, et des membres de groupes armés dans 15 % également.

 

 

5. L’EXPLOITATION ILLÉGALE DES RESSOURCES NATURELLES

 

a. Étain, tantale et tungstène

 

Le Groupe a mené deux études sur l’étain, le tantale et le tungstène à Rubaya (Nord -Kivu) et à Shabunda (Sud- Kivu). Il a confirmé que le minerai de Rubaya continue d’être objet de contrebande, avec la complicité d’officiers de l’armée congolaise et que les trafiquants l’acheminent au Rwanda. À Shabunda, le Groupe a constaté qu’une faction des Raïa Mutomboki contrôlait une zone comportant des mines de cassitérite et faisait commerce de la cassitérite.

Le Groupe d’experts a recueilli des preuves montrant que des étiquettes normalisées selon l’initiative relative à la chaîne logistique font l’objet d’un trafic, obtenant deux de ces étiquettes à

Bukavu (RDCongo) et deux à Gisenyi (Rwanda). La circulation d’étiquettes censées garantir la traçabilité du minerai montre qu’il existe, dans le système, des défaillances permettant la contrebande et auxquelles il faut remédier. Du minerai provenant de sites non homologués, comme ceux de la région de Shabunda qui est contrôlée par des Raïa Mutomboki, pourrait entrer dans

la chaîne mondiale d’approvisionnement avec des étiquettes  normalisées.

 

Rubaya

Sept sites d’extraction sont homologués «verts» dans la région de Rubaya (Nord -Kivu). La Société  Minière de Bisunzu (SMB) en détient les titres de propriété, mais elle ne contrôle effectivement que la mine D2 de Bibatama. La Coopérative des exploitants artisanaux miniers du Masisi (Cooperamma) contrôle les six autres sites. La Cooperamma et la SMB ont signé un accord stipulant que la Cooperamma était tenue de vendre la totalité de sa production à la SMB.

Le 28 octobre, le Groupe s’est rendu à Rubaya où il a enquêté sur le système de conditionnement et d’étiquetage utilisé sur les sites contrôlés par la Cooperamma. Selon la procédure prévue par l’initiative relative à la chaîne logistique, les responsables d’exploitation doivent apposer eux – mêmes successivement deux étiquettes sur chaque sac de minerai à Rubaya, l’une indiquant la mine d’origine et l’autre le négociant. Au cours de sa visite, le Groupe a constaté que les étiquettes de négociant étaient apposées ailleurs, au  bureau de la Cooperamma à Goma (à 55 km de Rubaya), car les négociants ne veulent pas apporter des espèces à la mine, pour des raisons de sécurité.

Le Groupe a visité trois stations de lavage où le minerai est lavé une dernière fois, avant d’être séché, conditionné et étiqueté. Ces stations de lavage ne se trouvent pas sur le site d’extraction, mais dans la ville de Rubaya. Le minerai est parfois traité et séché dans des résidences privées à Rubaya, parce qu’il n’y a pas assez de place dans les stations de lavage pour le sécher.

En général, il n’y a pas d’agents des services miniers sur les sites où le minerai est lavé et séché. Ces agents ne s’y rendent que lorsqu’ils y sont convoqués par les négociants pour apposer les étiquettes des mines sur les sacs.

De l’avis du Groupe, il s’agit là de failles qui risquent de  faciliter la contrebande de minerai.

Les autorités minières provinciales ont déclaré au Groupe qu’entre février et août 2014, elles avaient saisi neuf cargaisons de minerai acheminées en contrebande depuis Masisi. Toutefois, trois  fonctionnaires du poste de contrôle de Mubambiro et un agent de police en poste à Sake ont fait part au Groupe de leur découragement, parce que souvent le minerai en provenance du territoire de Masisi qui est saisi est immédiatement remis en circulation après intervention d’une autorité supérieure de l’État.

Le bureau de Rubaya de la division minière provinciale a communiqué au Groupe des données indiquant une baisse de la production officielle depuis mai. La production totale des mines de Rubaya atteignait 135 tonnes de coltan en mai, mais la baisse qui a commencé en juin (79 tonnes) a

continué en septembre (70 tonnes) et en octobre (57 tonnes). Trois négociants et un mineur de Rubaya ont expliqué au Groupe que la production officielle avait baissé en partie parce que la saison des pluies avait commencé, mais les trois négociants ont ajouté que cette baisse révélait aussi que du minerai passait en contrebande.

Le Groupe s’est penché sur les causes de la contrebande avec trois négociants qui opèrent à Rubaya et un employé de la Cooperamma. Ces sources ont déclaré que la SMB vendait le minerai à un prix d’environ 20 % inférieur à ce qu’en offraient les acheteurs au Rwanda. Les mêmes sources ont également déclaré que la SMB ayant parfois tardé à payer en 2014, certains négociants avaient  vendu le minerai illégalement.

 

Rwanda

Du minerai provenant de Rubaya passe en contrebande au Rwanda, cette contrebande  étant facilitée par la possibilité d’obtenir, au marché noir, des étiquettes rwandaises et documents

connexes qui peuvent être achetés et utilisés pour introduire du minerai de contrebande ou volé dans la chaîne mondiale d’approvisionnement.

Le Groupe a recensé différents prix de vente des étiquettes, selon le poids total des sacs à faire passer en contrebande, un sac pesant généralement de 60 à 70 kilogrammes. Le tarif pratiqué est de 300 francs rwandais (équivalant à 0,44 dollars) par kilogramme de coltan pour les grandes quantités (par exemple 500 kg) et de 400 francs rwandais (équivalant à 0,58 dollars) par kilogramme de coltan pour les petites quantités (par exemple 100 à 200 kg).

Le principal minerai de contrebande passant par Goma est le coltan blanc, qui n’est produit qu’en RDCongo. Une fois au Rwanda, le coltan blanc est assombri ou mélangé à du coltan noir produit au Rwanda, avant d’être introduit dans la chaîne d’approvisionnement, avec l’implication de certaines

sociétés rwandaises, dont CIMIEX et Union Mines.

 

Shabunda

Les groupes armés et le commerce illégal de minerai coexistent dans le territoire de Shabunda au Sud – Kivu. Le Groupe d’experts a confirmé que la faction Raïa Mutomboki commandée par   le  « général » Juriste Kikuni prélevait des taxes sur l’activité économique, notamment le commerce de la cassitérite. De plus, aucune des mines du territoire de Shabunda n’étant homologuée, toute la production et le commerce de minerai y sont techniquement illégaux. Or, du minerai produit dans la localité de Mapimo du territoire de Shabunda est  pourtant  régulièrement acheminé par avion  jusqu’à Bukavu depuis l’aéroport de la ville de Shabunda et du  minerai produit dans la localité de Lulingu de ce territoire est  acheminé par avion vers la même destination depuis l’aéroport de Tchonka.

Le Groupe a examiné  les manifestes des vols au départ des aéroports de Lulingu et Shabunda et a constaté que, en 2014, sept compagnies d’aviation ont transporté de la cassitérite jusqu’à Bukavu à bord de 10 avions. Il note que, à l’exception de Goma Express et Business Aviation, deux  compagnies inscrites sur la liste noire du Gouvernement de la RDCongo, les autres compagnies agissent en toute légalité, munies des documents et autorisations exigés pour le transport de la cassitérite. Or,  le transport de minerai dont la production et le commerce sont illégaux est contraire à l’esprit de l’action internationale pour le respect du principe de précaution.

L’examen des manifestes des vols au départ de la ville de Shabunda du 1er janvier au  23 octobre 2014 a permis au Groupe de constater que 35.347 kilogrammes de cassitérite avaient été expédiés à Bukavu.

 

Lulingu

La localité de Lulingu du territoire de Shabunda comporte de nombreuses mines de cassitérite, dont la production est acheminée par avion depuis l’aéroport de Tchonka, situé à proximité de la ville de Lulingu. Cette zone est contrôlée par la faction Kikuni des Raïa Mutomboki, qui prélève des taxes sur le commerce de marchandises, notamment de cassitérite. Même le bureau territorial du Ministère provincial des mines avait reversé à Kikuni 20 % de ses revenus.

En consultant les manifestes des vols au départ de l’aéroport de Tchonka du 1er janvier au 23 octobre 2014, le Groupe a pu constater qu’au total 177.323  kilogrammes de cassitérite avaient été acheminés jusqu’à Bukavu et que  les autorités minières de Lulingu avaient autorisé ces expéditions. Kikuni exigeait 350 francs (soit 0,39 dollars) par sac de minerai au départ de l’aéroport de Tchonka.

Le Groupe a  enquêté sur le  stockage  à Bukavu du minerai acheminé par avion depuis Shabunda et Lulingu. Les négociants et les autorités minières ont déclaré au Groupe que le minerai était stocké dans des entrepôts et n’était pas exporté, mais ils n’ont pas été  en mesure de localiser aucun de ces entrepôts.

À Bukavu, le Groupe a obtenu deux étiquettes de  la RDCongo ainsi que les documents autorisant l’exportation légale de minerai dans le cadre du système relevant de l’initiative relative à la chaîne logistique de l’étain. La disponibilité de ces étiquettes à Bukavu signifie qu’une fois que le minerai provenant de Shabunda et de Lulingu est arrivé  à Bukavu, il peut être étiqueté et certifié comme provenant  d’une mine homologuée « non associée à un conflit » et vendu légalement sur le marché international.

 

b. Or

 

Le Groupe a pu confirmer que,  faute de précautions et du fait du manque de traçabilité de l’or aux  Émirats arabes unis, en Ouganda et en RDCongo, l’or produit dans des zones de conflit et dans des sites miniers clandestins peut être introduit dans la filière mondiale de commercialisation sans aucune difficulté. Le Groupe a également constaté que de l’or en provenance de la RDCongo était introduit en contrebande en Ouganda, et qu’il était acheté par des hommes d’affaires de Kampala, dont des membres du Conseil d’administration des sociétés Uganda Commercial Impex (UCI) et Machanga Limited, qui sont sur la liste des entités visées par les sanctions.

 

RDCongo

Selon des statistiques que le Gouvernement de la RDCongo a fournies au Groupe, entre le 1er janvier et le 30 juin 2014, cinq sociétés ont exporté 151 kilogrammes d’or provenant de mines artisanales ou de petites mines situées en RDCongo. Le Groupe d’experts est porté à croire que ce chiffre est bien en deçà de la réalité.

Dans le territoire de Shabunda, la production d’or a augmenté depuis janvier, notamment grâce à l’emploi de dragues (une quarantaine) sur l’Ulindi. Une drague peut extraire 60 grammes d’or environ par jour. Cependant, il arrive que les dragues n’extraient rien pendant plusieurs jours d’affilée.

Les propriétaires de dragues ainsi que les commerçants paient un tribut, en espèces ou en or, aux factions des Raia Mutomboki commandées par Sisawa, Kimba et Alexandre. Des propriétaires de dragues ont déclaré qu’ils avaient dû payer 1.700 dollars pour pouvoir installer leurs dragues. L’or de Shabunda est vendu à Bukavu.

En juillet 2014, dans la zone aurifère de Misisi, dans le Sud-Kivu, le Groupe a observé une position de l’armée située entre la zone d’extraction et la zone de traitement, par laquelle les mineurs et les transporteurs doivent passer. Des mineurs ont déclaré au Groupe qu’ils devaient payer 500 francs (0,56 dollar) par jour pour traverser cette position. Les soldats présents à Misisi en juillet appartenaient au 1012e régiment commandé par le colonel Samy Matumo.

Des officiers de l’armée congolaise, dont le colonel Samy, possèdent des concasseurs à Misisi, qui servent à broyer les roches pour en extraire l’or.

 

Ouganda

L’or produit dans l’est de la RDCongo était transporté en contrebande vers Kampala (Ouganda) et vendu à des administrateurs des sociétés UCI et Machanga Limited, visées par des sanctions, ainsi qu’à d’autres acheteurs. Le Groupe a identifié cinq gros négociants de Kampala qui achetaient de l’or exporté clandestinement de la RDCongo.

Les administrateurs d’UCI sont Jamnadas V. Lodhia, Kunal J. Lodhia et Jitendra J.  Lodhia.

Les Lodhia ont des relations d’affaires avec Shiva Reddy et achètent de l’or en donnant l’adresse suivante: Plot 22, Kanjokya Street, Kampala. Il s’agit de l’adresse d’UCI et d’Aurum Roses, une

autre société contrôlée par les Lodhia.

En septembre 2014, le Groupe a vu une Nissan Pathfinder, (gris métallisé) immatriculée en RDCongo, arriver à l’adresse susmentionnée. Ce véhicule était immatriculé au nom de Baseke Bahemuka, alias Gad Bahemuka, un négociant en or, propriétaire d’une station -service à Bunia, dans le district d’Ituri.

En 2014, d’anciens administrateurs de Machanga Limited, dont Rajendra «Raju» Vaya, avaient acheté de l’or illégalement exporté de la RDCongo et importé en Ouganda. Raju achète de l’or en utilisant l’adresse suivante: Plot 55A, Upper Kololo Terrace, Kampala.

Un autre négociants en or de Kampala est Sameer (Sammy) Bhimji. Il achète de l’or illégalement

exporté de la RDCongo en donnant l’adresse suivante: Plot 3, Clement Hill Road, Kampala. Il s’agit de l’adresse de la société Midas All – Minerals. M.  Bhimji est le Directeur général de Midas All-Minerals; les autres administrateurs sont Lata Bhimji (ressortissant du Royaume-Uni) et Mme

Hajati Anuna Omari (ressortissante de l’Ouganda). Officiellement, ni Midas All- Minerals, ni M.  Bhimji n’ont réalisé d’exportations entre janvier et octobre 2014. M. Bhimji travaille également avec Ali Adnan.

En 2014, la société Silver Minerals a fait le commerce d’or illégalement exporté de la RDCongo et illégalement importé en Ouganda. Silver Minerals achète de l’or en donnant l’adresse suivante: Plot 190B Tufn el Drive, Kamwokya, Kampala. Entre janvier et octobre 2014, Silver Minerals a officiellement exporté 0,5 kilogramme d’or vers les Émirats arabes unis.

 

Émirats Arabes Unis

Les Émirats arabes unis  sont depuis longtemps l’un des pays de destination de l’or de contrebande qui provient de la RDCongo et qui transite par les pays voisins.

En septembre 2014, le Groupe a pu constater que des bijoutiers du souk de l’or du quartier de Deira, à Doubaï, étaient prêts à acheter de l’or provenant de la RDCongo sans poser de questions sur son origine, ni demander la preuve du paiement des droits d’exportation.

Lorsque le Groupe a visité le souk de l’or à Doubaï, quatre bijoutiers ont dit qu’ils achetaient de l’or provenant de l’est de la RDCongo sans aucune difficulté. Ils ont expliqué que l’opération ne prenait qu’une journée. Le client remet l’or (en poudre ou en pépites) à un laboratoire du souk où sa pureté

est vérifiée. Ensuite, un atelier du souk fait fondre l’échantillon pour obtenir un lingot que le client vend au bijoutier. Les bijoutiers paient en liquide et offrent 5 dollars de moins le gramme que le cours international du jour.

Tous les bijoutiers interrogés ont confirmé au Groupe qu’ils n’avaient besoin que d’une carte d’identité et d’un document délivré par la douane de l’aéroport de Doubaï qui, selon eux, n’est pas difficile à obtenir. Un représentant d’une raffinerie de Doubaï a déclaré au Groupe que les douaniers émiriens ne posaient pas de questions sur l’origine de l’or, ni sur l’endroit où il serait vendu.

 

 

6. LES RECOMMANDATIONS

 

Au Gouvernement de la RDCongo:

  1. a) Modifier le code d’exploitation minière, afin d’interdire aux officiers et aux soldats de l’armée congolaise de posséder, en tout ou en partie, des concasseurs de roche et des dragues;
  2. b) Poursuivre, après enquête, les officiers et les soldats de l’armée congolaise qui violent le code d’exploitation minière et le code militaire, en se livrant au trafic de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or, et en produisant et en vendant illégalement du bois et du charbon de bois;
  3. c) Interdire aux organismes publics du territoire de Shabunda de payer des tributs au groupe armé Raia Mutomboki.
  4. d) Poursuivre, après enquête, les personnes et les entités étant responsables du recrutement, de l’entraînement et de l’utilisation d’enfants soldats.

 

Au Gouvernement rwandais:

Ouvrir une enquête et poursuivre, s’il y a lieu, Kamico et les autres entités impliquées dans la vente illégale de certificats d’origine et de documents administratifs pour la commercialisation de l’étain, du tantale et du tungstène, ainsi que dans le blanchiment, au Rwanda, de produits miniers en provenance de la RDCongo.

 

À la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs:

Établir un dispositif permettant la traçabilité de l’or extrait dans la région, et comprenant des directives concernant l’emploi des dragues.

 

Aux Gouvernements de l’Ouganda, de la RDCongo, du Royaume-Uni et du Rwanda:

Ouvrir des enquêtes sur les individus identifiés comme étant impliqués dans les réseaux de financement, de soutien matériel et de recrutement des ADF, et prendre les mesures voulues pour les amener à cesser de soutenir cette entité visée par les sanctions.

 

Aux Gouvernements des Émirats arabes unis, de l’Ouganda et de la RDCongo:

Échanger des informations, afin de garantir que le commerce de l’or s’exerce conformément aux normes internationales de transparence et de respect du principe de précaution, en imposant

l’obligation de produire, pour chaque transaction, toutes les pièces justificatives nécessaires, dont un certificat d’origine.

 

Au Conseil de Sécurité:

Encourager la Communauté de Développement de l’Afrique Australe, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs et le Gouvernement de la RDCongo à se conformer strictement aux mesures imposées par l’accord du 2 juillet 2014, qui prévoyaient le désarmement complet, la

reddition et le déplacement des FDLR le 2 janvier 2015 au plus tard.

 

A la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs et à la Communauté

de Développement de l’Afrique Australe:

Prendre des mesures pour que soient rapatriés rapidement les anciens combattants et cadres politiques du M23 et que soit réglé le sort de ceux qui n’ont pas été amnistiés par le Gouvernement de la RDCongo.

 

À l’Envoyé spécial du Secrétaire Général pour la Région des Grands Lacs:

Établir, en collaboration avec les parties intéressées, une procédure clairement définie, assortie d’un échéancier, pour régler le sort des Rwandais réfugiés en RDCongo, indépendamment du processus de règlement du sort des FDLR.

[1] Texte intégral: http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/2015/19

Congo Actualité n. 248

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LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES – ARMÉE NATIONALE POUR LA LIBÉRATION DE L’OUGANDA (ADF/NALU)

1ère Partie – Un aperçu historique du groupe

 

 

 

SOURCES:

– International Crisis Group [ICG] – L’Est du Congo: la rébellion perdue des ADF-Nalu – Briefing Afrique N°93 – Nairobi/Bruxelles, 19 décembre 2012.[1]

– Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo [MONUSCO] – Rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme sur les violations du droit international humanitaire commises par des combattants des Forces alliées

démocratiques (ADF) dans le territoire de Beni, province du Nord-Kivu, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2014, Mai 2015.[2]

SOMMAIRE:

a) INTRODUCTION: UN GROUPE ARME PRESQUE COMME LES AUTRES [ICG]

b) GENESE D’UNE REBELLION ENTRE DEFAITE INTERIEURE ET SOUTIEN EXTERIEUR

  1. Le mouvement indépendantiste Rwenzururu [ICG]
  2. L’armée Nationale pour la Libération de l’Ouganda (Nalu) [ICG]
  3. Le mouvement religieux musulman Tabligh en Ouganda [ICG]
  4. Les Forces Démocratiques Alliées – Armée Nationale pour la Libération de l’Ouganda (ADF/Nalu) [ICG]

c) UNE REBELLION DEFAITE MAIS INVAINCUE

  1. Les ADF-Nalu contre l’Ouganda: histoire d’un échec répété [ICG]
  2. Des ADF-Nalu aux ADF: de la lutte contre l’Ouganda à la lutte contre la RDC [ICG]
  3. L’opération Sukola I et les massacres de 2014 dans le Territoire de Béni [MONUSCO]

d) UNE MENACE RENTABLE DONC DURABLE

  1. L’ancrage socioéconomique des ADF [ICG]
  2. Les FARDC: entre business et opérations militaires [ICG]

e) RECOMMANDATIONS

A. INTRODUCTION: UN GROUPE ARMÉ PRESQUE COMME LES AUTRES [ICG]

Dès sa création en 1995, l’ADF-Nalu est le produit des luttes internes ougandaises et de la géopolitique régionale. Il regroupe alors deux mouvements armés opposés au régime de Yoweri Museveni. Repoussés par l’armée ougandaise, ces mouvements trouvent refuge chez le bienveillant voisin congolais où ils fusionnent et forment une rébellion hybride qui nait en RDC et s’y implante, faute d’avoir pu s’établir en Ouganda. Contenues par l’armée ougandaise mais installées dans une région frontalière montagneuse et difficile d’accès, les ADF-Nalu trouvent dans cette zone grise qu’est l’Est congolais un terrain propice à leur survie. Dans un contexte d’effondrement de l’Etat central, ce mouvement se fond alors dans la myriade de groupes armés qui forment la géopolitique rebelle, convulsive et violente de cette région et dans laquelle il évolue toujours aujourd’hui.

B. GENESE D’UNE REBELLION ENTRE DEFAITE INTERIEURE ET SOUTIEN EXTERIEUR

En septembre 1995, à Beni dans la province congolaise du Nord Kivu, Yusuf Kabanda, un des dirigeants de l’opposition musulmane ougandaise armée, et Ali Ngaimoko, commandant de l’Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (Nalu), scellent une alliance dénommée les Forces Démocratiques Alliées – Armée Nationale pour la Libération de l’Ouganda (ADF-Nalu). Conclue hors de l’Ouganda avec l’aide des services secrets soudanais et congolais, cette alliance regroupe deux mouvements défaits par l’armée régulière dénommée Force Populaire de Défense de l’Ouganda (UPDF). Sans liens idéologiques ni opérationnels préalables, ces deux mouvements ont en commun d’être opposés au régime ougandais, de se trouver au même moment sur le sol congolais et d’être proches, chacun de leur côté, d’ennemis de Kampala: les régimes soudanais d’al-Tourabi et congolais de Mobutu.

1. Le mouvement indépendantiste Rwenzururu [ICG]

Les racines historiques des ADF-Nalu renvoient au premier mouvement indépendantiste Rwenzururu dont le creuset ethnique est la communauté Bakonzo, une tribu minoritaire de l’Ouest de l’Ouganda.

Avec leurs cousins Nande qui sont de l’autre côté de la frontière en RDC, les Bakonzo forment l’ethnie Bayira. Bakonzo et Nande constituent un groupe ethnique transfrontalier qui entretient des relations très étroites (reconnaissance de la même autorité traditionnelle, rassemblement annuel des notables des deux groupes, etc.) et qui a su tirer profit de sa position transfrontalière en tissant un large réseau commercial. Les Bakonzo sont opposés au gouvernement central de Kampala dès la période coloniale. En 1950, suite au rejet par l’administration britannique de la création d’un district des Bakonzo, le mouvement armé Rwenzururu apparait. Opposés au pouvoir issu de la décolonisation, les Bakonzo créent le royaume de Rwenzururu le 30 juin 1962.

Celui-ci s’autoproclame indépendant le 15 août 1962 et Isaya Mukiriana en devient le roi. Ce premier mouvement insurrectionnel, auquel doit faire face le gouvernement ougandais, tout juste indépendant est violemment réprimé par l’armée. En 1964, Kampala a repris le contrôle de cette partie du pays tandis que les combattants du Rwenzururu se réfugient dans les monts Rwenzori, à la frontière congolo-ougandaise, dans une zone montagneuse difficile d’accès où le mouvement installe son royaume indépendant. En septembre 1967, l’armée détruit le camp où siégeait le roi du Rwenzururu et disperse la population. Le mouvement Rwenzururu se mue en guérilla de basse intensité de 1967 à 1982, avec pour objectif la reconnaissance par le pouvoir central de Kampala du royaume de Rwenzururu. Sa lutte s’achève officiellement le 15 août 1982, date à laquelle Charles Wesley Irema- Ngoma Willingly, l’Omusinga[3] des Bakonzo, rejoint le gouvernement de Milton Obote, qui octroie l’autonomie au royaume de Rwenzururu à défaut d’indépendance.[4]

2. L’armée Nationale pour la Libération de l’Ouganda (Nalu) [ICG]

Le précédent historique du mouvement armé Rwenzururu, un des sécessionnismes de l’indépendance ougandaise, a facilité l’implantation et le développement de la Nalu.

À peine quatre ans plus tard, en 1986, un autre groupe armé opposé à Kampala, la Nalu, s’installe dans l’ancienne zone d’activité du Rwenzururu et noue des contacts avec ses dirigeants et ses ex-combattants.

Après la chute du régime de Milton Obote en 1986 au profit de Yoweri Museveni, le responsable des services de renseignements du régime déchu, Amon Bazira,[5] crée la Nalu. Cette organisation est un rassemblement de fidèles de Milton Obote, mais aussi d’Idi Amin Dada.

En quête de soutiens et fort de ses précédents contacts avec le Rwenzururu, Bazira fait appel à Charles Wesley Irema-Ngoma Willingly, mais le soutien de celui-ci à la Nalu est de courte durée, puisqu’il se rallie à Museveni dès 1988. A sa création, la Nalu est soutenue financièrement et militairement par les pouvoirs congolais et kenyan qui se méfient de Museveni. A partir de 1988, elle est chassée d’Ouganda par l’armée et s’établit dans les territoires congolais de Beni et du Lubero. En plus d’anciens éléments du Rwenzururu, elle récupère des combattants congolais, comme les Maï-Maï Kasindiens[6] installés autour de la ville frontalière de Kasindi entre l’Ouganda et la RDC, au pied des monts Rwenzori. La Nalu intègre aussi dans ses rangs des anciens combattants de la rébellion Simba de 1964 créée par Gaston Soumialot, ce qui en fait un mouvement congolo-ougandais. En 1990, la Nalu entame sa première campagne d’envergure et commet 43 attentats à la grenade à Kampala et Jinga. En août 1993, Amon Bazira est assassiné à Nakuru, au Kenya. La disparition de son fondateur marque la fin de la période d’activité de la Nalu.

3. Le mouvement musulman Tabligh en Ouganda [ICG]

Après la chute d’Amin Dada en 1979, les musulmans ougandais sont opprimés par les régimes de Milton Obote puis de Yoweri Museveni. Dans les années 1980, le mouvement religieux musulman Tabligh[7] utilise cette oppression et l’appui financier du gouvernement soudanais pour recruter au sein de la jeunesse ougandaise et devenir une structure importante dans la communauté musulmane locale. La lutte pour la domination de l’espace religieux qui s’ensuit se traduit par des violences.

Le 22 mars 1991, à Kampala, les membres du Tabligh affrontent ceux du Conseil supérieur des musulmans ougandais (UMSC), faisant cinq morts dont quatre policiers. A la suite de ces violences, les dirigeants du Tabligh, dont Jamil Mukulu qui est à la tête des jeunesses du mouvement, sont emprisonnés de 1991 à 1993. Après leur libération, les membres du groupe, dirigé par Sheikh Sulaiman Kakeeto, s’installent à Hoima, dans l’Ouest de l’Ouganda.

C’est là qu’ils créent, en 1994, le Mouvement des combattants ougandais pour la liberté (UFFM), qui reçoit immédiatement une aide du régime de Khartoum. L’UFMM est aussi connu sous le nom de l’Armée musulmane de libération de l’Ouganda (MULA). Kampala réagit alors en détruisant leur camp d’entrainement en 1995. Suite à la destruction de leur base, les membres de l’UFFM se réfugient dans la ville congolaise de Bunia, proche de la frontière ougandaise, où ils continuent à recevoir un appui de la part du Soudan. Les chefs de la secte Tabligh en Ouganda, dont Sheikh Sulaiman Kakeeto et Jamil Mukulu, s’enfuient au Kenya et en Tanzanie.

4. Les Forces Démocratiques Alliées – Armée Nationale pour la Libération de l’Ouganda (ADF/Nalu) [ICG]

En septembre 1995, le commandant Ngaimoko, un dirigeant de la Nalu, et Yusuf Kabanda, un compagnon de Jamil Mukulu, forgent une alliance entre leurs deux mouvements qu’ils

nomment les Forces alliées démocratiques – Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (ADF-Nalu). Les combattants musulmans stationnés à Bunia sont amenés par avion à Beni, où ils sont installés avec la Nalu. Ils sont accueillis et encadrés par le colonel Ebamba et le major Mayala.

Durant cette période, les ADF-Nalu recrutent ouvertement avec le soutien du gouvernement congolais, de préférence dans la communauté musulmane de Beni. A cette époque, selon les services de renseignements ougandais, Jamil Mukulu s’installe à Khartoum.

Les ADF-Nalu sont rapidement relocalisées à Rugeti, dans le territoire de Beni, au Nord Kivu, où ils nouent des liens avec la population locale. Lorsque les troupes de l’Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila entrent dans le territoire de Beni, les ADF-Nalu, alliées au régime de Mobutu, se retirent dans les monts Rwenzori. C’est en 1996 que cette alliance contre le régime de Yoweri Museveni commence à faire parler d’elle à la frontière congolo-ougandaise. Le 13 novembre, les ADF-Nalu lancent leur première opération militaire en attaquant le poste frontière de Mpondwe et en prenant le contrôle de la ville de Mbwera. A partir du territoire congolais, ils s’infiltrent dans les districts ougandais de Kabarole, Bundibugiyo et Kasese, où leurs premiers objectifs sont des postes de police et des bâtiments administratifs.

C. UNE REBELLION DEFAITE MAIS INVAINCUE

Sans ancrage populaire, l’histoire des ADF-Nalu face au régime ougandais est celle d’un échec répété. Coincé en RDC, le mouvement se «congolise» et vivote entre commerce transfrontalier, prédation locale et démotivation. Il perd sa composante Nalu en 2007 et, après avoir été ignoré pendant plusieurs années, il redevient actif en 2010 à la faveur d’une offensive de l’armée congolaise. Sa lutte se déplace alors du terrain ougandais au terrain congolais.

1. Les ADF-Nalu contre l’Ouganda: histoire d’un échec répété [ICG]

En 1996, les effectifs des ADF-Nalu sont estimés entre 4.000 et 5.000 combattants. Leurs opérations sont concentrées dans les districts ougandais de Kasese et Bundibugo, le long de la frontière avec la RDCongo. A cette période, c’est Yusuf Kabanda qui dirige le mouvement depuis le Lubero, en RDC, Jamil Mukulu n’étant que son second. Chris Munyangongo Tushabe, dit commandant Benz, un sergent déserteur de l’armée ougandaise ayant reçu un entrainement au Soudan, dirige les opérations lancées contre l’Ouganda depuis la RDC.

En juin 1997, la première opération d’envergure des ADF-Nalu vise à s’emparer de la ville de Bundibuyo, mais ils sont repoussés par les forces ougandaises. En 1998, ils mènent des recrutements forcés dans des écoles ougandaises. En 1999, ils attaquent la prison de Katojo.

Accumulant les échecs militaires et incapables de prendre pied en Ouganda, ils s’attaquent alors aux populations civiles, afin de les contraindre à coopérer. Les ADF-Nalu multiplient les attaques sur les villages non protégés par l’armée et la police ougandaises. Ils s’illustrent par des exécutions sommaires, des mutilations, des enlèvements, l’installation de mines anti personnelles dans les champs et sur les axes routiers ruraux. Ils frappent également le centre du pouvoir: Kampala. Le 14 février 1999, les attentats à la bombe dans deux restaurants de la capitale ougandaise sont le point de départ de leur campagne de terreur urbaine. Entre avril et juin 1999, les ADF-Nalu organisent sept attentats à la grenade ou la bombe artisanale à Kampala. Les ADF-Nalu organisent des attentats les 10, 11 et 25 avril 1999 puis les 1er, 7, 8 et 30 mai 1999. Ces attentats font onze morts et 42 blessés. Entre 1998 et 2000, les attaques du groupe ont fait un millier de victimes, déplacé 150.000 personnes, dont 85 pour cent de la population du district de Bundibugo, et fait baisser les revenus fiscaux du district de Kasese de 75 pour cent.

Le gouvernement ougandais déploie tout d’abord des troupes dans les centres urbains le long de l’axe menant de Fort-Portal à Kasese. Cette première réponse est sans grand effet, les ADF-Nalu utilisant les monts Rwenzori comme sanctuaire et les forces ougandaises n’étant ni équipées ni

préparées pour un affrontement en moyenne et haute montagne.[8] Avec l’accord du président congolais de l’époque, Laurent-Désiré Kabila, l’Ouganda déploie des troupes au nord de la province du Nord Kivu dès fin 1997. En décembre 1997, l’armée ougandaise a déployé deux bataillons sur le territoire congolais en collaboration avec les forces congolaises. Ce déploiement est formalisé par un accord sur la sécurité des frontières signé le 27 avril 1998.

Le 9 novembre 1999, avec le concours d’anciens combattants Rwenzururu, l’armée ougandaise lance une large opération de ratissage des monts Rwenzori: l’opération Mountain Sweep. Durant cette opération, un grand nombre de combattants ADF-Nalu, mais surtout certains de leurs

commandants sont capturés ou tués.

Le 14 janvier 2000, le général Kazini annonce que l’objectif de l’armée de couper les ADF-Nalu de leur soutien logistique soudanais en RDC est atteint.

Coupés de leurs soutiens soudanais, les ADF-Nalu se réorganisent et se rapprochent de groupes armés opérant sur le territoire congolais: le Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RCD-Goma) au Nord Kivu et le Mouvement révolutionnaire congolais (MRC) en Ituri, tous deux alliés au Rwanda. Ils se financent en recourant au banditisme et déplacent une partie de leurs troupes vers l’Ituri. Ils prennent aussi contact avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle opposé au régime de Paul Kagame. En 2001, une tentative de négociation avec le gouvernement ougandais, qui s’est doté d’une loi d’amnistie pour les combattants des groupes armés en 2000, échoue. A partir de cette année, l’armée estime que les ADF-Nalu ne comptent plus qu’une centaine de combattants et ne représentent donc plus une menace significative.

2. Des ADF-Nalu aux ADF: de la lutte contre l’Ouganda à la lutte contre la RDC ]ICG]

Fin des opérations contre l’Ouganda: la Nalu dépose les armes

En décembre 2005, les Nations unies et les Forces armées de la RDC (FARDC) lancent l’opération North Night Final contre les bases des ADF-Nalu. Les principaux camps sont détruits et environ 90 combattants sont tués. Toutefois, ayant été prévenus, les dirigeants s’échappent et disparaissent dans les monts Rwenzori. C’est la première fois que Kinshasa se retourne contre le mouvement qu’il a contribué à créer dix ans auparavant.

Leurs activités redeviennent significatives en 2007 mais les opérations d’infiltration de l’Ouganda sont toutes contrées par l’armée. Le 15 mars 2007, l’armée ougandaise tue deux combattants des ADF-Nalu dans le district de Mubende. Le 23 mars, elle en tue deux autres dans le district de Bundibuyo. Le 27 mars, elle en tue 34 et fait prisonniers cinq commandants.

En mars 2007, les ADF-Nalu prennent langue avec la Monuc (la Mission de l’ONU en RDCongo) afin de négocier leur reddition. Si ces négociations échouent, les revers militaires de mars et avril et l’amnistie de sept prisonniers du groupe en novembre ont un impact fort sur les combattants. Deux cents d’entre eux se rendent le 4 décembre. Sept membres du groupe, qui se présentent comme les derniers chefs de la composante Nalu, abandonnent également le combat et bénéficient du programme de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réinsertion (DDRRR) de la Monuc.

A partir de cette date, Jamil Mukulu, qui était déjà chef militaire des ADF, devient alors le seul dirigeant du groupe. Les ADF-Nalu cessent alors d’exister en tant qu’alliance de deux mouvements. Le 17 mars 2008, le président ougandais reconnait l’existence du royaume de Rwenzururu, répondant ainsi à une des principales revendications des anciens combattants Rwenzururu de la composante Nalu.

A partir de juillet 2008, les ADF tentent de relancer des négociations avec le gouvernement ougandais, qui se dit prêt à entamer un dialogue. Les négociations démarrent finalement en août 2009, mais n’aboutissent pas.

Les ADF combattent en RDC: les opérations Rwenzori et Radi Strike

Le 25 avril 2010, l’attaque du camp militaire de Niyaleke, près de Beni, par une coalition ADF et Maï-Maï relance les opérations contre les ADF dans les territoires de Beni et Lubero.

Le 25 juin, les FARDC déclenchent l’opération Rwenzori. Présentée comme une action unilatérale,

elle est préparée par les FARDC en collaboration avec la Monusco. Cette offensive permet aux troupes congolaises de prendre plusieurs camps des ADF ainsi que de couper plusieurs de leurs lignes logistiques.

Le 31 juillet, à la veille de la visite du ministre de la Défense à Beni, les ADF distribuent des tracts dénonçant les exactions des FARDC contre les populations civiles et accusant aussi le président Joseph Kabila de ne pas respecter des accords qu’il aurait conclus avec les ADF où il les autoriserait à séjourner en RDC en échange de leur non-ingérence dans les affaires congolaises.

En dépit des annonces de victoire faites par le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, l’opération Rwenzori continue en 2011. En faits, les opérations anti-ADF s’enlisent: l’armée congolaise subit des revers et les ADF contre-attaquent. A la fin de l’année 2011, toujours invaincus, les ADF se rapprochent de divers groupes armés (les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda – FDLR, le Front Patriotique de Résistance de l’Ituri – FPRI et les Patriotes Résistants Congolais – Pareco) et cherchent à se renforcer. L’opération Rwenzori lancée par le gouvernement congolais en 2010 a permis à l’armée de prendre le contrôle de certains réseaux commerciaux entre la RDC et l’Ouganda, mais pas de venir à bout de ce groupe.

Au début 2012, le groupe lance une attaque infructueuse contre les positions de l’armée congolaise à Mukoko, près d’Oïcha, dans le territoire de Beni, et, le 20 mars, les FARDC et la Monusco annoncent le déclenchement de l’opération Radi Strike. Cette nouvelle action s’avère problématique

dès ses débuts[9] et trop courte pour avoir un impact. L’opération s’arrête le 11 avril 2012 lorsque Joseph Kabila annonce la suspension de toutes les opérations militaires au Nord Kivu à la suite de la rébellion du M23.

Néanmoins, l’opération Radi Strike a rendu la cohabitation des ADF avec la population plus difficile. C’est pour cela que les ADF sont devenus plus méfiants et violents à l’encontre des individus soupçonnés de collaborer avec les FARDC. Une enquête du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a montré qu’au premier semestre 2012, 40 personnes ont été enlevées par les seules ADF. Sur l’axe routier menant d’Erengeti à Nadui, les ADF n’autorisent les déplacements qu’entre 9 et 16 heures. Seules les personnes qu’ils connaissent et qui les approvisionnent sont autorisées à se déplacer en dehors de ces horaires et ils n’hésitent pas à assassiner tout contrevenant.

3. L’opération Sukola I et les massacres de 2014 dans le Territoire de Béni [MONUSCO]

Le 16 janvier 2014, les FARDC et la MONUSCO ont lancé l’opération militaire Sukola I, menée conjointement contre les ADF. Cette opération a permis de récupérer plusieurs positions tenues par le groupe, notamment plusieurs camps situés entre les localités de Mbau et Kamango et la frontière ougandaise. En avril 2014, le camp de Medina, considéré comme la principale base de Jamil Mukulu, situé en pleine jungle, au point kilométrique 40 entre Mbau et Kamango, a également été pris par les FARDC. Toutefois, des résidents de Beni ont déclaré avoir constaté un accroissement de la violence par les ADF à partir de septembre 2014, suite au changement intervenu dans le commandement FARDC des opérations contre les ADF. Les attaques contre les civils se sont intensifiées alors que s’ouvrait à Beni, le 1er octobre 2014, un procès contre des militaires des FARDC et des combattants des ADF accusés d’avoir tué, le 2 janvier 2014, le Colonel FARDC Mamadou Ndala qui était Commandant des opérations militaires au Grand Nord de la province du Nord-Kivu et chargé de l’opération Sukola 1.

A l’issue de ses enquêtes, le BCNUDH est en mesure de confirmer qu’entre le 1er octobre et le 31 décembre 2014, lors d’attaques sur 35 villages du territoire de Beni par des combattants des ADF, au moins 237 civils ont été victimes d’exécutions sommaires, 47 autres d’atteintes à leur intégrité corporelle, deux victimes de viol, au moins 20 civils ont été enlevés, et un nombre indéterminé de maisons ont été pillées et détruites.

Les attaques contre les populations civiles dans le territoire de Beni ont été menées de manière systématique, avec une grande brutalité. Selon les enquêtes du BCNUDH, les auteurs ont ciblé de manière indiscriminée hommes, femmes et enfants. Leur modus operandi leur a permis de tuer un maximum de personnes dans un temps très réduit. Les assaillants étaient divisés en différents groupes mobiles composés de six à plusieurs dizaines d’individus et ont eu recours à des méthodes qui rendent l’alerte lente. La majorité des attaques a en effet eu lieu au coucher du soleil, lorsque les populations rentraient des travaux champêtres. La plupart des victimes a été tuée par machettes, haches et marteaux, afin de faire peu de bruit. Les informations collectées par le BCNUDH ont révélé que les assaillants ont visé principalement la tête des victimes, ne leur laissant aucune chance de survie. Plusieurs victimes ont été décapitées, après avoir été ligotées. Les assaillants ont, dans certains cas, fait usage d’armes à feu à l’encontre de personnes qui tentaient de fuir, probablement dans le but de les tuer le plus rapidement possible et de les empêcher de donner l’alerte.

Plusieurs attaques ont été commises avec la participation de femmes et d’enfants – des garçons aussi bien que des filles – qui accompagnaient les assaillants. Selon les témoignages de rescapés, pendant que les hommes tuaient les civils, les femmes et les enfants pillaient les cases et emportaient la nourriture, le bétail et d’autres biens (tels que des vêtements et des ustensiles de cuisine) facilement transportables. Selon certains témoignages, dans quelques cas, des enfants auraient été contraints de trancher la gorge de victimes qui avaient été préalablement neutralisées par des combattants des ADF. Les assaillants ont incendié plusieurs villages après les attaques et certaines victimes ont ainsi été brûlées vives dans leur habitation.

A quatre reprises, les assaillants ont disséminé de nombreux tracts, en anglais et en swahili, dans les localités d’Oicha, Mayimoya, Beni et Eringeti, avertissant les populations de futures attaques. Dans l’un de ces tracts, il était écrit en swahili: «Vous les populations, nous allons vous tuer parce que vous nous avez beaucoup provoqué. De même pour les FARDC avec qui nous vivions à l’époque sans problème. (…) Ne soyez pas surpris de voir que nous tuons les enfants, les femmes, les vieillards (…). Au nom d’Allah, nous n’allons pas vous laisser». Cet élément démontre le caractère prémédité des attaques, présentées comme des représailles envers les populations civiles suite aux opérations militaires menées par les FARDC, ainsi qu’envers certains chefs de localités qui n’auraient plus obéi aux ADF.

Réaction des autorités congolaises

Entre octobre et décembre 2014, à Beni, dans le cadre d’opérations de ratissage et d’enquêtes lancées par les autorités pour faire la lumière sur les massacres commis dans le territoire de Beni entre le 1er octobre et le 31 décembre 2014, on a arrêté au moins 300 personnes, dont au moins 33 militaires des FARDC.

Parmi les civils, il y avait notamment des personnes accusées de collaboration avec les ADF, des commerçants locaux et des membres du parti politique d’opposition RCD/K-ML, considéré par le gouvernement congolais comme un allié des ADF.

Dès le 3 novembre 2014, les autorités du territoire de Beni ont instauré un couvre-feu entre 18h30 et 6 heures, sur l’ensemble du territoire de Beni, compte tenu du modus operandi des assaillants, attaquant plutôt à la tombée de la nuit. La mesure aurait contribué à limiter le risque pour la population d’être prise par surprise par les assaillants dans des lieux non sécurisés.

A Beni, compte tenu de la gravité des incidents, les FARDC ont intensifié les offensives conjointes avec la MONUSCO, notamment avec les manœuvres Mayangose, Umoja I, II et III, entre les mois de novembre 2014 et janvier 2015. Pendant la période couverte par ce rapport, ces opérations ont conduit au démantèlement de plusieurs camps des ADF, notamment ceux de Braida, Issa, Canada, Pilote et Musana. Lors de ces opérations, des combattants des ADF auraient été tués, des armes de guerre auraient été saisies et plusieurs documents portant indications de mouvements de combattants auraient été découverts.

Actions prises par la MONUSCO

Dès le début de la série d’exactions commises à grande échelle contre les populations civiles, la MONUSCO a renforcé sa présence dans le territoire de Beni, ainsi que son dispositif d’appui aux FARDC à travers des opérations conjointes.

Ainsi, le 29 octobre 2014, une compagnie malawite de la Brigade d’Intervention a été déployée en renfort à Beni. En outre, les patrouilles aériennes diurnes et nocturnes se sont multipliées. Entre octobre et décembre 2014, au moins 60 patrouilles de reconnaissance aérienne ont ainsi été effectuées, tandis que les hélicoptères d’attaques MI-24 et MI-27 ont effectué au moins 21 sorties pour soutenir les opérations au sol. En moyenne, 130 patrouilles nocturnes motorisées, militaires et policières, ont été effectuées entre octobre et décembre 2014. A partir du 8 décembre 2014, la Mission a fait intervenir ses drones afin d’obtenir plus d’information sur les positions des combattants des ADF. Toutes ces mesures ont contribué à une diminution notable des attaques après décembre 2014 dans le territoire de Beni.

Le milieu naturel difficile, ainsi que la grande mobilité des combattants ADF, ont posé des défis à la Force de la MONUSCO qui a mis en place un numéro vert, en collaboration avec les FARDC et les autorités locales, afin que les populations puissent les alerter en cas d’attaques.

L’arrêt de Jamil Mukulu

Jamil Mukulu a été arrêté le 20 avril 2015 par les services de sécurité tanzaniens à Kagezi, à la frontière entre le Kenya et la Tanzanie. Interpol avait émis à son encontre un mandat d’arrêt à la demande de Kampala. Il est accusé de crimes contre l’humanité et de meurtre de masse. Il a été extradé vers l’Ouganda le 10 juillet 2015, en vue de son procès à Kampala.

D. UNE MENACE RENTABLE DONC DURABLE

L’implantation des ADF en RDC s’est révélée durable non pas grâce à leur nombre ou leur supériorité militaire mais grâce à leur insertion socioéconomique dans le milieu local et l’ambiguïté des opérations militaires censées les déloger. En effet, à cause de l’enlisement des opérations militaires, les officiers ont pu s’impliquer davantage dans l’économie locale et ses trafics lucratifs.

1. L’ancrage socioéconomique des ADF [ICG]

Du fait de leur composition, de leur présence dans un territoire riche en ressources naturelles et à l’instar de leurs prédécesseurs, les ADF-Nalu se sont insérées dans l’économie transfrontalière depuis leur création. Le mouvement Rwenzururu et la Nalu avaient développé des relations commerciales, notamment avec Enoch Nyamwisi.

Lorsque les ADF-Nalu se sont formées, ces relations ont continué. Durant l’opération Mountain Sweep, certains officiers ougandais ont eux aussi été soupçonnés de faire du commerce avec le groupe, via leurs alliés congolais, en particulier des éléments du RCD-KML.[10]

Actuellement, les ADF disposent d’un large réseau de financement dans la région de Beni et Butembo en RDC grâce aux liens qu’ils ont tissés avec les populations locales et au commerce transfrontalier du bois et des minerais.

Des documents trouvés lors de la perquisition au domicile de Jamil Mukulu à Nairobi, en août 2011, ont démontré que les ADF seraient impliquées dans le commerce du bois et de l’or. Dans la zone sous leur contrôle, les ADF imposent une taxe de 300 dollars par tronçonneuse pour la coupe du bois ainsi que des amendes allant jusqu’à 500 dollars pour ceux qui ne s’acquittent pas de cette taxe. D’après les informations recueillies par Crisis Group, parmi ceux qui sont impliqués dans le commerce illégal du bois dans cette zone et qui paient cette taxe aux ADF, il y a aussi des officiers de l’armée congolaise.

Grâce à leurs revenus, les ADF se fournissent en produits manufacturés en passant par des intermédiaires qui font les achats à leur place. Toutefois, les acheteurs ne sont pas toujours volontaires: les ADF utilisent aussi parfois les menaces d’enlèvement ou de représailles sur les familles pour contraindre certains à jouer ce rôle.

Dans l’Est de la RDC, ce système d’échanges permet à tous les groupes armés de s’approvisionner et de réinvestir et à certains acteurs économiques locaux de tirer profit de leur présence.

2. Les FARDC: entre business et opérations militaires [ICG]

Selon un schéma reproduit dans tout l’Est de la RDC, l’armée congolaise a fait des opérations militaires contre les ADF une occasion de prédation. Des complicités commerciales entre officiers congolais et ADF, y compris avec les autorités locales ougandaises, sont régulièrement évoquées.

En 2010, l’opération Rwenzori aurait été l’occasion pour les officiers supérieurs de l’état-major des FARDC à Butembo d’intimider les commerçants nande de la ville et de prendre le contrôle du commerce du bois de coupe. Le bois d’œuvre exporté depuis la RDC vers l’Ouganda est ensuite exporté vers des pays tiers sous le label produit en Ouganda. Ceci permet de ne pas payer de taxes d’exportation. La société civile accuse aussi les FARDC de rançonner les populations lors des opérations anti-ADF et les soupçonne d’être à la base des attaques contre les véhicules des commerçants transportant de fortes sommes d’argent.

E. RECOMMANDATIONS

Au regard de ce qui précède, le BCNUDH recommande instamment:

Aux autorités congolaises:

– De prendre des mesures urgentes afin de mettre fin aux attaques de civils dans le territoire de Beni et de protéger pleinement et efficacement les populations;

– De mener des enquêtes promptes, indépendantes, crédibles et impartiales sur les violations des droits de l’homme et les violations du droit international humanitaire commises dans le territoire de Beni et, dans l’hypothèse où les éléments constitutifs de crimes sont réunis, de traduire en justice tous les auteurs présumés de ces violations, y compris les militaires des FARDC qui seraient impliqués à quelque niveau que ce soit et indépendamment de leur rang;

– De prendre des mesures visant à faire cesser toute exploitation illégale des ressources naturelles dans le territoire de Beni qui alimente les conflits armés dans la région.

A la communauté internationale:

– D’apporter l’appui nécessaire aux autorités congolaises en vue de poursuivre les responsables présumés de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire;

– D’encourager les pays signataires de l’Accord cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région des Grands Lacs à mettre en vigueur leurs engagements, notamment ceux relatifs au retour dans leur pays d’origine des ex-combattants ayant déposé les armes et reconnus non responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Selon International Crisis Group, la lutte contre les ADF ne doit plus être envisagée seulement comme une campagne militaire mais aussi comme une opération de renseignement.

Les officiers du mécanisme de vérification conjointe de la frontière qui sont déployés à Goma par la CIRGL devraient porter une attention particulière aux réseaux économiques et logistiques transfrontaliers des ADF et travailler avec le groupe des experts des Nations unies pour produire une étude précise de ces réseaux. C’est sur la base de celle-ci qu’une stratégie de lutte contre ce groupe doit être définie.

Ce travail de renseignement conjoint devrait permettre d’identifier les individus engagés dans les réseaux de soutien des ADF, aussi bien en RDC qu’à l’extérieur, et de les inscrire sur la liste des personnes qui appuient des groupes armés. A ce titre, ils devraient faire l’objet de sanctions onusiennes. En effet, le gel des avoirs et l’interdiction de voyager entraveront leur capacité d’effectuer des transferts d’argent, de collecter des fonds à l’étranger et de mobiliser des membres de la diaspora en Afrique et dans l’hémisphère nord. Par ailleurs, ce travail devrait aussi permettre d’identifier les militaires congolais et ougandais complices de ses réseaux et leur identité devrait être communiquée aux autorités de ces deux pays pour des sanctions appropriées. Tant que ce travail de renseignement n’est pas effectué, aucune opération militaire ne devrait être déclenchée.

Entre-temps, Kampala et Kinshasa devraient procéder à des rotations régulières des officiers déployés dans cette région.

Dans l’attente de la définition d’une stratégie précise de lutte contre les ADF, les combattants qui veulent se rendre devraient pouvoir bénéficier d’un programme de DDRRR, ce qui permettrait d’offrir une perspective de démobilisation et de réinsertion pour les membres des ADF n’ayant pas commis de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

[1] Cf http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/dr-congo/b093-lest-du-congo-la-rebellion-perdue-des-adf-nalu.pdf

[2] Cf http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/ReportMonusco_OHCHR_May2015_FR.pdf

[3] L’Omusinga est le titre du roi des Bakonzo d’Ouganda et des Nande de la RDC.

[4] Le 15 août 1982, Charles Wesley Irema-Ngoma Willingly rejoint le gouvernement de Milton Obote comme chef des anciens du district de Kasese. L’administration ougandaise dans le royaume autonome de Rwenzururu devient alors le monopole des Bakonzo. Le royaume est finalement reconnu par le gouvernement ougandais en 2008. Le 19 octobre 2009, Charles Wesley Mumbere, fils de Charles Wesley Irema-Ngoma Willingly, est officiellement couronné Omusinga du royaume de Rwenzururu.

[5] Né en 1944, Amon Bazira fait partie de l’opposition à Amin Dada. A la chute de ce dernier en 1979, il est nommé directeur adjoint des services de renseignements ougandais dans le régime Obote 2. De 1980 à 1982, il mène les négociations avec le mouvement sécessionniste Rwenzururu. En 1986, à la chute d’Obote, il crée l’Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (Nalu).

[6] Les Maï-Maï Kasindiens apparaissent au cours des années 1980 dans les contreforts des monts Rwenzori. Ils sont avant tout une milice qui entretient l’insécurité le long de la frontière afin de dissimuler les activités illégales de commerçants nande et ougandais (commerce du café, ivoire, drogue et armes).

[7] La secte Tabligh est un mouvement musulman apparu en 1920 dans le sous-continent indien qui prône une interprétation très littérale et orthodoxe de l’islam. Il y a deux tendances opposées: la première est non-violente et pacifique, la seconde est plutôt radicale, fondamentaliste et violente. Cette secte s’est implantée dans les années 1970 en Ouganda aussi. Au départ, elle était très minoritaire dans la communauté musulmane ougandaise.

[8] Les monts Rwenzori culminent à 5.109 mètres d’altitude. Longs de 120 kilomètres et larges de 65 kilomètres, ils sont composés de six massifs séparés par des vallées.

[9] Au sein de la Monusco, la coopération entre officiers indiens et troupes népalaises se serait avérée difficile.

[10] Le Rassemblement congolais pour la démocratie/Kisangani-mouvement de libération (RCD-KML) est un groupe armé qui est apparu à la suite des divisions du RCD à Kisangani en 2000. Il est dirigé par Mbusa Nyamwisi, un nande et frère d’Enoch Nyamwisi, et a été intégré en 2003 au gouvernement de transition. Son dirigeant a été ministre dans les gouvernements de Joseph Kabila de 2006 à 2011 et est un député très critique du pouvoir depuis la dernière élection. Le groupe a une forte base ethnique nande et est actuellement le principal parti politique des territoires de Beni et du Lubero dans la province du Nord Kivu.

Congo Actualité n. 249

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LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES – ARMÉE NATIONALE POUR LA LIBÉRATION DE L’OUGANDA (ADF/NALU)

2ème Partie: La composante islamique du groupe

SOURCES

– International Crisis Group [ICG] – L’Est du Congo: la rébellion perdue des ADF-Nalu – Briefing Afrique N°93 – Nairobi/Bruxelles, 19 décembre 2012.[1]

– Assemblée Épiscopale Provinciale de Bukavu [ASSEPB] – Notre cri pour le respect absolu de la vie humaine – Butembo, 23 mai 2015.[2]

– Aide à l’Église en Détresse [AED] – RDC: l’AED dénonce des camps djihadistes pour enfants – 20 juillet 2015.[3]

– Jean-Claude Willame [JCW] – La Revue Nouvelle – Le djihadisme en Afrique sub-saharienne,

10 mars 2015.[4]

Caroline Hellyer [CH] – ADF-NALU and Islam, militant and mercenary – Digitaldjeli, 4 janvier 2014.[5]

SOMMAIRE:

INTRODUCTION

  1. UNE MENACE ISLAMISTE EN AFRIQUE CENTRALE?
    1. L’installation de foyers d’intégrisme religieux et de bases d’entraînement terroriste [ASSEPB]
    2. L’AED dénonce des camps djihadistes pour enfants [AED]
    3. Une stratégie meurtrière qui monte [Jean-Claude Willame]
  2. LE MOUVEMENT MUSULMAN TABLIGH EN OUGANDA [ICG]
  3. LES ADF ET LES ORGANISATIONS TERRORISTES D’ORIGINE ISLAMISTE [ICG]
    1. Jamil Mukulu et l’islam radical
    2. La faible empreinte islamiste des ADF
  4. ADF ET ISLAM MILITANT ET MERCENAIRE [Caroline Hellyer]
    1. L’évolution du projet ADF – l’Islam
    2. Une interprétation unilatérale de l’islam militant
    3. L’Islam Tabligh
    4. Identifier les intérêts et les réalités qui se cachent derrière la violence

INTRODUCTION

L’Alliance des Forces Démocratiques (ADF) est la branche islamiste de l’ancienne rébellion ougandaise de l’ADF-Nalu, née en 1995 de l’alliance entre des membres du mouvement musulman Tabligh et les combattants de l’Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (Nalu). Depuis sa création, ses combattants ont trouvé un abri en RDCongo (alors Zaïre), sur les pentes verdoyantes de la chaîne volcanique du Ruwenzori, qui culmine à plus de 5.000 mètres. Ils y cultivaient du café, échangeaient et pactisaient avec les populations locales. Le groupe rebelle a été visé pour la première fois en 2005 par une offensive conjointe de l’armée congolaise et de la Mission de l’ONU (Monuc, devenue Monusco). Après avoir échoué à renverser le régime de Kampala, les membres de la Nalu ont quitté le mouvement et se sont rendus en 2007. Jamil Mukulu, un chrétien converti à l’islam et chef militaire de l’ADF, s’est alors retrouvé seul aux commandes de la milice. En 2010 et en 2014, l’armée congolaise a lancé deux nouvelles offensives contre le mouvement, dont plusieurs camps ont été détruits, mais sans que le groupe ait été définitivement vaincu.

Dès 2001, les Etats-Unis ont inscrit les ADF-Nalu sur la liste des organisations terroristes. Le 12 octobre 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies inscrit Jamil Mukulu sur la liste des personnes visées par les sanctions de la résolution 1533, suivi par l’Union européenne le 2 décembre 2012.

Relativement méconnu, Jamil Mukulu est certainement un islamiste radical. Mais est-il de ces jihadistes prêts à se sacrifier pour la gloire d’Allah? Rien n’est moins sûr. À partir de 2007, sous la férule de Mukulu, l’ADF est passé de milice « ordinaire » du Nord-Kivu à composante de la nébuleuse islamiste radicale africaine. Mukulu a ainsi imposé la conversion obligatoire à l’islam pour ses combattants. Pour autant, les motivations idéologiques des ADF, tout comme celles de Mukulu, restent floues. Difficile à dire si ce groupe mène le jihad ou s’il défend simplement ses intérêts politico-financiers.[6]

1. UNE MENACE ISLAMISTE EN AFRIQUE CENTRALE?

a. L’installation de foyers d’intégrisme islamiste et de bases d’entraînement terroriste [ASSEPB]

Dans leur message « Notre cri pour le respect absolu de la vie humaine » du 23 mai 2015, les Évêques de la Province ecclésiastique de Bukavu ont rappelé que, dans le territoire de Béni, au Nord Kivu, plus de 837 personnes ont été enlevées depuis 2010 et que 419 personnes ont été massacrées entre octobre 2014 et mai 2015. Des malfaiteurs incendient des villages en toute impunité, provoquant le déplacement massif de la population vers les cités où elle est vouée à la famine et à la misère. Les criminels tuent brutalement avec des machettes, des couteaux ou des haches: certaines de leurs victimes ont la gorge tranchée, les bras de nombreux enfants sont mutilés, des femmes enceintes éventrées et des familles entières sont décimées. Ce sont des véritables actes génocidaires, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Du côté des bourreaux, on observe la mise en place d’une terreur d’épuration systématique des personnes, d’une stratégie de déplacement forcé des populations en vue d’occuper progressivement leurs terres et de l’installation de foyers d’intégrisme religieux et de bases d’entraînement terroriste. Tout cela se passe dans un contexte d’une mafia économique et d’un affairisme politico-militaire alimenté par les pillages à grande échelle d’abondantes ressources naturelles: minières, forestières, animales et pétrolières.

Dans ce contexte, les jeunes désoeuvrés sans avenir deviennent la proie facile pour le recrutement des groupes armés y compris de ceux gagnés au fondamentalisme religieux. En effet, dans le massif du Ruwenzori, des groupuscules inoculent l’esprit djihadiste à leurs recrues qu’ils entraînent ensuite au terrorisme international. Leur base est constituée de ressortissants de toute sorte de nationalité qui s’établissent dans des camps d’entraînement appelés Médina, Canada et Parking Kaza Roho. Des jeunes congolais y sont fraîchement associés, trompés par des recruteurs sans scrupules qui leur promettent des bourses d’études pour le Moyen Orient, l’Europe ou le Canada.

b. L’AED dénonce des camps djihadistes pour enfants [AED]

Des sources proches de l’Aide à l’Église en Détresse (AED) – qui ne peuvent être mentionnées pour des raisons de sécurité – ont révélé que des jeunes étaient emmenés dans des camps où ils étaient brutalisés et endoctrinés par une milice islamiste. Réagissant à ces révélations, Maria Lozano, vice-directrice des communications de l’AED, a déclaré: «Nous avons eu accès à un ensemble de documents montrant des soldats brandissant des fusils et surveillant des enfants âgés de neuf à quinze ans, habillés en tenues militaires pour effectuer des exercices militaires». Les garçons sont répartis sur au moins trois camps situés dans les montagnes de Ruwenzori, dans l’est de la RDC. Ils ont été aperçus en tenues de camouflage alors qu’ils faisaient des exercices militaires sous la surveillance de soldats armés. Le rapport décrit comment plus de soixante filles sont entassées dans ces camps, obligées de porter la burqa et préparées à se marier avec des combattants islamiques.

Maria Lozano poursuit: «Nous sommes très inquiets pour les enfants, car ils ont été attirés dans la rue avec la promesse d’échapper à la pauvreté. Certains sont orphelins, mais d’autres ont quitté leurs familles après avoir été trompés par des recruteurs qui leur avaient fait miroiter l’espoir de pouvoir étudier au Proche-Orient, en Europe ou au Canada. Selon les informations dont nous disposons, les filles sont contraintes au mariage ou sont traitées en esclaves sexuelles».

Les sources proches de l’AED établissent un lien entre la soudaine émergence de ces camps d’entraînement au djihad et les forces de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation de la République Démocratique du Congo (MONUSCO). Ces sources soutiennent que certains membres de la Monusco sont des fondamentalistes musulmans pakistanais qui, pendant leur temps libre, mettent en place des écoles coraniques et travaillent sur des chantiers de construction des mosquées.

c. Une stratégie meurtrière qui monte [Jean-Claude Willame]

Le Daech (l’État Islamique) cherche avant tout à apparaître comme un vainqueur, à manifester sa puissance, et donc à faire école à partir d’un territoire — l’espace irako-syrien — qu’il entend administrer en rendant la justice, en gérant son butin de guerre (pétrole, matériel militaire saisi à une armée en capilotade, taxes, etc.) et en coupant des têtes aussi.

L’exemple de Daech semble avoir été entendu jusque dans des régions où les musulmans forment une petite minorité de la population. Tel est le cas de l’ADF (Allied Democratic Force), créé en 1995 avec un conglomérat d’opposants ougandais surtout musulmans et qui a implanté son QG près de la ville de Beni au Nord Kivu.

Dirigée de main de fer par un chrétien converti à un islam rigoriste (le tabligh), Jamil Mukulu, qui a fréquenté des camps d’entraînement en Afghanistan et au Pakistan et prend ses quartiers alternativement à Kampala, à Nairobi et au Kivu, cette bande armée est passée à partir de 2007 de milice ordinaire à une composante de la nébuleuse islamiste africaine pouvant compter sur un effectif de 800 à 1.400 combattants.

Selon le groupe d’experts des Nations unies, elle fonctionne en grande partie grâce à l’exploitation forestière et aurifère illégale, à un réseau de taxis et de mototaxis opérant dans les villes de Butembo, Beni et Oicha et à des virements de Londres, du Kenya et de l’Ouganda, l’argent étant encaissé par des intermédiaires congolais à Beni et Butembo. «Ce groupe armé congolo-ougandais fait preuve d’une extraordinaire résilience qui tient à sa position géostratégique, son insertion dans l’économie transfrontalière et la corruption des forces de sécurité», explique de son côté un rapport de l’International Crisis Group en 2012. Toujours selon le groupe d’experts cité plus haut, l’ADF dispose de plusieurs camps d’entraînement dans l’est de la RDC et d’équipements tels que des mortiers, des mitrailleuses et des grenades à tube. La milice a accru ses effectifs grâce à des campagnes d’enrôlement et des enlèvements.

Qu’ils soient recrues ou membres de familles de combattants, les femmes et les enfants se voient également imposer une formation militaire et une conversion obligatoire à l’islam. Sur une vidéo saisie dans le domicile kenyan de Jamil Mukulu, on peut entendre le prêche du chef, s’exprimant tantôt en swahili, tantôt en arabe, habillé en tenue civile et entouré d’une part d’un groupe de femmes africaines voilées, et d’autre part, d’un groupe d’hommes en tenue militaire et de jeunes de cinq à huit ans, auxquels on apprend à marcher au pas.

Ici aussi, la brutalité est de mise. Les massacres et les mutilations de femmes et d’enfants sont fréquents et, comme le notait déjà en 1999 un commissaire adjoint d’un district ougandais, «ils tuent de manière indiscriminée, juste pour tuer ». Tout récemment, au Nord Kivu, ils ont en un mois massacré à l’arme blanche plus de 250 civils dans la foulée d’une opération de largage de tracts de la Monusco les invitant à se rendre.

Selon de nombreux services de renseignement et le groupe d’experts des Nations unies, Jamil Mukulu aurait des liens plus ou moins étroits avec l’Al Shabbaab somalien, mais aussi avec le «califat» de Boko Haram. Par ailleurs, il aurait également tenté d’entrer en contact avec l’État islamique. Même si cette dernière tentative reste hypothétique et fut probablement sans succès, elle indique qu’ici aussi, Daech est bel et bien une référence.

En Afrique sub-saharienne, le « religieux » est souvent associé à la « guerre » et au « banditisme de grand chemin » comme le montrent les dérives de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) fondée naguère par la prophétesse Alice Lankwema et dénaturée par son successeur et cousin Joseph Kony, de l’armée tutsi de Laurent Nkunda au Kivu qui se référait ostensiblement à la Bible et aimait à se présenter en pasteur pentecôtiste.

Mais, comme le montre bien d’exemples, ce sont bien des combats pour des ressources rares qui forment le soubassement de la conflictualité et de la lutte pour le pouvoir. Face à cela, la religiosité n’est qu’une superstructure qui attire dans ses filets des populations en mal de repères signifiants. Daech et ses complices africains ou autres ne sont que le dernier avatar — particulièrement meurtrier — de ce constat.

On en arrive toujours à la même conclusion: les opérations militaires contre ces déviances mortelles ne seront pas la panacée. Pas plus que ne le sont d’ailleurs les centaines de millions de dollars dépensés au titre d’une aide humanitaire pendant ou après les conflits. En plus d’une «société civile» structurée et à même de plonger dans le cambouis de la gestion des conflits, il y a un besoin d’État ou de quelque chose de ce type qui se substitue à des régimes ou des milices qui n’ont incarné jusqu’ici que des systèmes prédateurs.

2. LE MOUVEMENT MUSULMAN TABLIGH EN OUGANDA [ICG]

Après la chute d’Amin Dada en 1979, les musulmans ougandais sont opprimés par les régimes de Milton Obote puis de Yoweri Museveni. Dans les années 1980, le mouvement religieux musulman Tabligh[7] utilise cette oppression et l’appui financier du gouvernement soudanais pour recruter au sein de la jeunesse ougandaise et devenir une structure importante dans la communauté musulmane locale. La lutte pour la domination de l’espace religieux qui s’ensuit se traduit par des violences.

Le 22 mars 1991, à Kampala, les membres du Tabligh affrontent ceux du Conseil supérieur des musulmans ougandais (UMSC), faisant cinq morts dont quatre policiers. A la suite de ces violences, les dirigeants du Tabligh, dont Jamil Mukulu qui est à la tête des jeunesses du mouvement, sont emprisonnés de 1991 à 1993. Après leur libération, les membres du groupe, dirigé par Sheikh Sulaiman Kakeeto, s’installent à Hoima, dans l’Ouest de l’Ouganda.

C’est là qu’ils créent, en 1994, le Mouvement des combattants ougandais pour la liberté (UFFM), qui reçoit immédiatement une aide du régime de Khartoum. L’UFMM est aussi connu sous le nom de l’Armée musulmane de libération de l’Ouganda (MULA). Kampala réagit alors en détruisant leur camp d’entrainement en 1995.

Suite à la destruction de leur base, les membres de l’UFFM se réfugient dans la ville congolaise de Bunia, proche de la frontière ougandaise, où ils continuent à recevoir un appui de la part du Soudan.

Les chefs de la secte Tabligh en Ouganda, dont Sheikh Sulaiman Kakeeto et Jamil Mukulu, s’enfuient au Kenya et en Tanzanie.

3. LES ADF ET LES ORGANISATIONS TERRORISTES D’ORIGINE ISLAMISTE [ICG]

Bien que les ADF n’aient plus conduit d’attaque sur le sol ougandais depuis 2007, le gouvernement de Museveni présente ce groupe comme une menace islamiste connectée à des réseaux terroristes régionaux et dénonce un axe al-Shabaab/ADF.

Grâce à Jamil Mukulu, les ADF-Nalu ont cessé d’être un problème congolo-ougandais pour prendre une dimension internationale en tant qu’élément de la nébuleuse islamiste radicale en Afrique de l’Est. Toutefois, d’une part, il subsiste de nombreuses zones d’ombre sur son passé et ses liens avec les mouvements islamistes radicaux dans la région; d’autre part, l’islamisme des ADF est sujet à caution, d’autant plus que les autorités ougandaises n’ont cessé de l’associer à différentes menaces islamistes depuis 1995.

a. Jamil Mukulu et l’islam radical

En tant que chef incontesté des ADF depuis 1998, Jamil Mukulu a été en contact avec le gouvernement de Khartoum. Après ses liens avec Khartoum, les autorités ougandaises mettent en avant ses liens avec les nouvelles menaces islamistes dans la région: tout d’abord al-Qaeda,[8] puis, depuis 2010, al-Shabaab[9] de Somalie.

D’après Kampala, Jamil Mukulu aurait été nommé numéro deux d’al-Qaeda pour l’Afrique

de l’Est – ce que ne confirment pas les experts des mouvements islamistes en Somalie.

Suite aux attentats de 2010 par al-Shabaab à Kampala,[10] de nombreux rapports des Nations unies et des services de sécurité ougandais et congolais font état de la présence de Somalis au sein des ADF. L’Agence nationale de renseignement congolaise (ANR) signale, par exemple, l’arrivée à Erengeti, à la frontière entre l’Ouganda et la RDC, de dix-huit hommes qui ressemblent à des Somalis et rejoignent les ADF. Le panel d’experts des Nations unies pour la RDC évoque l’envoi de formateurs somalis par al-Shabaab aux ADF.

Toutefois, cela n’a jamais été confirmé par d’autres sources que les services de sécurité ougandais. Toujours selon ces derniers, les ADF cherchent à recruter au sein des communautés somalies de l’Est de l’Ouganda, mais la commission d’amnistie ougandaise a conduit en 2010 et 2011 des missions d’enquête auprès de ces communautés sans succès.

L’existence d’une coopération directe entre al-Shabaab et les ADF ne reste qu’une hypothèse, d’autant plus que le gouvernement ougandais instrumentalise la menace terroriste islamiste à des fins intérieures et extérieures. Kampala agite régulièrement le spectre de la menace terroriste contre la communauté musulmane ougandaise, qui se sent ostracisée et soutient majoritairement l’opposition. Cette exploitation de la menace ADF vis-à-vis des partenaires étrangers et de l’opinion publique nationale fait partie intégrante de la politique mise en œuvre par le régime de Kampala.

b. La faible empreinte islamiste des ADF

Si les fondateurs historiques des ADF (Jamil Mukulu, Yu-suf Kabanda, Sheik Kamoga) sont des musulmans en lutte contre Kampala, ce mouvement ne présente pas les caractéristiques d’une organisation islamiste terroriste telle que décrite par les autorités ougandaises.

D’une part, l’environnement immédiat des ADF ne présente pas d’indices de radicalisation religieuse. En RDC, les communautés musulmanes de Beni et Bunia, parmi lesquelles le groupe a recruté, entretiennent de longue date des relations avec le Soudan et le Kenya mais sans que les organisations musulmanes radicales présentes dans ces deux pays se soient implantées dans ces deux villes congolaises. Créée en 1972, la Commission islamique en République démocratique du Congo (Comico) a noué des liens avec l’Université islamique internationale d’Afrique de Khartoum au milieu des années 1990, mais elle n’a aucune relation avec le Tabligh.

D’autre part, les ADF ne s’affichent pas comme une organisation fondamentaliste. Si ses membres ont ouvertement fréquenté certaines mosquées d’Erengeti et Beni, les recrutements récents en RDC ne se font pas en priorité chez les musulmans. Une majorité d’anciens combattants des ADF ayant rejoint le programme DDRRR de la Monusco font état de recrutements forcés ou d’enlèvements indiscriminés. A Goma, les combattants du groupe entretiennent des relations avec deux individus de la mosquée de Birere qui sont impliqués dans des transferts d’armes, de munitions ainsi que des cadres et des recrues en provenance du Rwanda. Mais, comme à Bunia et à Beni, l’islam radical ou proche de celui des ADF semble extrêmement minoritaire.

Selon la branche de la Comico à Goma,[11] des prêcheurs radicaux viennent parfois en RDCongo, principalement via le Rwanda, mais sans avoir de relations avec cette dernière.

Par ailleurs, les ADF ne se sont pas fait connaitre par un prosélytisme particulier auprès de leurs compagnons d’armes – les Nalu – ou de la population congolaise parmi laquelle ils évoluent depuis des années. Dans leurs revendications, il n’est fait nulle mention de l’installation d’un califat ou de l’instauration de l’islam comme religion d’Etat et leurs tracts ne font que très rarement référence à l’islam. Seul un tract diffusé en 2012 fait explicitement référence à des passages du Coran.

4. ADF ET ISLAM MILITANT ET MERCENAIRE [Caroline Hellyer]

a. L’évolution du projet ADF – l’Islam

Certaines séquences vidéo[12] d’un camp des ADF démontrent que la principale langue parlée est le Kitoro, que l’endoctrinement des enfants est un élément de base des ADF et qu’il s’agit d’un camp bien organisé, ordonné et efficace (à noter l’horloge placé sur l’arbre dans la deuxième vidéo). Par rapport aux séquences vidéo précédentes, l’on peut constater qu’il y a eu un passage d’un style d’habillement pauvre, pareil à celui de la milice Mayi-Mayi et de la population locale, à un style d’habillement meilleur, ce qui fait penser à une opération bien financée.

Un troisième changement qui apparaît dans la vidéo plus récente est l’adoption (par choix personnel ou imposée par la force) du niqab et de l’abaya complète, souvent noire, par les femmes. Auparavant, les femmes musulmanes des camps ADF couvraient leur tête avec un simple foulard, aux différentes couleurs, très commun parmi les femmes musulmanes dans de nombreuses parties de l’Afrique, mais ne couvraient jamais leurs visages.

b. Une interprétation unilatérale de l’islam militant

L’Islam du Congo est presque invisible, malgré l’importante contribution des divers groupes musulmans de la société civile à la consolidation de la paix, du développement et de l’éducation. En effet, c’est seulement après l’assassinat du colonel Mamadou Ndala que beaucoup de gens ont su que le héros national du Congo était un musulman.

Cette invisibilité est due au fait que, dans le passé, la police et les services de sécurité ougandais avaient cherché les recruteurs des ADF sous tout lit musulman et que, de ce fait, avaient injustement transformé en victimes ces mêmes personnes qu’il auraient dû défendre.

Pour l’imam de Beni, ce manque de reconnaissance de l’Islam en RDCongo a toujours été une source de préoccupation, surtout lorsque des groupes de la société civile ont commencé à parler des ADF comme d’un « groupe islamiste terroriste ».

Selon un militant musulman résident en Ouganda, les ADF cherchent à recruter parmi les gens qui n’ont pas de bonne éducation coranique. Mais récemment, une nouvelle loi sur l’autorisation de fonctionnement d’écoles coraniques en Ouganda a provoqué un grand tollé au sein de la communauté musulmane. Comme indiqué par cheikh Yahya Lukwago: «Les catholiques aussi proposent certains cours religieux, pour ne pas mentionner les églises protestantes qui, le dimanche, offrent des programmes d’enseignement théologique. Les catholiques et les protestants offrent ces programmes pour s’assurer que leurs enfants se comportent en tant que chrétiens. Pourquoi notre cas devrait-il être différent?».

c. L’Islam Tabligh

L’Islam Tabligh est une composante «réformiste» du mouvement islamique sunnite, née en Inde, vers les années 1920, en parallèle avec les mouvements réformistes hindous, à la fin de l’Empire. Les deux mouvements réformistes (hindou et musulman) doivent historiquement être pris en considération à la lumière de la tendance coloniale à identifier, à classifier et à contrôler. Cette tendance a conduit à un système juridique différent pour les musulmans et les hindous et à la nécessité pour les deux, hindous et musulmans, de faire face à la concurrence du le christianisme dans le monde entier. De cette façon, les pratiques religieuses qui, auparavant, étaient fluides et syncrétistes, se sont cristallisées, ont été codifiées et certaines d’entre elles sont devenues politiquement communautaires, avec divers degrés de militantisme.

En Ouganda, l’idéologie de la direction ADF a été fortement influencée par l’Islam Tabligh du Pakistan. Il semble que cet extrême militantisme a atteint une position plus forte dans les camps des ADF en RDCongo. En fait, selon Stig Jarle Hansen, le Tabligh est «éclectique» et semble être un «conteneur (navire) pour le radicalisme». En tant que tel, il semble attirer les jeunes mécontents qui, ensuite, deviennent parfois assez radicaux pour s’orienter vers un activisme violent.

Il y a certains aspects essentiels du Tabligh qui apparaissent explicités chez les ADF. Seulement récemment, il est devenu obligatoire, pour les membres des ADF, de se convertir à l’Islam et de le pratiquer. Même si cela n’était pas une pratique «normale» au sein du Tabligh, cet élément d’obligation a pu devenir un moyen pour assurer une base idéologique solide pour ses membres et, par conséquent, il semble bien être devenu un élément essentiel de la pratique Tabligh plus ouvertement militante.

En général, l’Islam Tabligh ne cherche pas à convertir les non-croyants, car son objectif est la «perfection» de la pratique islamique des mêmes musulmans. Cependant, de nombreux membres des ADF ont été recrutés de force par des opérations d’enlèvement et de recrutement forcé; il est donc très peu probable qu’ils soient animés par une motivation unifiée.

Souvent, on présente le Tabligh comme une réalité « apolitique ». C’est l’une des raisons pour lesquelles, jusqu’à ce jour, les autorités britanniques les ont tolérés, les considérant comme des modérés et, donc, des « bonnes personnes ». Ceci est un exemple, parmi d’autres d’ailleurs, de la façon par laquelle on divise le monde entre les «bons» et les «mauvais», en négligeant toutes les nuances. En réalité, selon l’Islam Tabligh, il n’est pas nécessaire de participer à la vie politique « locale » car, selon lui, le processus de changement vers un califat islamique est un processus à long terme. Par conséquent, si l’État-nation est, pour l’instant, une réalité impossible, pourquoi s’engager en son nom? Souvent, les membres du Tabligh opèrent en petits groupes locaux, ils acceptent une discipline rigoureuse et ils obéissent rapidement à leurs dirigeants. Bien que la plupart des musulmans en RDCongo et en Ouganda ne soient pas politisés, les cadres des ADF vivant en Angleterre, en RDCongo, au Kenya et au Soudan suivent une idéologie islamiste Tabligh particulièrement radicale qui les a opposés aux autres membres Tabligh de Kampala. Des tentatives précédentes pour entamer des pourparlers, en vue de leur désarmement et d’une éventuelle amnistie sont au point mort, soit à cause de l’impossibilité de regrouper les différents membres du commandement du groupe, soit à cause des intérêts de ceux qui, en dehors du groupe, n’ont aucun intérêt de voir les rebelles déposer les armes.

d. Identifier les intérêts et les réalités qui se cachent derrière la violence

Trop souvent, les analyses sur les ADF ont totalement oublié l’aspect islamique, en les présentant simplement comme des rebelles ougandais et congolais (comme si l’identité ougandaise et congolaise puisse exclure la possibilité d’être également des Musulmans). Après la première attaque contre le village de Kamango, en juillet 2013, les analyses ont emprunté aussi le raccourci du «terrorisme» en Afrique de l’Est et ont vite crié à la présence d’Al-Shabaab parmi les membres des ADF. Très peu d’observateurs ont pensé que les ADF peuvent être des rebelles et des terroristes à la fois. Les ADF peuvent être considérées comme une «organisation hybride», non seulement parce que l’origine de leurs membres est différente, mais aussi parce qu’elles sont le produit de 20 ans d’une guérilla menée dans une zone transfrontalière, ce qui a brouillé les lignes entre le criminel, le rebelle, le citoyen, le soldat et l’État.

Ces lignes floues nous amènent loin de tout militantisme islamique. Elles sont, par contre, le produit d’une politique locale et régionale qui a été construite en faisant recours à une force militaire violente. Cette nouvelle situation se nourrit de toutes les subtilités très localisées, comme les conflits fonciers, les identités politisée et la déconnexion entre la population et l’État.

La réponse aux plusieurs problèmes posés par la présence des ADF exige beaucoup plus que des solutions militaires. L’inefficacité de la lutte contre les ADF réside dans l’inadéquate évaluation des ADF, dans le manque de planification des opérations et dans la stratégie d’annonces et de réponses éclatantes.

À Beni, on entende souvent répéter deux choses: « il faut comprendre la dynamique de la politique », c’est-à-dire celle des puissants médiateurs locaux de Beni et de Butembo, et «il s’agit d’une guerre médiatique » qui est menée à tous les niveaux dans le Grand Nord du Nord-Kivu, par des déclarations publiques, les menaces, les enlèvements, jusqu’à l’extrême violence des massacres. Tous ces éléments sont conçus pour envoyer un message. Le risque est celui de lire et répondre immédiatement à ces messages, au lieu de comprendre les intérêts et les réalités qu’ils représentent.

[1] Cf http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/dr-congo/b093-lest-du-congo-la-rebellion-perdue-des-adf-nalu.pdf

[2] Cf http://www.cenco.cd/?id_art=215

[3] Cf http://www.aed-france.org/actualite/rdc-laed-denonce-des-camps-djihadistes-pour-enfants/

[4] Cf http://www.revuenouvelle.be/Le-djihadisme-en-Afrique-sub-saharienne

[5] Cf http://digitaldjeli.com/2014/adf-nalu-and-islam-militant-and-mercenary/

[6] Cf Benjamin Roger – Jeune Afrique, 19.12.’13

[7] La secte Tabligh est un mouvement musulman apparu en 1920 dans le sous-continent indien qui prône une interprétation très littérale et orthodoxe de l’islam. Cette secte s’est implantée dans les années 1970 en Ouganda aussi. Au départ, elle était très minoritaire dans la communauté musulmane ougandaise.

[8] En dépit de plusieurs rapports et articles faisant état de liens entre Jamil Mukulu et al-Qaeda, il est impossible de l’affirmer avec certitude.

[9] Al-Shabaab, est une branche combattante de l’Union des tribunaux islamiques (UIC) qui est apparue après l’opération militaire éthiopienne de 2006 en Somalie.

[10] Organisés durant la coupe du monde de football, ces attentats, qui ont fait plus 70 victimes, visaient des établissements fréquentés par des Occidentaux et étaient des représailles contre le régime ougandais du fait de son implication dans la mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom).

[11] La branche de la Comico à Goma entretient principalement des liens avec l’Association des musulmans au Rwanda (AMUR) et la Diyanet işleri Başkanliği, la Direction des affaires religieuses turque, qui l’aide lors du Ramadan et dans le cadre de festivités religieuses. Elle est aussi en relation avec l’Arabie Saoudite afin de bénéficier des programmes de la Banque islamique de développement.

[12] http://digitaldjeli.com/2014/adf-nalu-and-islam-militant-and-mercenary/

Congo Actualité n. 254

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SOMMAIRE:

ÉDITORIAL: ÉLECTIONS ET CONTRAINTES FINANCIÈRES

  1. POLITIQUE INTENE
    1. La guerre des chiffres entre la Commission électorale e le Gouvernement sur la question du financement des élections
    2. Le remplacement des membres démissionnaires des deux Bureaux du Parlement
    3. La suspension des sessions ordinaires des Assemblées des nouvelles provinces
  2. LA PERSISTANTE INSÉCURITÉ AU KIVU
    1. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)
    2. Les cas d’enlèvements se multiplient
    3. La rencontre des ministres congolais et rwandais de la Défense à Kigali
    4. Vers la fin des opérations de rapatriement des réfugiés rwandais

 

ÉDITORIAL: ÉLECTIONS ET CONTRAINTES FINANCIÈRES

 

1. POLITIQUE INTERNE

a. La guerre des chiffres entre la Commission électorale e le Gouvernement sur la question du financement des élections

Le 5 octobre, le ministre de l’Economie Nationale, Modeste Bahati Lukwebo, intervenant à la Radiotélévision nationale congolaise, a laissé entendre que l’exécutif national s’acquittait correctement de sa part du contrat lié au financement du processus électoral. Selon lui, la CENI est gratifiée de versements réguliers de fonds (20 millions de dollars mensuellement) en rapport avec les opérations préélectorales et électorales. Par conséquent, si le calendrier électoral connaît des retards, on devrait cherchait les causes ailleurs, en dehors du Gouvernement.

Cette sortie médiatique du ministre de l’Economie Nationale a eu, pour effet, de sortir la CENI de ses gongs. Dans un communiqué distribué aux médias en date du 07 octobre 2015, le Rapporteur de cette institution, Jean-Pierre Kalamba, a contesté cette version des faits et renvoyé le gouvernement au rapport circonstancié déposé au bureau de l’Assemblée Nationale. Dans le souci de fixer l’opinion, il a sollicité une réunion de clarification entre l’exécutif national et la CENI, afin de savoir de quel côté se trouve la faille.

«Il y a une volonté de polémiquer, nous ne voulons pas rentrer là-dedans», rétorque le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé, ajoutant que ce n’était pas avec la Céni que le gouvernement faisait la reddition des comptes, mais bien avec l’Assemblée.

En attendant que ces deux institutions de la République bouclent leur guerre des chiffres, le processus électoral ne fait que s’enliser, principalement à cause des difficultés de financement des scrutins. Plusieurs sources internes à la Commission électorale affirment qu’aujourd’hui même, si des fonds sont rapidement décaissés, seules des élections indirectes pourraient être organisées d’ici début 2016, mais que s’il faut intégrer les jeunes électeurs au fichier électoral ou même les Congolais de l’étranger, aucune élection au suffrage direct ne serait possible avant juin 2016.[1]

Le 9 octobre, dans une lettre adressée au Premier Ministre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a affirmé que le processus électoral n’avance pas faute de décaissement de fonds, en précisant que le gouvernement verse à la centrale électorale les frais de fonctionnement et de rémunération de son personnel, mais ne finance pas suffisamment les opérations électorales.

La Commission électorale demande formellement une séance de clarification au gouvernement car, précise-t-elle dans ce document, elle n’a reçu sur les exercices budgétaires de ces trois dernières années que 17 % des fonds alloués par le Parlement. Tous les fonds reçus par le gouvernement sont bien traçables dans les deux rapports annuels de la Céni déposés au Parlement, souligne cette lettre.

Le budget électoral de la Ceni pour le cycle des élections prévues en 2015-2016 s’évalue à un peu plus d’un milliard de dollars.

Selon la lettre, en 2014, le Parlement avait alloué à la Ceni les crédits de 195 milliards 304 millions de francs congolais (212 286 957 dollars américains). Le gouvernement n’a décaissé que 24 % de ce montant.

Pour l’année 2015, le budget voté est de plus de 186 milliards 637 millions de francs congolais. Mais, d’après le rapport de la Ceni, le gouvernement n’a versé que 22 % à la centrale électorale.

La Ceni rappelle que, en 2013, alors que l’Assemblée Nationale lui avait alloué plus de deux cents millions de dollars américains, rien ne lui avait été versé pour financer la logistique. Ainsi, les matériels prévus n’ont pas pu être achetés.

Par ailleurs, le rapport de la Ceni indique que les fonds reçus dans la période de juin 2014 à juin 2015 concernent la stabilisation des cartographies opérationnelles et la fiabilisation du fichier électoral. Concernant les élections municipales et locales directes, le rapport de la Ceni mentionne un financement à hauteur de 43% du montant attendu du gouvernement entre octobre 2014 et mai 2015.[2]

La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) plaide pour l’acquisition de nouveaux moyens logistiques pour organiser les élections dans les meilleures conditions. Dans son rapport 2014-2015, elle fait mention de la défectuosité des plusieurs engins à sa disposition. Le nombre actuel d’automobiles, des motos, des groupes électrogènes dont elle dispose ne peut pas supporter les opérations électorales.

Le rapport 2014-2015 de la Ceni laisse entrevoir que la centrale électorale n’est pas prête matériellement pour organiser à ce jour les élections en RDC dans les meilleures conditions. Sur 626 véhicules que compte cette institution d’appui à la démocratie, 28 seulement sont en très bon état. Elle demande le remplacement d’au moins 392 véhicules actuellement hors-usage. Le rapport indique que tout au long de ces deux cycles électoraux, la Ceni avait acquis à travers différents projets 2.580 motos. Mais dans ce lot, 3% seulement de motos sont encore opérationnelles, soit 86 motos disponibles.

Par ailleurs, le rapport de la Ceni indique que 39% des 6 011 générateurs électriques sont déjà déclassés. Ce matériel est important surtout dans l’arrière-pays où la desserte en électricité est insuffisante ou inexistante. Une autre difficulté évoquée dans ce rapport est d’ordre immobilier. Sur l’ensemble de bâtiments occupés par la Ceni, 62% appartiennent aux privés et sont pris en location. Le reste étant constitué des bâtiments publics. Mais ces derniers sont très délabrés et nécessitent des travaux de réhabilitation.[3]

b. Le remplacement des membres démissionnaires des deux Bureaux du Parlement

Le 6 octobre, le sénateur Flore Musendu a été élu rapporteur de la chambre haute. Il a obtenu 54 voix, sur les 86 votants. Il remplace à ce poste Modeste Mutinga, qui a démissionné vendredi 18 septembre dernier de son poste. Le nouveau rapporteur, ingénieur civil des mines, a aussi un master en économie. Originaire de Lualaba, Flore Musendu a été présenté au sénat comme « indépendant de la Majorité présidentielle ». Son prédécesseur est membre du Mouvement social pour le renouveau (MSR), l’un des partis signataires de la lettre ouverte adressée au chef de l’Etat, l’invitant à respecter la constitution pour l’organisation des élections.[4]

Le 8 octobre, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku a annoncé des consultations avec les différentes forces politiques parlementaires sur la question des sièges vacants au bureau de la Chambre basse du Parlement, en vue du remplacement des membres démissionnaires.

Officiellement deux postes sont vacants: celui de 1er vice-président laissé par Mwando Nsimba et celui de rapporteur laissé par Norbert Ezadri. Ces deux députés, respectivement de l’UNADEF et du MSR, ont démissionné après l’exclusion de leurs partis de la Majorité Présidentielle (MP). Mais certains députés de la Majorité estiment qu’il faudrait remplacer aussi ceux dont les partis adhèrent au G7, même si ces membres ont désavoué l’action de ce groupe. Le G7 du nom des sept partis politiques exclus de la MP est né à la suite de leur lettre ouverte demandant au Président Kabila de respecter le délai constitutionnel pour l’organisation de l’élection présidentielle de décembre 2016. Pour trancher la question, Aubin Minaku a promis d’initier les consultations avec les forces parlementaires sur la question.

Pour sa part, le député José Makila a demandé de clarifier l’appartenance des députés aux groupes parlementaires après l’avènement de G7 dont se réclament certains députés. Une commission spéciale a été mise sur pied en vue de faire un état des lieux des groupes parlementaires.[5]

Le 10 octobre, le président de l’Assemblée nationale de la RDC, Aubin Minaku a initié à Kinshasa les consultations parlementaires préalables au remplacement des membres démissionnaires du bureau. L’objectif de ces tractations vise notamment à harmoniser les points de vue de la majorité et l’opposition sur le nombre des postes à pourvoir et la procédure de vote.

Si la plupart des parlementaires présents à cette rencontre ont été unanimes pour que le vote se fasse à bulletin secret, les députés de la majorité et de l’opposition ne se sont pas accordés en revanche sur le nombre des postes à pourvoir.

Outre les deux postes vacants du 1er vice-président et de rapporteur laissés respectivement par Mwando Nsimba de l’Unadef et Norbert Ezadri du MSR, la majorité a également réclamé les changements aux postes de questeur et de questeur adjoint. L’opposition propose plutôt une répartition des postes tenant compte de l’actuel rapport des forces entre majorité et opposition, sachant qu’un certain nombre de députés de la Majorité Présidentielle (MP) ont rejoint l’opposition avec l’avènement du G7, les sept partis exclus de la MP.[6]

Combien de députés sont restés fidèles à la majorité? Combien sont passés à l’opposition? Sur le papier, les 80 députés membres des partis politiques du G7 ont rejoint les rangs de l’opposition. L’opposition totaliserait donc 225 sièges, au lieu de 145 il y a encore un mois, contre 275, au lieu des précédents 355, pour la majorité. Oui, mais voilà, un certain nombre de ces élus ont déclaré vouloir rester fidèles à la coalition au pouvoir, désavouant la démarche des frondeurs.

Dans ce contexte, qui a réellement la majorité au Parlement? Sur le papier, la coalition au pouvoir garde encore une majorité confortable. Toutefois, en son sein, il y aurait un certain nombre de déçus. Des parlementaires acquis à la démarche des frondeurs mais n’osant pas s’afficher ainsi. Opposition et majorité ne sont donc pas d’accord sur le nombre de sièges qui, au sein du Bureau, revient à chaque camp.[7]

Le 12 octobre, l’opposition a saisi l’occasion pour réclamer le quota qui lui serait réservé dans le bureau. En effet, selon elle, suite au passage du G7 dans son camp, le rapport des forces à l’intérieur de l’Hémicycle est changé. Ce qui fait que, au sein du Bureau, le rapport initial de 5 sièges pour la Majorité + 2 pour l’opposition serait passé à 4 sièges pour la Majorité + 3 pour l’opposition.

C’est ainsi que la « Dynamique des parlementaires acquis au bons sens » a fait deux propositions concrètes pour décrisper la crise au sein de l’Assemblée nationale.

Dans la première proposition, la Dynamique réserve à la Majorité les 4 postes suivants: Président, Premier Vice-président, Rapporteur et Questeur. L’Opposition prendrait alors les 3 sièges de Deuxième Vice-président, Rapporteur adjoint, et Questeur adjoint.

Dans la deuxième proposition de la Dynamique offre à la Majorité les 4 postes de Président, Deuxième Vice-président, Rapporteur et Questeur. Dans ce cas, reviendraient à l’Opposition les autres 3 postes de Premier Vice-président, Rapporteur adjoint et Questeur adjoint.[8]

Le 13 octobre, on a poursuivi les tractations pour le remplacement de deux membres démissionnaires du bureau de l’Assemblée nationale. Les députés de la Majorité présidentielle (MP) vont aligner les candidatures Floribert Luhonge au poste de 1er vice-président et de Berocan Keraure au poste de rapporteur. Originaire de la province du Tanganyika, Floribert Luhonge est un ancien procureur général de la République. Originaire de l’Ituri, Berocan Keraure est médecin de profession. Les députés de la Majorité ont par ailleurs reçu la consigne de maintenir à son poste Elisée Munembwe, le questeur de l’Assemblée nationale qui n’a pas rallié l’ARC, un des sept partis récemment exclus de la MP pour une lettre ouverte au président Kabila demandant le respect des délais constitutionnels pour les élections. Les consignes de la MP n’ont visiblement pas eu d’effet sur le député Henry-Thomas Lokondo qui a annoncé le maintien de sa candidature au poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale.[9]

Le 14 octobre, Aubin Minaku a annoncé que l’élection des nouveaux membres du bureau de l’Assemblée nationale pour remplacer ceux qui ont démissionné aura lieu le 17 octobre. Seuls les postes de 1er vice-président et du rapporteur sont concernés par ce scrutin, a-t-il précisé, recalant de fait les ambitions des opposants qui réclamaient d’autres postes au bureau.

Certains députés souhaitaient en effet le départ des deux autres membres du bureau, ayant perdu le soutien de leurs partis, Kombo Nkisi (2ème vice-président pour le compte de l’UDPS) et Elysée Munembwe, dont le parti adhère au G7. Le calendrier définitif de l’élection prévoit le dépôt des candidatures le 15 octobre et la campagne électorale le 16 octobre, la veille du vote.

Concernant la question de proportionnalité actuelle entre Majorité et Opposition, après la création du G7, Aubin Minaku a reconnu que c’était un problème réel qui serait réglé par la commission spéciale mise en place à cet effet.[10]

Le 15 octobre, on a enregistré quatre candidats. Il s’agit de Henry Thomas Lokondo et Floribert Luhonge pour la première vice-présidence, ainsi que Nono Berocan et Albert Fabrice Puela comme candidats rapporteurs. La troisième candidature à ce poste, celle de l’opposant Fabrice Puela, a été rejetée par le bureau, pour raison de son appartenance à l’opposition.[11]

Le 17 octobre, le député de la Majorité présidentielle Floribert Luhonge a été élu premier vice-président de la chambre basse du Parlement. Il a été crédité de 271 voix (61,3 %) sur un total de 442 suffrages exprimés, dont trois bulletins nuls. Son challenger, Henri-Thomas Lokondo, en a reçu 169. Le poste de rapporteur de l’Assemblée nationale est remporté par Nono Berocan, avec 335 voix (75,8 %) sur les 442 votants. Le deuxième candidat, Espérance Musafiri, en a reçu 94.[12]

Selon certains observateurs, ces résultats pourraient révéler un changement dans le rapport des forces au sein de l’Assemblée Nationale. Il s’agirait d’un changement à faveur de l’opposition et au détriment de la majorité, comme démontré dans le cas de l’élection du candidat de la majorité, Floribert Luhonge, au poste de Premier Vice Président du Bureau, ayant obtenu seulement 271 voix sur 442, soit 61,3% des suffrages exprimés et 54,2% du total des 500 députés qui composent l’Assemblée Nationale. En supposant que la plupart des 58 députés absents lors du vote étaient des membres de l’opposition, il apparait que les députés de l’opposition et du G7, présents lors du vote, auraient voté pour le deuxième candidat, Henry Thomas Lokondo, qui a obtenu 169 voix, soit 38, 23% des suffrages exprimés et 33,8% du total de 500 députés. Tenant compte de la totalité des 500 membres de l’Assemblée, avec ce vote, la majorité pourrait avoir perdu le 16,8% des sièges (84 députés), en passant de 355 à 271 députés. Par contre, l’opposition aurait pu gagner le 16,4% des sièges (82 députés), en passant de 145 à 227. Dommage que ce changement dans le rapport des forces entre la majorité et l’opposition n’ait pas pu être pris en compte, lors de l’élection des remplaçants des deux députés membres du Bureau.

c. La suspension des sessions ordinaires des Assemblées des nouvelles provinces

Le 1er octobre, le rapporteur de l’Assemblée provinciale de l’Ituri, Joseph Ndiya, a affirmé que la session ordinaire de septembre ne pourra plus avoir lieu sur décision du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab. Parmi les points inscrits à l’ordre du jour figuraient les arriérés de la session extraordinaire de juillet dernier et l’élaboration des prévisions budgétaires de l’Ituri. «Nous avons reçu l’instruction disant qu’il n’y a pas ouverture de la session ordinaire de septembre dans toutes les nouvelles assemblées des 21 provinces. Le même ordre dit qu’à ce stade, nous devons plus nous référer à la hiérarchie à Kinshasa», a déclaré Joseph Ndiya, qui relayait un message téléphonique d’Evariste Boshab.

Ngabu Kpari, ancien député national estime que la convocation d’une session ordinaire ne se justifie pas. Pour lui, un bureau provisoire ne peut pas convoquer une session ordinaire conformément à la loi. Son homologue Pele Kaswara ne partage pas cet avis. Il parle d’entorse à la démocratie. «Une fois de plus, c’est un coup dur à la démocratie. Lorsque le ministre de l’Intérieur, par une note, interdit la tenue des sessions ordinaires qui sont constitutionnelles, c’est une violation flagrante de la Constitution», estime ce député.

A la Tshuapa et en Equateur, les forces de l’ordre ont empêché les deux institutions à siéger.

Candidat au poste de gouverneur de la province de la Tshuapa, le Sénateur Jacques Djoli dénonce la mainmise du pouvoir central sur le fonctionnement des assemblées provinciales. «Depuis quelques temps, les assemblées et les provinces ne jouissent plus de leurs libertés. Elles sont gérées en violation de la constitution et de la loi portant principe de libre administration de province», a affirmé Jacques Djoli. Il rappelle que ces assemblées n’ont pas pu terminer leurs sessions extraordinaires qui devraient amener à l’élection de leurs bureaux «au motif qu’il n’existait pas de règlement intérieur». «Depuis lors, la Cour constitutionnelle a déclaré conforme à la constitution le règlement intérieur de certaines provinces, notamment à Tshuapa et d’autres provinces. Curieusement, ces provinces ne savent pas travailler parce que désormais elles sont gérées par des circulaires et instructions (…)», a indiqué Jacques Djoli.​[13]

Les Assemblées des Députés des nouvelles provinces ont reçu l’ordre du ministère de l’Intérieur de ne pas siéger comme prévu. C’est par téléphone et par voie de communiqué que leur a été donné l’ordre de ne pas démarrer leur session de septembre. Ces assemblées provinciales sont pourtant censées préparer l’élection des futurs 21 nouveaux gouverneurs, reportée sine die, car elles ne disposaient pas encore de règlement intérieur. Toutefois, depuis lors, la Cour constitutionnelle a validé le règlement intérieur d’au moins huit nouvelles assemblées provinciales. Rien ne les empêche donc de se remettre au travail, d’avancer, entre autres sur l’élection d’un nouveau gouverneur. Le ministère de l’Intérieur n’a pas donné d’explication à cette décision, ouvrant ainsi la porte à toutes sortes d’hypothèses. Suspendre la session ne fait-il pas courir le risque de retarder encore plus le calendrier électoral déjà totalement grippé? Le blocage ne serait-il pas finalement intentionnel de la part de Kinshasa? Voilà ce que se demande une partie de la classe politique. Enfin, d’autres sources évoquent un bras de fer entre Kinshasa et certaines provinces traditionnellement frondeuses, comme celle du Katanga par exemple, où le redécoupage en quatre entités se fait difficilement. Suspendre les assemblées serait une façon pour Kinshasa de reprendre les choses en main, en nommant d’abord des fonctionnaires à la tête de ces provinces.[14]

Le 17 octobre, le directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Intérieur, Albert Paka, a déclaré que les commissaires spéciaux, qui seront nommés à la tête de nouvelles provinces, ne formeront pas de gouvernement pour diriger ces provinces. Il a indiqué que ces commissaires spéciaux vont travailler avec des cabinets restreints et qu’ils seront notamment chargés de «doter les nouvelles provinces d’une administration, des services techniques et des infrastructures minimales, pour pouvoir créer les balises nécessaires, favorables à l’arrivée de nouveaux gouverneurs».[15]

2. LA PERSISTANTE INSÉCURITÉ AU KIVU

a. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 5 septembre, neuf personnes ont été tuées à la machette dans les localités de Ntoyi et Mukida, dans le secteur de Beni-Mbau dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). Trois corps sans vie ont été découverts le jour même et les six autres corps ont été retrouvés le jour après. Sur les premières trois victimes, deux sont des femmes, des mères de famille. Le corps de l’une d’elles, habitante du village Ntoyi près de Mavivi, a été décapité devant ses trois de ses onze enfants qui l’avaient accompagnée au champ aux environs de Ntoyi. Les assaillants ont également exécuté un couple à Mukida, village voisin de Ntoyi toujours à Mbau. Cette fois, c’est le corps de l’époux qui a été décapité. Selon des sources locales, les assaillants seraient des membres des ADF, à cause de leur mode opératoire sauvage: dépecer les victimes à l’aide d’armes blanches.

L’administrateur du territoire de Beni, Amisi Kalonda, a affirmé que l’attaque avait eu lieu dans une zone où les forces armées nationales (FARDC) ne sont pas installées et dont les habitants avaient été évacués face à la menace des ADF. N’en pouvant plus de leurs conditions de déplacés, les habitants étaient rentrés récemment chez eux pour pouvoir cultiver leurs champs et se nourrir, a-t-il ajouté.

Début juin, le président Joseph Kabila avait remplacé le commandant de l’opération militaire contre les groupes armés dans le nord du Nord-Kivu. Depuis lors, le rythme des attaques des ADF contre la population semblait avoir diminué, mais les morts d’aujourd’hui viennent rappeler que la menace n’est pas encore éradiquée.[16]

Le 10 septembre, des bandits armés ont attaqué une position des Forces armées de la RDC (FARDC) à Mamove, situé à environ 18 km de la cité d’Oicha, dans le territoire de Beni au Nord-Kivu. Certaines sources locales ont identifié les assaillants comme des miliciens Maï-Maï, alors que d’autres parlent des rebelles ougandais des ADF. Le bilan de l’attaque varierait entre 6 et 8 morts. L’administrateur du territoire de Beni, Amisi Kalonda, évoque six assaillants tués et deux capturés. Deux civils auraient également trouvé la mort lors de l’attaque, dont un enfant de 5 ans.[17]

Le 15 septembre, vers 19 heures, trois civils, un commerçant et ses deux filles, ont été tués dans une embuscade tendue par des présumés ADF à Kokola, un village situé à près d’une cinquantaine de kilomètres au Nord-Est de Beni.[18]

Le 27 septembre, le président de la Société civile de Beni, Teddy Kataliko, s’est dit préoccupé pour la dégradation de la situation sécuritaire dans ce territoire du Nord-Kivu. Il a affirmé que, «au cours du mois de septembre, on a enregistré une vingtaine des civils enlevés, plus de 27 personnes tuées, plus de 6 attaques meurtrières contre les FARDC, plus de 5 véhicules incendiés, sans compter les marchandises qui ont été soit emportées, soit incendiées par les assaillants», au cours d’embuscades tendues par des présumés rebelles ougandais des ADF.[19]

Le 1er octobre, à l’occasion de la commémoration du premier anniversaire du massacre de civils à Beni, perpétré le 2 octobre 2014, les coordinations de la société civile locale ont rappelé que Plus de cinq cents personnes ont été tuées à la machette, haches et marteaux, en l’espace d’une année, dans le territoire de Beni au Nord-Kivu. Le président de la société civile de Beni, Teddy Kataliko, a rappelé que ces actes ont été commis dans les agglomérations suivantes: Mukoko, Linzo Sisene, Apetinasana, Mayimoya, Kisiki, Eringeti, Kainama, Malehe, Kokola, Oicha, Ngite, Masulukwede, Vemba, Kadou, Ngadi, Munzambay, Kibidiwe, Matembo, Mavivi et Matiba. Après ces massacres, les coordinations de la société civile parlent de crimes contre l’humanité et demandent une enquête internationale pour identifier et poursuivre les vrais auteurs de ces actes.[20]

Le 12 octobre, au moins 8 civils ont été tués et plusieurs autres blessés dans deux attaques simultanées à Mukoko et Tenambo, deux villages situés à plus ou moins 40 km au Nord-Est de la ville de Beni. Selon la société civile locale, ces attaques sont attribuées aux rebelles ougandais des ADF.[21]

Le 15 octobre, la Plate-forme d’agences de transport au Congo (Platraco) a demandé au commandant des Operations Sokola1, le Général de Brigade Marcel Mbangu, de planifier l’escorte de leurs véhicules sur le tronçon Oicha-Luna sur la nationale n°4 dans la province du Nord-Kivu pour sécuriser les conducteurs, les passagers et leurs marchandises contre les embuscades des rebelles Ougandais des ADF. Ces transporteurs ont relevé qu’au cours de ce mois d’octobre, cinq véhicules ont été incendiés, plusieurs marchandises brûlées, des passagers tués et deux membres de l’équipage portés disparus au cours des embuscades et attaques des ADF sur le tronçon Oicha-Luna.[22]

b. Les cas d’enlèvements se multiplient

Le 2 octobre, à la hauteur du village Busendo, en territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), des hommes armés ont enlevé une dizaine de personnes. Selon la société civile de Vitshumbi, les victimes étaient à bord de cinq minibus en provenance de Goma et à destination de la ville de Butembo. Après l’embuscade, elles ont été emmenées dans la brousse. Parmi elles, deux seulement ont été relâchées quelques heures plus tard.

Ce nouveau cas d’enlèvement intervient quelques jours après celui de trois autres personnes au même endroit. Ces 3 personnes ont passé trois jours dans la forêt avant d’être relâchées. Les ravisseurs qui exigeaient 9.000 $ auparavant, seraient en train d’en demander 3.000 pour leur libération. Cette caution n’a pas été versée. Cette situation inquiète les acteurs locaux et les commerçants qui empruntent l’axe routier pour se rendre dans le Grand Nord de la province par voie routière. Le vice-président de la société civile de Vitshumbi, Kambale Sikuli Simwa, demande aux autorités militaires de trouver une issue au phénomène de kidnapping qui est devenu un moyen d’enrichissement des inciviques dans cette région.

Depuis plusieurs mois, la prise d’otages est « à la mode » dans la contrée. Omar Kavota, directeur exécutif du Centre d’études pour la promotion de la paix, la démocratie et les droits de l’homme, affirme avoir recensé environ 600 cas de kidnappings sur cette route, depuis le début de l’année 2015. On s’interroge encore sur l’identité de ces kidnappeurs. Appartiennent-ils aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), aux Forces démocratiques alliées (ADF) ou encore aux Maï-Maï, ou bien sont-ils de simples bandits armés?[23]

c. La rencontre des ministres congolais et rwandais de la Défense à Kigali

Le 23 et 24 septembre, le ministre congolais de la Défense nationale, Aimé Ngoi-Mukena, et son homologue rwandais, James Kabarebe, se sont réunis à Kigali, capitale rwandaise.

Un communiqué conjoint indique cette rencontre a permis aux deux ministres de «examiner les défis de sécurité auxquels font face les deux pays et s’accorder sur des stratégies globales pour y remédier». Les deux ministres ont souligné que «la réunion de Kigali a ouvert un nouveau chapitre pour renforcer la coopération bilatérale et résoudre les problèmes de sécurité dans les deux pays, notamment l’éradication des FDLR présents dans l’Est qui continuent à constituer une menace dans les deux pays et le rapatriement des ex-combattants M23 cantonnés au Rwanda».

Les deux ministres ont enfin pris les résolutions suivantes:

«a. une réunion des chefs d’état-major généraux soutenue par les chefs des renseignements militaires se tiendra à Kigali le plus tôt possible et à une date qui sera communiquée ultérieurement. Ils élaboreront des voies et moyens pour l’éradication des FDLR.

  1. Une équipe conjointe des deux pays sera établie pour traiter de la question du rapatriement des ex-combattants du M23 cantonnés au Rwanda et des combattants FDLR se trouvant en RDC. Les institutions nationales et internationales seront invitées à accompagner le processus.
  2. pour formaliser ce nouvel esprit de coopération, des réunions bilatérales sur les questions de sécurité entre la RDC et le Rwanda se tiendront sur une base régulière».[24]

Le 26 septembre, le coordonnateur de la société civile du Nord-Kivu, Thomas d’Aquin Mwiti, a fait état d’une information sur la signature d’un accord entre Kigali et Kinshasa sur l’arrivée des militaires rwandais pour traquer, avec leurs homologues congolais, les rebelles des FDLR. S’interrogeant sur les résultats de la dernière opération conjointe des armées congolaise et rwandaise contre ces même FDLR, il a mis en garde contre la signature d’un tel accord: «L’information qui circule maintenant c’est qu’il y a déjà un accord qui vient d’être signé à Kigali entre les gouvernements rwandais et congolais sur l’envoi des militaires rwandais sur le sol congolais pour traquer les FDLR. Le constat pour nous est amer. Il n’est pas possible que l’armée rwandaise vienne faire la guerre contre les Rwandais FDLR sur le sol congolais!».

Thomas d’Aquin Mwiti s’est interrogé aussi sur l’opportunité de faire appel aux militaires rwandais alors que, selon lui, l’armée congolaise a refusé de collaborer avec la brigade d’intervention de la Monusco pour traquer les FDLR.[25]

Le 29 septembre, la Coalition des partis de l’Opposition basés au Nord-Kivu (COPAP) a adressé une lettre ouverte aux Parlementaires nationaux (Députés et Sénateurs), pour dénoncer un éventuel nouveau mariage contre-nature entre les FARDC et l’armée rwandaise.

Selon cette lettre, «en sollicitant l’intervention des troupes rwandaises sur le territoire congolais lors de la réunion des ministres de défense du Rwanda et de la ROC tenue à Kigali du 23 au 24 septembre dernier, le Gouvernement congolais vient à nouveau de déposséder les populations congolaises du Nord-Kivu de ce droit fondamental qu’est le droit à la paix et à la sécurité (art.52, al.1 de la constitution congolaise du 18 février 2006)».

Pour la Coalition des partis politiques de l’opposition au Nord-Kivu, «la démarche du ministre de la Défense en allant solliciter la collaboration du Rwanda est une façon, pour notre Gouvernement, de couvrir, pour la nième fois l’agression de la RDC par le Rwanda. En effet, il y a à peine cinq mois, en date du 23 avril 2015, que le Gouverneur de province du Nord-Kivu, Julien Paluku Kahongya, a publiquement dénoncé la création par le Rwanda d’une nouvelle rébellion constituée des ex-M23 dénommée « Mouvement chrétien pour la Reconstruction du Congo ». Par la même occasion, le Gouverneur de province a déclaré: « je confirme l’infiltration de l’armée rwandaise sur le sol congolais, à l’intérieur du territoire national, à presque un km sur la colline appelée Musongoti ». Même à ce jour les populations habitant les zones frontalières continuent à assister nuit et jour aux défilés des militaires rwandais sur le territoire congolais en l’absence curieuse de nos forces de défense qui, selon le porte-parole de la 34e région militaire entendu sur radio Okapi le 28/9/2015, se seraient retirées sur ordre de la hiérarchie militaire de Kinshasa, pour des raisons tactiques. Quelle trahison!». Selon les signataires de la lettre, «les Congolais du Nord-Kivu ont été fort scandalisés par les propos tenus par Ngoy Mukena lors de la réunion de Kigali, d’après lesquels Paul Kagamé serait un « homme providentiel pour la région des Grands-Lacs ». Quel outrage envers les victimes congolaises de multiples agressions du Congo par le Rwanda». En outre, «dans l’hypothèse d’un probable accord de coopération militaire du genre « Umoja Wetu » de triste mémoire, la COPAP ne comprend pas comment le Gouvernement congolais a sciemment résolu de se passer de l’appui de la Brigade d’Intervention de la Monusco dans la neutralisation des FDLR et, par contre, a décidé de solliciter la coopération militaire du Rwanda qui fait pourtant partie au problème. Cela montre à suffisance qu’il y a anguille sous roche!». Enfin, la Coalition des partis politiques de l’opposition au Nord-Kivu «recommande au Parlement congolais d’exiger au Gouvernement congolais la clarification de la situation sécuritaire à l’Est du Pays».[26]

Le 1er octobre, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a démenti des allégations faisant état, depuis une semaine, de la présence des troupes rwandaises dans cette province. En effet, certains habitants de Rutshuru et des organisations de la société civile locale avaient fait état, quelques jours auparavant, de la présence des soldats rwandais notamment à Mwesso, dans le Masisi ainsi que le long de la chefferie de Bwito, dans le Rutshuru. Selon ces sources, cette présence étrangère serait la conséquence de l’accord signé le 24 septembre dernier à Kigali, en matière de coopération entre les gouvernements de la RDC et du Rwanda. « Il n’y a eu aucun accord signé entre les deux pays dans ce domaine [militaire, NDLR]», a affirmé Julien Paluku, en indiquant que, «à l’heure actuelle, il n’y a aucun militaire rwandais sur le sol congolais. Ce sont des rumeurs qui circulent inutilement pour chercher à électriser la vie de nos populations, au lieu de vaquer normalement à leurs occupations». Julien Paluku a par ailleurs démenti la signature d’un accord sécuritaire entre Kinshasa et Kigali: «Lorsque les deux ministres de la Défense se sont rencontrés, ils sont allés chacun donner rapport à son président. Je crois que, s’il y a une opération conjointe qui est programmée entre les deux Etats, ça sera fait à l’instar de ce qui a été fait en 2009, lorsque Laurent Nkunda a été arrêté. Et je n’ai aucun intérêt, comme gouverneur, de cacher la vérité à la population congolaise». Lorsqu’il y a eu des opérations conjointes entre l’armée rwandaise et l’armée congolaise, «nous avons organisé leur entrée (soldats rwandais), c’était le 25 janvier 2009. Et le 25 février de cette même année, ils sont rentrés au Rwanda», a-t-il rappelé. Selon lui, les Forces armées de la RDC (FARDC) sont bien déployées à Masisi, à Rutshuru et à Nyiragongo, où elles sont engagées dans la lutte contre les rebelles rwandais FDLR, qui déstabilisent cette région de l’Est de la RDC. Le gouverneur Paluku a ainsi invité les populations de sa province à rester sereines.[27]

d. Vers la fin des opérations de rapatriement des réfugiés rwandais

Le 2 octobre, les pays qui accueillent des réfugiés rwandais qui ont fui leur pays avant le 31 décembre 1998 ont annoncé que les opérations de rapatriement volontaire de ces réfugiés prendront fin le 31 décembre 2016. C’est l’une des décisions prise lors de la réunion ministérielle tenue à Genève entre le haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) et les pays d’accueil de ces réfugiés en Afrique. En plus de la RDC, onze autres pays africains accueillent ces réfugiés rwandais. Il s’agit de l’Angola, du Burundi, du Cameroun, du Kenya, du Malawi, de l’Ouganda, du Mozambique, du Congo Brazzaville, de l’Afrique du Sud, de la Zambie et du Zimbabwe. Plusieurs milliers de réfugiés rwandais vivent en RDC. Selon la Commission nationale congolaise des réfugiés, 245 000 réfugiés auraient été recensés en RDC. Les délégués à la réunion de Genève ont promis, avant toute autre initiative, de dialoguer avec les réfugiés rwandais vivant dans leurs pays en vue d’organiser leur rapatriement volontaire avant l’expiration du délai convenu. Ils ont également souligné la nécessité pour chaque Etat d’empêcher, en cas de refus de rapatriement, que ces anciens refugiés deviennent « apatrides ». En cas de refus des réfugiés d’être rapatriés, ils ont recommandé aux Etats concernés de «prendre toutes les mesures possibles, y compris l’exploration de l’acquisition de la citoyenneté». Au cours de la rencontre de Genève, le HCR a annoncé qu’il ne sera plus en mesure de soutenir «opérationnellement» les déplacés rwandais après décembre 2017.[28]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 13.10.’15; RFI, 13.10.’15

[2] Cf Radio Okapi, 12.10.’15; RFI, 13.10.’15 http://www.rfi.fr/afrique/20151012-rdc-ceni-mise-point-commission-electorale-gouvernement-publier-lundi-matin

[3] Cf Radio Okapi, 13.10.’15

[4] Cf Radio Okapi, 06.10.’15

[5] Cf Radio Okapi, 09.10.’15

[6] Cf Radio Okapi, 12.10.’15

[7] Cf RFI, 15.10.’15

[8] Cf Didier Kebongo – Forum des As – Kinshasa, 13.10.’15

[9] Cf Radio Okapi, 14.10.’15

[10] Cf Radio Okapi, 15.10.’15

[11] Cf Radio Okapi, 16.10.’15

[12] Cf Radio Okapi, 17.10.’15

[13] Cf Radio Okapi, 01.10.’15

[14] Cf RFI, 05.10.’15

[15] Cf Radio Okapi, 17.10.’15

[16] Cf Radio Okapi, 06.09.’15; AFP – Le Matin, 07.09.’15

[17] Cf Radio Okapi, 11.09.’15

[18] Cf Radio Okapi, 16.09.’15

[19] Cf Radio Okapi, 27.09.’15

[20] Cf Radio Okapi, 02.10.’15

[21] Cf Radio Okapi, 13.10.’15

[22] Cf Radio Okapi, 16.10.’15

[23] Cf Radio Okapi, 03.10.’15; RFI, 04.10.’15

[24] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 02.10.’15 controverse-autour-de-la-reunion-des-ministres-de-la-defense-a-kigali-sur-l-eradication-des-fdlr

[25] Cf Radio Okapi, 26.09.’15

[26] Cf Le Phare – Kinshasa, 07.10.’15 http://www.lephareonline.net/rdc-rwanda-vers-une-nouvelle-alliance-militaire/

[27] Cf Radio Okapi, 01.10.’15

[28] Cf Radio Okapi, 05.10.’15

Éléctions et contraintes financieres

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Editorial Congo Actualité n. 254 – Par le Réseau Paix pour le Congo

Sans moyens, pas d’élections

Dans une lettre adressée au Premier Ministre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a affirmé que le processus électoral n’avance pas faute de décaissement de fonds, en précisant que le gouvernement verse à la centrale électorale les frais de fonctionnement et de rémunération de son personnel, mais ne finance pas suffisamment les opérations électorales.

Dans ce document, la Commission électorale précise que, au cours de ces trois dernières années, elle n’a reçu que 17 % des fonds alloués par le Parlement.

La Ceni rappelle que, en 2013, alors que l’Assemblée Nationale lui avait alloué plus de deux cents millions de dollars, rien ne lui avait été versé pour financer la logistique. Ainsi, les matériels prévus n’ont pas pu être achetés.

En 2014, le Parlement avait alloué à la Ceni les crédits de 195 milliards 304 millions de francs congolais (212.286.957 $). Le gouvernement n’a décaissé que 24 % de ce montant.

Pour l’année 2015, le budget voté est de plus de 186 milliards 637 millions de francs congolais. Mais, d’après la Ceni, le gouvernement ne lui a versé que 22 %.

 

Quelles causes?

On pourrait songer à deux hypothèses:

– Le manque de financement des élections par le gouvernement pourrait être dû à l’insuffisance des moyens financiers à sa disposition. Il peut être probable, étant donné que le budget national de 2015 est d’environ 9 milliards $ (dont au moins 4 proviennent de la communauté internationale en tant qu’aide budgétaire) et que le coût de l’organisation d’un cycle électoral complet (élections locales, législatives provinciales et nationales, sénatoriales et présidentielles) dépasse 1 milliard de $. Cependant, dans un Pays parmi les plus riches au monde en ressources naturelles (mines, forêts, eau, …), cette hypothèse révèle une grande contradiction et un scandale évident: la mauvaise gouvernance dans le chef des Autorités gouvernementales.

– Le manque de financement des élections par le gouvernement pourrait être une stratégie des mêmes Autorités gouvernementales, pour renvoyer l’organisation des élections et se maintenir au pouvoir.

Quatre recommandations

Pour sortir de l’impasse, on pourrait:

– Intensifier la pression sur les Autorités gouvernementales, notamment le Premier Ministre, le Ministre de l’Économie et le ministre de l’Intérieur, pour qu’ils s’engagent à doter la Commission électorale des fonds nécessaires pour l’organisation des élections.

– Réserver la priorité à l’organisations des élections dont les échéances sont explicitement précisées par la Constitution: la présidentielle et les législatives nationales et provinciales.

– Organiser les élections d’une manière compatible avec la situation de pauvreté dans laquelle le Pays se retrouve plongé et, par conséquent, avec les moyens disponibles.

– Encourager des modalités de collaboration et de volontariat qui puissent favoriser une participation directe de la population aussi dans la phase préparatoire des élections.

Dans un contexte d’un possible changement

Selon certains observateurs, les résultats des élections des remplaçants des membres démissionnaires du Bureau de l’Assemblée Nationale, pourraient révéler un changement dans le rapport des forces au sein de l’Assemblée Nationale. Il s’agirait d’un changement à faveur de l’opposition et au détriment de la majorité, comme démontré dans le cas de l’élection du candidat de la majorité, Floribert Luhonge, au poste de Premier Vice Président du Bureau, ayant obtenu seulement 271 voix sur 442, soit 61,3% des suffrages exprimés et 54,2% du total des 500 députés qui composent l’Assemblée Nationale. En supposant que la plupart des 58 députés absents lors du vote étaient des membres de l’opposition, il apparait que les députés de l’opposition et du G7, présents lors du vote, auraient voté pour le deuxième candidat, Henry Thomas Lokondo, qui a obtenu 169 voix, soit 38, 23% des suffrages exprimés et 33,8% du total de 500 députés. Tenant compte de la totalité des 500 membres de l’Assemblée, avec ce vote, la majorité pourrait avoir perdu le 16,8% des sièges (84 députés), en passant de 355 à 271 députés. Par contre, l’opposition aurait pu gagner le 16,4% des sièges (82 députés), en passant de 145 à 227. Dommage que ce changement dans le rapport des forces entre la majorité et l’opposition n’ait pas pu être pris en compte, lors de l’élection des remplaçants des deux députés membres du Bureau.


Congo Actualité n. 259

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SOMMAIRE:

ÉDITORIAL: LE NOUVEAU VISAGE DES GROUPES ARMÉS

  1. GROUPES ARMÉS ET INSÉCURITÉ
    1. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)
    2. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)
    3. Les Maï-Maï
    4. Le Mouvement du 23 Mars (M23)
  2. TROISIÈME PHASE DU PROGRAMME DE DÉSARMEMENT ET RÉINSERTION
  3. LA QUESTION DES RÉFUGIÉS RWANDAIS

 

ÉDITORIAL: LE NOUVEAU VISAGE DES GROUPES ARMÉS

 

1. GROUPES ARMÉS ET INSÉCURITÉ

a. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le 5 novembre, deux civils ont été tués et 4 autres enlevés par les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) à Buhimba dans le Groupement Kisimba, en Territoire de Walikale. Les personnes enlevées ont été relâchées le lendemain après versement d’une rançon par leurs proches. Le 7 novembre, dans le village de Mukeberwa, en Groupement Itala (Territoire de Lubero), 3 civils ont été kidnappés par les FDLR.[2]

Une nouvelle milice Mai-Mai dénommée Union des Patriotes pour Défendre les Innocents (UPDI) a été créée dans le sud-Lubero pour combattre contre les FDLR. Cette milice est présentement localisée dans la localité Vusanga, en Groupement Itala, au sud-ouest du Territoire de Lubero. Elle est commandée par Marungu Muliro. Il motive la création de sa milice par le souci de libérer la population de l’administration imposée par les rebelles rwandais FDLR aux paysans des Groupements Tama et Itala (en Territoire de Lubero) et Ikobo (en Territoire de Walikale).[3]

Le 10 novembre, les FDLR ont attaqué la position des Mai-Mai UPDI de Katundula, un village de la localité de Mulinde, en Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero. Deux FDLR ont été tués et plusieurs autres blessés. Du côté civils, outre les maisons incendiées, on note deux blessés.

Le 12 novembre, c’est dans le Village de Mbiritsi, en localité Mulinde, Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero que les FDLR ont attaqué la nouvelle milice Maï-Maï UPDI.

Les FDLR ont dirigé cette attaque contre la position des Maï-Maï UPDI pour venger leurs morts et blessés dans les affrontements du 10 novembre contre le même groupe à Katundula, mais elles ont encore subi un revers de la part de l’UPDI qui a réussi à les repousser.[4]

Le 14 novembre, les miliciens May-May de l’Union des Patriotes pour la Défense des Innocents (UPDI) ont attaqué les rebelles rwandais des FDLR dans leur position de Kimaka, en Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero. Après des accrochages d’environ deux heures, les May-May ont réussi à chasser les FDLR de leur importante position pour occuper et passer sous leur contrôle le village de Kimaka. Le bilan provisoire fait état de 5 combattant-FDLR tués et plusieurs blessés. Quant au may-may, on indique 2 morts dans leurs rang.[5]

Depuis le 15 novembre, les habitants des localités de Buleusa, Kateku, Bashalingwa et Kanune (Nord-Kivu), sont pris en otage par les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Certains témoins sur place indiquent que personne ne peut ni sortir, ni entrer dans ces localités, les FDLR ayant empêché tout mouvement des populations.

Selon des sources à Buleusa, les FDRL interdisent tout regroupement. Il n’est pas question non plus de partager de la nourriture en groupe. Un responsable d’une école affirme aussi que toute communication téléphonique est prohibée à Buleusa, Bushalingwa, Kateku et Kanune. Les FDLR auraient établi le châtiment du fouet pour punir chaque habitant désobéissant à ces règles.

Selon un notable de la région, ces rebelles hutus rwandais qui se sentent menacés par les jeunes Maï-Maï du groupe Kiyanda-Yira de Lubero, utilisent ces habitants comme boucliers humains.[6]

Le 15 et le 16 novembre, les FDLR ont tué entre 3 et 15 civils à Mutenda, un village situé dans le Groupement Munzoa, en territoire de Lubero. La plupart des civils ont été tués dans leurs champs. Les FDLR les ont soupçonnés d’être en connivence avec les May-May du Nduma Defense of Congo (NDC) de Ntabo Taberi Cheka, leur rival. Les rebelles rwandais avec l’appui des May-May Pareco (de Kakule Sikuli La Fontaine) étaient en pleine reconquête des villages anciennement sous leur administration, des villages qui venaient de passer sous le contrôle du NDC il y a quelques mois.[7]

Le 17 novembre, les Forces Armées de la RDCongo (FARDC) ont repris le contrôle du village de Kimaka, en Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero. Ce village était occupé par les May-May/UPDI depuis le 14 novembre, après avoir réussi à y déloger les FDLR.[8]

Le 21 novembre, plusieurs notables de Walikale ont déclaré que, depuis quinze ans, onze villages du groupement Ikobo dans le territoire de Walikale sont occupés et administrés par les rebelles rwandais des FDLR. Ils accusent les rebelles hutus rwandais de prélever différentes taxes sur la population locale, de trancher des conflits entre individus devant leurs propres tribunaux et surtout de nommer et révoquer des chefs coutumiers du terroir alors qu’ils n’en ont légalement pas la compétence. Outre ces actes relevant de la gestion administrative illégale de ce groupement de Walikale, les notables de ce territoire accusent également les FDLR de s’adonner à l’exploitation illégale des bois et des minerais dans la région en toute impunité. Selon plusieurs sources locales, faute de réactions de la part du gouvernement central, deux groupes Maï-Maï se sont coalisés pour mettre fin au règne des FDLR dans la région. Il s’agit des Maï-Maï Kiyanda-yira venus de Lubero et des Maï-Maï NDC/Rénové du chef rebelle Guidon Mwisa Shirirayi de Walikale. Plusieurs sources locales précisent que, depuis deux semaines, les deux mouvements armés traquent les FDLR dans la région.[9]

Le 22 novembre, les FDLR ont été attaquées par la milice Nduma Defense of Congo (NDC) de Tabo Taberi Cheka, à Bukumbirwa, en localité de Banamulema, dans le Groupement Ikobo, Secteur de Wanyanga. Elles ont perdu le contrôle du village avant de se replier sur Buleusa, leur important bastion dans le Groupement. Par ailleurs, le NDC a également réussi à arracher aux FDLR le village de Rusamambu, en Groupement voisin de Kisimba (toujours dans le Secteur de Wanyanga).[10]

Depuis le 22 novembre, environ 6500 familles du groupement Ikobo, en territoire de Walikale, ont abandonné leurs localités, suite aux affrontements armés entre les miliciens Maï-Maï et les FDLR. Ces déplacés ont trouvé refuge dans les localités de Miriki, Luofu, Kimaka, Kirumba et Kanyabayonga, dans le territoire voisin de Lubero (Nord-Kivu). Entre-temps, les FDLR tentent de reprendre le contrôle de cette contrée occupée actuellement par les Maï-Maï NDC et leurs alliés.[11]

Le 23 novembre, la coalition des May-May NDC (Nduma Defense of Congo de Taberi Cheka) et UPDI (Union des Patriotes pour la Défense des Innocents) a pris d’assaut la base des FDLR de Buleusa (25km sud-ouest de Miriki) réussissant à les déloger de leur bastion.[12]

Le 24 novembre, le village de Bukumbirwa, en localité de Banamulema, dans le Groupement Ikobo, Secteur de Wanyanga, en Territoire de Walikale, a été attaqué par les FDLR. Le bilan provisoire des combats fait état de 7 morts, dont 6 FDLR et 1 Civil. Le NDC occupe encore Bukumbirwa.[13]

Le 25 novembre, dans la soirée, les FDLR ont incendié le village de Bukumbirwa et de Rusamambu. Les FDLR ont profité de l’absence des May-May NDC dans les 2 villages qu’ils avaient abandonné, après les avoir conquis, pour se lancer à la poursuite des FDLR en brousse.[14]

Le 26 novembre, à Buleusa, en Groupement Ikobo, dans le Secteur des Wanyanga en Territoire de Walikale, des affrontements ont de nouveau opposé la coalition FDLR/PARECO à la coalition May-May NDC-UPDI. Le bilan provisoire fait état de 7 FDLR tués, 3 May-May et 1 civil tués lors des combats et 3 autres civils blessés grièvement.[15]

Le 27 novembre, les FDLR ont décapité 2 civils à Kyambala et 4 autres à Misinga, des villages situés en Groupements Ikobo et Kisimba, au nord du Territoire de Walikale.[16]

Le 28 novembre, poursuivies par les Maï-Maï UPDI, les FDLR ont incendié le village de Buleusa, dans le Groupement Ikobo, en territoire de Walikale.[17]

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) imposent des taxes illégales aux agriculteurs, dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu). Selon plusieurs témoignages, ces agriculteurs payent la somme de 40 dollars américains par hectare de maïs avant toute récolte et se plaignent du fait qu’ils payent déjà 5 dollars américains comme droit d’accès à leurs propres champs. Les cultivateurs qui n’ont pas d’argent en espèce donnent un bassin de maïs, chacun.

Le maïs collecté comme taxes est vendu dans les dépôts de vivres à Kiseguru et Kinyandonyi.

Un notable de Rutshuru explique qu’un commandant FDLR dénommé «Gavana» impose ces taxes aux agriculteurs des localités de Kinyandonyi, Ngwenda, et Nyabanira. Un autre ajoute qu’une paillote qui fait office de poste de perception de ces taxes illégales a été construite à Kinyandonyi, à environ 2 km seulement d’une position des Forces armées de la RDC (FARDC). Les agriculteurs demandent aux autorités provinciales de traquer ces rebelles rwandais qui asphyxient économiquement les populations de Rusthuru. Les autorités administratives du territoire de Rutshuru disent qu’elles ne sont pas informées de cette situation.[18]

b. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 11 novembre, dans le village de Kisiki, en Groupement de Bambuba, en Secteur de Beni-Mbau, les Forces Démocratiques Alliées (ADF) ont tué une femme qui sortait matinalement pour aller dans son champ. Une seconde victime c’est un militaire FARDC à bord d’une moto qui était de passage sur la route en ce lieu.[19]

Le 13 novembre, les ADF ont fait irruption à Kokola / Kimbau, un village situé à plus au moins à 45km au nord de Beni-Ville, sur la nationale n. 4, dans le Secteur de Beni-Mbau. Les ADF ont pris d’assaut la position militaire de Kimbau à quelques mètres de la RN4. Du côté des FARDC, il y a eu 1 mort et 1 blessé. Quant aux ADF, on parle d’au moins 6 tués et plusieurs blessés. Les combattants ADF étaient plus d’une centaine, lourdement armée, parlant en majorité swahili congolais.[20]

Le 19 novembre, vers 4h30 du matin, les ADF ont attaqué la position des FARDC à Atukaka, environs 5km de la route nationale n. 4, à l’Est de Kokola, dans le Groupement de Bambuba, Secteur de Beni-Mbau. Les combats se sont poursuivis jusqu’à 6h30 avant de reprendre aux environs de 11h00 lorsque l’ennemi repoussé à Atukaka est réapparu entre Tungudu et Opira, sur la RN4, attaquant pour une nouvelle fois l’autre position des FARDC. 3 militaires des FARDC auraient été tués et 9 autres blessés. Quant aux ADF, on ne dispose d’aucun bilan pour l’instant.[21]

Le 24 novembre, les ADF ont attaqué la position des Forces Armées de la RDC à Mukoko, village situé à 3km d’OICHA (Chef-lieu du Territoire de Beni), dans le Groupement Bambuba, Secteur de Beni-Mbau, sur la route nationale n. 4. Le bilan provisoire fait état de 5 morts et 4 blessés parmi les civils. Du côté de l’armée, 2 militaires auraient été tués et 1 blessé. Les FARDC ont réussi à chasser l’ennemi et contrôlent le village.[22]

Le 29 novembre, fin après-midi, des violents affrontements ont opposé les FARDC aux rebelles ougandais des ADF à Eringeti, une localité située à environ 60 kilomètres au Nord-Est de la ville de Beni (Nord-Kivu). Selon des sources locales, vers 15h00, les rebelles ougandais ont engagé une offensive, contre l’Etat-major du 312e bataillon de la 31e Brigade des FARDC basées à Eringeti. À en croire des sources sécuritaires, les ADF occupaient, depuis 17 heures locales, une partie d’Eringeti, dont le sous-commissariat de la Police nationale congolaise (PNC) dans cette localité. Les affrontements ont duré plus de 10heures (jusqu’à 1h00 du 30 novembre). Une accalmie relative s’observait à Eringeti où les Forces Armées appuyées par les Casques-bleus Tanzaniens de la FIB contrôlent la situation après avoir réussi à repousser l’attaque. La population d’Eringeti est en fuite vers plusieurs villages du territoire de Beni et la localité de Luna en Province Orientale.

Selon le colonel Félix-Prosper Basse, porte-parole de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco), quatre soldats congolais, un Casque bleu malawite et 12 ADF ont été tués lors des combats, tandis que 7 civils ont été tués à la machette par les ADF à l’hôpital d’Eringeti.

Toutefois, les premières informations recueillies par le CEPADHO, le bilan provisoire est de 30 morts, dont: 14 ADF, 8 militaires des FARDC, 1 Casque-bleu de la Monusco de la FIB et 7 civils tués à la manchette par les ADF. S’agissant des corps des ADF, nombreux sont ceux qui sont d’apparence somalienne. Selon plusieurs témoins à Eringeti, pendant qu’ils combattaient ou exécutaient les civils, les milicien ADF disaient toujours en arabe « Allah Akbar » (Dieu est Grand), donc prétendant être en pleine guerre sainte « le Jihad ». Il est donc temps que le Gouvernement Congolais et la Communauté Internationale agissent urgemment pour arrêter un éventuel Jihadhisme en émergence dans cette partie du pays.[23]

c. Les Maï-Maï

Le 16 novembre, la société civile du Sud-Kivu a dénoncé l’occupation de plusieurs localités du territoire de Kalehe, au Sud-Kivu, par plusieurs factions des groupes armés. Ces derniers commettent des actes de nature à troubler la paix des citoyens. Dans le groupement de Bunyakiri à Kalima, les Raia Mutomboki de Hamakombo pillent la population, font payer des taxes et arrêtent des civils contrevenants à leurs mesures. A Mubugu, c’est le groupe armé dénommé «RM Butachibera» qui sème la terreur en extorquant les biens de la population. Dans la chefferie de Buloho, un certain «Mweke» s’est autoproclamé administrateur de cette entité grâce à son groupe armé. Par ailleurs, à Katasomwa, des miliciens Nyatura exigent aux commerçants de payer le droit d’exercer leurs activités à Rhana. La société civile locale attribue ce regain d’activisme des groupes armés dans la région à l’insuffisance des régiments des FARDC. A en croire des sources locales, un seul régiment est affecté à la sécurisation de plusieurs groupements de Kalehe.[24]

Le 24 novembre, des sources de la société civile de Bunyakiri (Sud Kivu) ont révélé que des groupes armés tentent de se réorganiser au Sud-Kivu, principalement dans le territoire de Kalehe et de Shabunda, pour s’attaquer aux positions des Forces armées de la RDC (FARDC). Les leaders de cinq groupes Raïa Mutomboki se sont réunis le 21 novembre à Nyambembe (Shabunda), pour peaufiner leur plan, indiquent les mêmes sources. Une autre réunion similaire des combattants de la milice Nyatura, coalisés aux FDLR, se serait tenue le même jour à Kalehe. Les réunions tenues le week-end dernier par les miliciens avaient pour but de permettre à leurs milices de se constituer en un groupe armé plus homogène et dynamique pour affronter militairement les FARDC. D’après la société civile de Bunyakiri, la démarche a connu l’adhésion d’une dizaine de mouvements armés actifs dans la zone. La société civile de Shabunda et de Kalehe affirme que ce sont principalement les zones minières qui sont visées par les groupes armés et leurs alliés.[25]

d. Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Le 18 novembre, les ministres de la Défense de la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs (CIRGL) ont indiqué que le processus de rapatriement du reste des ex-combattants ex-M23 basés en Ouganda doit commencer le 1er décembre prochain et s’achever au plus tard le 15 décembre 2015. Ils ont lancé cet ultimatum à l’issue de leur réunion restreinte à Kinshasa. Cette réunion était organisée dans le but d’exécuter les décisions prises par les chefs d’Etat de la CIRGL à Luanda (Angola) en mai dernier, sur le rapatriement de ces ex-combattants M23 basés à Ouganda. Les ministres de Défense des pays de la CIRGL ont aussi demandé à la communauté internationale d’examiner les sanctions à prendre contre les responsables des ex-combattants M23 qui entraveraient le processus. Les chefs d’Etat de pays de la CIRGL avaient accordé trois mois pour que soit achevé le processus de rapatriement de ces ex-combattants du M23. Mais ce rapatriement qui devait en principe terminer au mois d’août dernier, souffre encore d’exécution. Le gouvernement de la RDC et les ex-rebelles du M23 se rejettent la responsabilité du non-respect des engagements des déclarations de Nairobi.[26]

2. TROISIÈME PHASE DU PROGRAMME DE DÉSARMEMENT ET RÉINSERTION

Le 24 octobre, environ 600 ex-combattants issus des groupes armés regroupés au centre de transit de la base militaire de Kamina ont organisé une protestation contre les mauvaises conditions de vie et d’hébergement auxquelles ils sont soumis dans ce centre, depuis environ deux ans.

Pour exprimer leur mécontentement, ces ex-combattants ont marché de la base militaire de Kamina au centre-ville, parcourant 35 km. Une situation qui a semé de la panique au sein de la population. Les commerçants locaux n’ont pas hésité à fermer les boutiques, les marchés et les magasins.

Selon certaines sources, c’était depuis trois jours que ces ex-combattants avaient commencé à manifester dans cette base militaire. Mais les autorités militaires n’ont pas su les contenir, la situation devenant de plus en plus grave. D’autres sources indiquent que dans leur mémorandum qu’ils cherchent à adresser à la Monusco et aux autorités militaires, ces ex-combattants exigent l’amélioration de leurs conditions de vie et d’hébergement dans ce camp de transit. Ils veulent aussi que les autorités militaires accélèrent le processus de leur intégration dans l’armée nationale.[27]

Le 25 octobre, le ministre de la Défense, Crispin Atama, a invité les six cents ex-combattants à regagner la base de Kamina. En séjour à Kamina, dans le Haut-Lomami, Crispin Atama a promis à ces ex-combattants des groupes armés une accélération du processus de leur démobilisation. D’ici trois mois, ils apprendront différents métiers qui faciliteront leur réintégration dans la société, a-t-il garanti. Les ex-combattants ont momentanément installé leur quartier général dans la localité de Lukulwe, à environ 8 km de la base militaire de Kamina. Les contestataires ont finalement accepté de rentrer dans la base militaire.[28]

Le 25 novembre, la troisième phase du programme national de Démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) des ex-combattants a été officiellement lancée à la base militaire de Kitona au Kongo-Central. Les ex-combattants issus des groupes armés regroupés dans cette base militaire vont apprendre des métiers. Ils seront notamment formés à la maçonnerie, la coupe couture, l’agriculture et la conduite automobile. Des formations seront notamment dispensées par l’Institut national de préparation professionnelle (INPP), Caritas Congo, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Union européenne.

Le début de cette phase du programme DDR réjouit les ex-combattants. Mais certains doutent qu’elle aille jusqu’au bout. «Nous sommes vraiment satisfaits. Mais je doute fort que ce gouvernement réalisera tout ce qu’il vient de nous promettre ici parce que ça fait deux ans que nous sommes dans le centre à Kitona sans compter les centres où on nous regroupait dans nos provinces respectives», indique un ancien combattant.

Pour sa part, le vice-ministre de la défense, René Nsibu, qui a présidé cette cérémonie a fait savoir que, après leur formation, les anciens combattants vont réintégrer la société. Cette formation va durer de trois à six mois, selon le vice-ministre.

Cette phase du programme est lancée quelques jours après un mouvement de colère des ex-combattants de la base de Kitona. Une centaine d’entre eux avaient décidé de descendre à Kinshasa pour réclamer leurs primes. Après être arrivés à Boma, ils ont regagné le centre de formation de Kitona à bord des camions des forces armées de la RDC (FARDC), car ils auraient trouvé une barrière érigée par les FARDC. Un mois avant, d’autres anciens combattants des bases de Kamina et Kotakoli ont protesté pour les mêmes raisons. Cette troisième phase de DDR a été lancée le 24 novembre à la base militaire de Kamina aussi, où d’autres ex-combattants sont également regroupés.​[29]

3. LA QUESTION DES RÉFUGIÉS RWANDAIS

Le 16 novembre, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et la Commission nationale des réfugiés (CNR) on invité les réfugiés rwandais encore présents dans l’Est de la République démocratique du Congo à regagner leur pays. Ils ont lancé cet appel à l’occasion de l’atelier de formation organisé à Bukavu à l’intention des autorités du Sud-Kivu et du Maniema. Pour le HCR et la CNR, les autorités de ceux deux provinces devraient sensibiliser ces réfugiés au retour volontaire au Rwanda. Cette sensibilisation va de pair avec l’opération de leur enregistrement biométrique. Selon certaines estimations, ils seraient plus de deux cent cinquante mille. La CNR indique qu’elle a déjà rapatrié, en collaboration avec le HCR, 65.000 réfugiés rwandais. Ceux qui demeurent encore en RDC, spécialement dans l’Est du pays ne sont pas chauds au retour volontaire. La CNR a commencé à les identifier depuis juin dernier. 4000 ont été recensés et ont obtenus chacun une attestation de statut de réfugié. Un chiffre qui ne suffit pas, selon la CNR et le HCR, qui invitent les autorités à s’impliquer dans la sensibilisation. Le coordinateur de la CNR au Sud-Kivu et au Maniema, Gratien Mupenda, évoque quelques difficultés rencontrées dans l’identification de ces réfugiés: «Le fait d’abord que les réfugiés sont dispersés dans beaucoup de coins, ils ont déjà beaucoup de familiarité avec la population locale». Le chef de bureau du HCR à Goma a rappelé que les réfugiés rwandais vont perdre le statut de réfugié le 31 décembre 2017.[30]

[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 22.11.’15; AFP –Kinshasa, 01.12.’15

[2] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 08 Novembre 2015

[3] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 08 Novembre 2015

[4] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 12 Novembre 2015

[5] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 14 Novembre 2015

[6] Cf Radio Okapi, 19 et 20.11.’15

[7] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 18 Novembre 2015

[8] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 18 Novembre 2015

[9] Cf Radio Okapi, 24.11.’15

[10] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 22 Novembre 2015

[11] Cf Radio Okapi, 26.11.’15

[12] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 23 Novembre 2015

[13] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 24 Novembre 2015

[14] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 26 Novembre 2015

[15] Cf CEPADHO – Bulletin d’information du 26 Novembre 2015

[16] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 28 Novembre 2015

[17] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 29 Novembre 2015

[18] Cf Radio Okapi, 25.11.’15

[19] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 12 Novembre 2015

[20] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 13 Novembre 2015

[21] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 19 Novembre 2015

[22] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 25 Novembre 2015

[23] Cf Radio Okapi, 29 et 30.11.’15; CEPADHO – Bulletin d’Information du 30 Novembre 2015

[24] Cf Radio Okapi, 18.11.’15

[25] Cf Radio Okapi, 24.11.’15

[26] Cf Radio Okapi, 19.11.’15

[27] Cf Radio Okapi, 24.10.’15

[28] Cf Radio Okapi, 26.10.’15

[29] Cf Radio Okapi, 26.11.’15

[30] Cf Radio Okapi, 17.11.’15

Le nouveau visage des groupes armés

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Editorial Congo Actualité n. 259 – Par le Réseau Paix pour le Congo

Le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), un projet de recherche piloté par Jason Stearns et Christoph Vogel, vient de dresser un état des lieux des groupes armés à l’Est du Congo. Il notent à la fois une prolifération inquiétante, mais aussi une fragmentation de ces milices, ainsi qu’un recul de l’ingérence des puissances régionales dans les deux Kivus. En octobre 2015, les deux chercheurs ont noté que 69 groupes armés sont encore actifs dans l’Est du Congo, dans un contexte humanitaire fortement dégradé: 1,6 millions de personnes sont toujours déplacées dans la zone.

 

De petits groupes, moins soutenus par les puissances régionales

Première constatation du Groupe d’étude sur le Congo: ces groupes armés, qui étaient seulement une vingtaine en 2008, se sont morcelés. La plupart de ces milices sont de petites tailles: «pas plus de 200 éléments, généralement recrutés sur une base ethnique». Les chercheurs notent ensuite que l’ingérence des puissances régionales dans l’Est du Congo «est à son plus bas niveau». «Pour la première fois depuis 1996, le gouvernement rwandais ne dispose pas d’un allié sérieux dans la zone. Quand bien même le Rwanda voudrait à nouveau intervenir, cela ne lui serait guère facile», analyse le rapport du GEC. Paradoxe: les groupes armés les plus puissants dans la région sont essentiellement étrangers. Sur le sol congolais, on trouve en effet les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les Forces alliées démocratiques ougandaises (ADF) et les Forces nationales de libération du Burundi (FNL).

FDLR, ADF, FNL..

– Le groupe armé le plus puissant reste les FDLR, avec un effectif compris entre 1.000 et 2.500 hommes. Une rébellion importante, mais «incapable de lancer des raids majeurs au Rwanda depuis 2001» selon le GEC.

– Un autre groupe, beaucoup plus réduit, moins de 300 – 500 hommes, apparaît comme beaucoup plus dangereux sur le terrain: les ADF ougandais, milice musulmane initialement opposée au président ougandais Yoweri Museveni. Si ces rebelles, présents depuis plus de 20 ans en RDC, «ont largement abandonné leurs ambition de renverser le gouvernement ougandais», ils seraient à l’origine de nombreux massacres dans la région de Beni avec un triste bilan: au moins 600 morts depuis octobre 2014.

Interrogé sur la thèse de certaines ONG locales selon laquelle les ADF auraient été renforcées en éléments étrangers et auraient pris, depuis quelques mois, un virage « jihadiste », le général Jean Baillaud, commandant par intérim de la Monusco, a répondu: «Il faut prendre ces allégations extrêmement au sérieux. Il faut les vérifier. On observe une agressivité nouvelle chez ces rebelles. Ils ont été renforcés en effectifs. Ils ont des armes lourdes, des mortiers, des mitrailleuses lourdes, ils ont beaucoup de munitions, ce qui n’était pas le cas il y a quelques mois, et cela pose la question de savoir qui les ravitaille (Al Shabaab de la Somalie? Les ex membres de l’ex M23 qui, après leur défaite, on fui vers l’Ouganda? Des commandants des mêmes FARDC? …). Pour compliquer les choses, les combattants hommes portent des uniformes des FARDC et les femmes combattantes portent le foulard islamique».

– Dernier groupe armé organisé à sévir, cette fois au Sud-Kivu: les FNL Nzabampema burundais (environ 150 hommes). La milice serait impliquée «dans le vol de bétail et les raids transfrontaliers à partir de leur base dans la plaine de la Ruzizi».

Fragmentation des partis politiques et de l’armée

Les causes de cette prolifération des groupes armés sont multiples selon Jason Stearns et Christoph Vogel. Les chercheurs pointent d’abord l’échec des différents programmes de démobilisation du gouvernement congolais qui n’arrive pas à offrir de réels moyens de subsistance aux miliciens. Echec qui conduit le plus souvent à la scission des groupes en plusieurs factions. Deuxième cause: le fractionnement de la scène politique congolaise en de multiples micros partis, suite aux différents accords de paix et aux multiples recompositions de la majorité et de l’opposition. Des partis politiques qui utilisent souvent les groupes armés comme «un moyen d’intimider leurs rivaux et renforcer leur réputation d’hommes forts». L’armée régulière s’est elle aussi morcelée au gré des nombreuses intégrations de groupes rebelles dans ses rangs.

La seule solution militaire n’est pas suffisante: il faut songer au développement économique

Depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en novembre 2011, le gouvernement a modifié sa stratégie vis-à-vis des milices, analyse le GEC. Kinshasa a «cessé de négocier en masse avec les groupes armés, posant comme principe que les groupes armés ne soient plus récompensés par des positions et des paiements en espèces». A quelques exceptions près, l’armée régulière a donc fermé la porte à l’intégration des rébellions. Cependant, pour les deux chercheurs, la seule solution militaire n’est pas suffisante. Le volet du développement économique des Kivu a été largement oublié par les autorités congolaises et les sanctions contre les militaires impliqués dans le soutien des groupes armés restent encore trop timides.

Des groupes moins dangereux pour Kinshasa que pour les populations locales

Moins puissants mais plus nombreux, les groupes armés apparaissent moins dangereux pour Kinshasa que pour les populations locales qui subissent toujours leurs exactions. Les groupes armés se sont transformés en petites entreprises du crime et du vol… seul moyen de survie dans une zone, l’est du Pays, dévastée par 20 ans de conflits à répétition.[1]

[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 22.11.’15; AFP –Kinshasa, 01.12.’15

Congo Actualité n. 262

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL – DERRIÈRE LES ADF: SOUTIENS, INFILTRATIONS ET COMPLICITÉS

  1. LE KIVU DANS L’ÉTAU DES GROUPES ARMÉS
    1. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)
    2. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)
    3. Le Mouvement du 23 mars (M23)
    4. Les Maï-Maï
  2. VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

 

ÉDITORIAL – DERRIÈRE LES ADF: SOUTIENS, INFILTRATIONS ET COMPLICITÉS

 

 

1. LE KIVU DANS L’ÉTAU DES GROUPES ARMÉS

a. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 29 novembre, des centaines d’assaillants identifiés comme des rebelles ougandais ADF ont mené plusieurs attaques simultanées contre les positions de l’armée congolaise, de la Monusco et différentes structures d’Eringeti, une localité du territoire de Beni. Bilan: 25 personnes tuées, dont des femmes et des enfants. Une attaque d’une violence inouïe qui surprend plus d’un observateur.

Si pour d’autres attaques, certains observateurs ou experts avaient émis des doutes, estimant que la technique des ADF était parfois imitée pour cacher des règlements de compte politiques, économiques ou fonciers, cette fois, pas de doute: les rebelles des Forces Démocratiques Alliées (ADF) faisaient bien partie des assaillants qui ont attaqué Eringeti car, selon plusieurs sources, parmi les douze rebelles tués, un commandant des ADF a été «positivement» identifié.

Toutefois, ce qui suscite plus d’interrogation, c’est la manière dont l’attaque s’est déroulée. Quatre attaques simultanées à partir de 15h contre les positions de l’armée, de la police et de la Monusco et contre l’hôpital d’Eringeti. Attaques qui, malgré la résistance, se sont poursuivies jusque tard dans la nuit. Les assaillants ont notamment investi la position des forces armées de RDC (FARDC) pour attaquer celle de la Monusco où militaires congolais et casques bleus s’étaient repliés pour tenter de faire face. Ils ont utilisé les armes abandonnées par les FARDC pour pilonner le camp onusien. Des compétences militaires inhabituelles pour les ADF, mieux équipés, mieux armés et mieux formés, selon l’avis de plusieurs observateurs congolais comme étrangers. Deux questions lancinantes: les ADF ont-ils agi seuls? Et surtout, d’où proviennent les armes qu’ils ont utilisées?[2]

Ce qui est nouveau dans l’attaque d’Eringeti c’est le professionnalisme dont les ADF ont fait montre, comme des soldats, donc des commandos bien formés, ce qui n’était pas le cas chez les ADF qui n’ont jamais fait preuve de formation militaire. Alors la question lancinante c’est de savoir qui a pris en charge cette formation militaire des ADF qu’on a vu opérer comme des soldats réguliers à Eringeti. Le regard ne peut se tourner que vers l’Ouganda. Il n’y a que ce pays qui peut secrètement apporter ce soutien aux ADF, pour créer le chaos au Nord-Kivu, plus particulièrement la région de Beni-Mutwanga que le Président Museveni ne cesse de convoiter.[3]

Le Centre d’Étude pour la Promotion de la Paix, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CEPADHO) a affirmé que, suite aux attaques de l’ADF sur la localité d’Eringeti le 29 novembre, il dispose d’éléments probants attestant que certains morts et blessés de l’ADF-NALU ont été accueillis par l’UPDF en District de Bundibugyo/Uganda, pour y être enterrés soignés, sans être dénoncés à la RDC. Nombreux d’entre eux ont été identifiés comme étant des militaires réguliers de l’Armée Ougandaise (UPDF). Parmi les blessés, voici les noms de quelques Officiers-UPDF: les Capitaines Aly, Mugisa, Njologo et Oyo ainsi que le Major Subuka, tous admis aux soins au Centre Hospitalier de Kibuku 1, en District de Bundibugyo (en Ouganda).

Les sources du CEPADHO renseignent aussi qu’un Célèbre Commandant ADF, le Colonel Braida serait légèrement blessé lors des affrontements d’Eringeti et a été traité dans la Structure sanitaire précité où il a été pris en charge pendant une Semaine avant de regagner discrètement le Territoire de Beni, en RDCongo.

S’agissant de ceux qui sont tombés sur le front à Eringeti et dont les dépouilles ont été amenés en Ouganda, le Cepadho a réussi à identifier: le Sergent Kyamwenda enterré à Busunga, le Capitaine Businge Julias et le Major Sanyo, tous enterrés à Bundibugyo.

Le Cepadho rappelle que par le passé, l’ex-Commandant des Opérations Sukula1, le Général Muhindo Akili Mundos, avait réussi à capturer un certain nombre des Combattants ADF qui se déclaraient être de l’UPDF avant de rejoindre les ADF. Parmi eux: Abdalah Kisembo, Ndungwa Hussein, Ramadhan Musene. Le Cepadho veut ainsi attirer l’attention sur un probable soutien de Kampala aux ADF et à leurs alliés.[4]

Le 18 décembre, à Kakuka (en District de Bundibugyo, en Ouganda), la population locale s’est opposée à une nouvelle incursion en RDCongo à partir de l’Ouganda. Selon des sources du CEPADHO, les militaires de l’Armée Ougandaise (UPDF) avaient vidé leur camp de Kakuka, officiellement pour une relève. Quelques jours après, le Camp sera réoccupé par une centaine d’éléments armés et portant des uniformes militaires. Les autorités locales ont approché les Commandants de ces combattants pour s’enquérir de leur identité. Au cours des échangent, ces derniers s’identifieront comme étant de Combattants de la Yira-Rwanzururu, mouvement armée du Royaume Businga Bwa Rwanzururu, du District de Kasese, recrutés par l’armée Ougandaise pour rejoindre d’autres combattants infiltrés en RDC. C’est à ce moment que les habitants de Kakuka se sont mobilisés pour chasser ces combattants du village, en incendiant le Camp militaire.[5]

Le 20 décembre, les ADF ont attaqué la position des FARDC à Sesele, en Groupement Bambuba-Kisiki, dans le Secteur de Beni-Mbau. Les FARDC ont repris le contrôle de Sesele le jour suivant.

Sous réserve de confirmation formelle par les FARDC, des sources du CEPADHO parlent d’au moins 12 militaires morts dans ces affrontements, dont un Officier supérieur du 1er Bataillon au sein du 3402e Régiment-FARDC.[6]

Le 23 décembre, on a retrouvé au moins 8 civils massacrés par les ADF en territoire de Beni. La plupart des victimes ont été tuées par armes blanches. Selon des informations recueillies par le Cepadho, c’est dans la vallée longeant la rivière Nzuma, à 4 km à est de Mavivi, que 5 Civils ont été tués lorsqu’ils étaient dans leurs champs. Parmi eux, 3 corps, dont un couple, ont été retrouvés en localité Ngite et 1 autre à Vemba. Jusqu’au soir du 24 décembre, la recherche du 5e corps se poursuivait encore dans cette zone. Par ailleurs, à Mayangos, proche de Katota, en plein Parc National de Virunga, 3 Civils d’une même famille ont été exécutés dans leur champ.[7]

Le 26 décembre, les FARDC se sont affrontées avec les ADF à Malolu, proche de Mayangos, à la limite entre la Ville de Beni et le Parc National de Virunga. Selon des sources du Cepadho, les ADF se seraient introduits dans le village de Malolu autour de 2h00 du matin. Ils ont attaqué la position des FARDC incendié le village. Dans le même village, indiquent des sources concordantes, au Bloc appelé 46, l’on parle d’au moins 3 Civils tués par les ADF et 2 militaires blessés dans les affrontements. L’Armée régulière a pu garder le contrôle de la situation.[8]

Le 26 décembre, pendant la nuit, les FARDC ont repoussé une attaque des présumés ADF à Linzo Sisene, un village situé à plus ou moins 50 Kilomètres au nord-est de la ville de Beni. Selon les sources militaires, les assaillants ont tenté de prendre contrôle le camp locale de l’armée pour se ravitailler en munitions et armements. Selon des sources locales, les assaillants venaient du parc national des Virunga et étaient lourdement armés et bien équipés. Ces rebelles auraient été repoussés après des violents affrontements durés une vingtaine des minutes.[9]

b. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le 7 décembre, les FDLR ont tué trois paysans pendant qu’ils se rendaient dans leurs champs, en localité de Mulinde, Groupement d’Itala, Territoire de Lubero (Nord Kivu).[10]

Le 11 décembre, les May-May de l’Union des Patriotes pour la Défense des Innocents (UPDI) ont attaqué et pris le contrôle sur le village de Kanune, dans lequel se concentraient les FDLR-RUD.

Kanune est une localité située à cheval entre les Groupements Tama et Ikobo, à la limite entre les Territoires de Lubero et Walikale. 9 FDLR et 1 May-May sont tombés sur le champ de bataille.[11]

Selon l’ASADHO, de la mi-octobre à la mi-décembre courant, dans les deux Groupements d’Ikobo et de Kisimba, au nord du Territoire de Walikale, les rebelles rwandais des FDLR ont tué 27 Civils, les uns par balles et les autres par armes blanches. Ils ont également incendié 2.650 maisons dans le groupement d’Ikobo et 650 dans le groupement de Kisimba. Les FDLR ont ainsi voulu se venger contre les attaques des May-May (NDC et UPDI) contre leurs positions.[12]

Le 16 décembre, les rebelles rwandais des FDLR on tué un habitant de Miriki à Mukeberwa, en Groupement Itala, dans le Territoire de Lubero et 3 autres à Misambo, le 17 décembre, quand ils étaient dans leurs champs.[13]

Le 19 décembre, des affrontements ont opposé les rebelles rwandais des FDLR à la milice May-May/UPDI à Mumbangwe, en Groupement Itala, dans le Territoire de Lubero. Trois miliciens FDLR ont été tués.[14]

Le 22 décembre, les May-May de l’UPDI (Union des Patriotes pour la Défense des Innocents) ont attaqué de nouveau les rebelles rwandais FDLR à Buleusa, dans le Groupement Ikobo, en Territoire de Walikale. Le bilan provisoire fait état de 5 morts, dont 4 FDLR et 1 May-May. Pour l’instant, ce sont les May-May qui occupent Buleusa après y avoir chassé de nouveau les FDLR. Le mois dernier, les May-May avaient affronté les FDLR dans ce même village, jusqu’à les y déloger. Mais comme ces miliciens avaient abandonné la localité pour poursuivre leurs ennemis dans d’autres entités, les FDLR s’étaient réinstallés dans ce qui était leur ancien bastion.[15]

Le 22 décembre, 16 corps sans vie ont été retrouvés à Buleusa, en Groupement Ikobo, en Territoire de Walikale. 12 autres corps ont été découverts à Mashuta, toujours en Groupement Ikobo. Parmi les victimes, 4 seraient identifiés comme des habitants de Luofu et 1 de Kanyabayonga. Par ailleurs, à Mukeberwa, dans le Groupement Itala, en Territoire de Lubero, 5 corps de Civils tués par les FDLR ont été aussi découverts. De ces 5, deux seraient des habitants de Luofu. Des informations parvenues au CEPADHO, les divers massacres seraient intervenus entre le 16 et le 21 décembre courant. Certains corps découverts se présentent déjà en état de décomposition. Les personnes tuées seraient pour la plupart des otages ou des prisonniers parmi les civils kidnappés ou arrêtés par ces rebelles rwandais, sous le commandement du Colonel Kizito de la branche FDLR-FOCA.[16]

Le 23 décembre, des hommes armés présumés FDLR on attaqué un minibus provenant de Butembo pour Goma et kidnappé 14 civils à Kabasha, en territoire de Rutshuru. Une équipe des FARDC et Gardes parc de l’ICCN en patrouille a poursuivi les ravisseurs et a pu libérer 11 otages.[17]

Le 26 décembre, vers 4h30 du matin, les May-May/UPDI commandés par Marungu Muliro ont attaqué les May-May/PARECO de Kakule Sikuli Lafontaine (alliés des FDLR) à Mbuavinywa et à Kanyatsi en Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero. Les combats se sont arrêtés vers 7h00 du matin.[18]

Le 27 décembre, en réponse aux revers leur infligés par l’UPDI à Mbuavinywa et à Kanyatsi, vers 6h00 du matin les FDLR/PARECO ont attaqué la position des May-May UPDI sur la Colline Ihavula, dans le Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero. Les combats ont duré environs 3 heures. Le bilan provisoire fait état de 7 morts, dont 4 de la Coalition FDLR/PARECO et 3 de l’UPDI.[19]

Le 6 janvier, pendant la nuit, quatorze personnes ont été tuées dans une attaque menée par des rebelles hutu rwandais et semblant avoir visé la communauté Nande. L’attaque a eu lieu à Miriki, dans le Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero, à environ 110 km au nord de Goma. Parmi les 14 civils massacrés, on fait état de 7 femmes tuées, d’ un homme et de 6 enfants. Outre les morts, on dénombre 9 blessés graves essentiellement des enfants. En dernière minute, on a appris qu’un blessé parmi les 9 a succombé à l’Hôpital Général de Kayna où il venait d’être transféré. Le 7 janvier, dans la matinée, les Jeunes en colère ont barricadé les routes de Miriki, pour dénoncer la passivité aussi bien des FARDC que de la MONUSCO pour empêcher ce massacre des civils en plein centre de l’agglomération contrôlée par les deux Forces. Dans une altercation entre jeunes manifestants et militaires déployés pour rétablir l’ordre, le représentant local du CEPADHO parle d’un mort dans le rang des manifestants. Il serait atteint d’une balle tirée par un militaire dans l’opération de dispersion des jeunes ayant barricadé la voie publique. Ce qui fait qu’à l’instant le bilan passe de 14 à 16 morts. Pendant ce temps, le village de Miriki se vide de ses habitants. Des familles entières fuient à direction de Luofu, Kayna, Kirumba et Kanyabayonga.

Selon la Société civile locale, l’attaque aurait une dimension communautaire: «Toutes les victimes sont de la même ethnie nande». Dans cette zone, les chefs nandes s’opposeraient depuis plusieurs mois au retour de déplacés hutu congolais, en les accusant d’être de connivence avec les FDLR.[20]

Le porte-parole de la Monusco aussi, Charles Bambara, a évoqué des tensions ethniques dans la localité qui seraient à l’origine de l’incursion de la milice hutu rwandaise: «Ces dernières semaines, les déplacés hutus congolais présents dans le territoire de Lubero n’avaient pas suffisamment de vivres et ont dû piller les récoltes des voisins ce qui a exacerbé une fois de plus la tension dans ce territoire et qui a dû très certainement faire intervenir ces Hutus rwandais, les FDLR, qui d’une certaine façon soutenaient les Hutus congolais pour défendre leur cause».

Mais les principaux intéressés nient toute implication dans l’attaque de Miriki. La Forge Fils Bazeye, porte-parole des FDLR, a déclaré: «Nous déplorons ce massacre et nous déclinons toute responsabilité. Nous ne sommes pas à Miriki. Tout ce que nous pouvons recommander, c’est une enquête internationale neutre pour déterminer les auteurs de cet odieux massacre». La Monusco a fait savoir qu’une mission d’enquête avait été dépêchée sur le terrain.[21]

L’arrestation de Ladislas Ntaganzwa

Le 9 décembre, le Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux Internationaux (MTPI) des Nations Unies a annoncé l’arrestation de Ladislas Ntaganzwa, l’un des neuf présumés génocidaires rwandais qu’il recherchait.

«Les autorités de la RDCongo ont arrêté aujourd’hui [9 décembre] Ladislas Ntaganzwa», a annoncé devant le Conseil de sécurité à New York, Hassan Bubacar Jallow, procureur du MTPI, structure siègent à Arusha (Tanzanie) et qui est chargée d’achever les travaux du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et de son homologue pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), à l’achèvement des mandats respectifs de ces deux tribunaux spéciaux.

Un porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, le capitaine Guillaume Djike, a déclaré que «Ntaganzwa avait été interpellé à la suite d’une offensive militaire contre une position des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), où se trouve la résidence du général Sylvestre Mudacumura, chef militaire de ce mouvement». «Nous avons tué quatre FDLR (…) et les autres ont pris la fuite. Pendant la nuit entre le 5 et le 6 décembre, la police nationale congolaise de Nyanzale (60 km au nord de Goma, NDLR) a arrêté Ladislas Ntaganzwa et l’a ramené à Goma le 9 décembre», a ajouté l’officier.

Toutefois, des sources policières ont indiqué que Ladislas Ntanganzwa aurait été arrêté par ses propres compagnons d’armes le 3 décembre dernier à Kiyeye, une localité située à 10 kilomètres à l’Ouest de Nyanzale, à Rutshuru. C’est justement dans cette localité qu’il avait trouvé refuge il y a quelques jours. Après son arrestation, Ladislas Ntanganzwa a été livré à la Police nationale congolaise (PNC) par les mêmes compagnons. Le présumé auteur du génocide au Rwanda avait trouvé refuge à Kiyeye, après avoir fui le groupement Ikobo, dans le territoire de Walikale, à cause de l’offensive de la coalition Maï-Maï, NDC/Rénové et Union des patriotes pour la défense des innocents (UPDI), qui traque les FDLR, depuis le 22 novembre dernier dans cette partie de Walikale. Selon des sources locales, Ladislas Ntanganzwa aurait été présenté à la police le 8 décembre comme étant «un génocidaire». Toutefois, les motifs de son arrestation et de sa remise à la police nationale congolaise par ses compagnons à Nyanzale, ne sont pas encore bien établis.

Ladislas Ntaganzwa faisait partie des 9 présumés génocidaires rwandais encore recherchés par le TPIR. Une récompense de 5 millions de dollars était offerte pour l’arrestation de Ntaganzwa, comme pour celle des huit autres accusés encore en fuite: Félicien Kabuga, Augustin Bizimana, Protais Mpiranya, Fulgence Kayishema, Pheneas Munyarugarama, Aloys Ndimbati, Ryandikayo (un seul nom) et Charles Sikubwabo.

Après avoir remercié les autorités congolaises pour cette arrestation, Hassan Bubacar Jallow leur a demandé de transférer «sans délai» le suspect vers le Rwanda, le TPIR ayant renvoyé l’instruction du dossier à la justice rwandaise. Ladislas Ntaganzwa est poursuivi pour entente en vue de commettre le génocide, génocide, complicité de génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide et crimes contre l’humanité.

Le ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a pour sa part déclaré que les autorités de Kinshasa veulent entendre le prévenu, et que toutes les dispositions sont prises pour le ramener à Kinshasa. Il a aussi précisé que la justice congolaise saisirait le gouvernement rwandais qui avait émis un mandat d’arrêt international contre M. Ntaganza. Il a ajouté que «c’est un des membres importants des FDLR, donc qu’on puisse l’arrêter démontre notre détermination à traquer les FDLR. Nous allons l’extrader vers le Rwanda, mais nous allons également en profiter pour poser la question au Rwanda sur certaines personnes contre qui nous avons lancé des mandats d’arrêt internationaux et qui se trouveraient au Rwanda». Maire de la localité de Nyakizu, dans le sud du Rwanda, au moment des massacres de 1994, il aurait à ce moment fait appel à tuer les tutsi. Mais l’incriminé a nié cette accusation. C’est en 2000 qu’il aurait rejoint les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). «Ladislas Ntaganzwa n’est pas membre des FDLR, il n’était pas non plus sous notre protection», dément le porte-parole des FDLR, La Forge Fils Bazeye qui ajoute: «Sinon, ils ne l’auraient pas ramassé comme ça». Le 11 décembre, Ladislas Ntaganzwa a été transféré à Kinshasa, où la justice congolaise compte l’interroger.[22]

Le 11 décembre, le Centre d’Etude pour la Promotion de  la Paix, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CEPADHO) a félicité les Forces et Services des Sécurité Congolais pour l’arrestation de Ladislas Ntaganzwa et croit qu’elle contribuera énormément à la paix, la sécurité et la justice dans la Région. Le CEPADHO estime cependant que c’est le moment pour l’Etat Congolais d’exiger la contre partie au Rwanda avant toute éventuelle extradition de Ladislas Ntangazwe vers son pays. L’organisation, au nom de la réciprocité, exhorte qu’avant toute livraison de Ladislas Ntangazwe au Rwanda, la RDCongo obtienne de ce pays voisin l’extradition du Général déchu Laurent N’Kunda ainsi que d’autres criminels recherchés par la Justice Congolaise à l’occurrence Jean Marie Runiga, les Colonels Baudouin Ngaruye, Éric Badege et Innocent Zimurind, toujours hébergés par le Rwanda. Le CEPADHO rappelle qu’il est inadmissible que la RDC serve de chien de chasse ou de policier pour les autres États pendant que ceux-ci violent de manière flagrante les accords de coopération judiciaire, les pratiques et les conventions de bon voisinage.[23]

Les ex FDLR cantonnés à Kisangani

Le 12 décembre, une délégation des Envoyés spéciaux de l’Union européenne, l’Union africaine, des Etats-Unis d’Amérique et des Nations unies pour la région des Grands Lacs et le Chef de la Monusco sont arrivés à Kisangani pour s’entretenir avec les ex-combattants FDLR cantonnés au camp lieutenant-général Bauma, situé à 10 Kilomètres du centre-ville. Cette délégation a appelé ces ex-combattants à retourner au Rwanda, leur pays natal, sans condition. La communauté internationale promet de faciliter ce retour au Rwanda dans un cadre humanitaire. Koen Vervaeke, Envoyé spécial de l’Union européenne dans les Grands Lacs, a rassuré: «Nous pouvons les aider pour l’encadrement humanitaire, pour faciliter leur réintégration au Rwanda, leur pays natal. Rester ici n’est une solution pour eux». Malgré cette promesse, les ex-combattants ont affirmé de na pas vouloir rentrer au Rwanda et ont demandé qu’on leur trouve un pays d’accueil, autre que le Rwanda. Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu, Maman Sidikou, a promis de revenir à Kisangani pour approfondir la question.[24]

c. Le Mouvement du 23 mars (M23)

Deux ans après la signature des déclarations de Nairobi qui devait permettre de régler la situation pour plusieurs centaines de combattants du M23 réfugiés en Ouganda, comme au Rwanda, quelques 180 seulement sont rentrés chez eux. La CIRGL avait fixé le 15 décembre comme date boutoir pour la fin des opération de rapatriement de ces ex combattants. Les autorités congolaises dénoncent des infiltrations des ex-rebelles dans l’est du Congo, ce que l’ex-rébellion dément. On parle de plus de 1.000 ex-combattants et civils du M23 qui auraient disparu d’Ouganda et du Rwanda.

Sur les quelques 1.740 enregistrés en Ouganda, il n’en reste plus que 640. 185 sont déjà rentrés au Congo et quelques 900 autres seraient donc dans la nature. «On nous dit qu’ils sont en famille, qu’ils sont en permission, qu’ils ne sont pas des prisonniers et qu’ils sont libres», dit François Mwamba, coordonnateur du mécanisme de suivi de l’accord-cadre d’Addis Abeba. Quant au Rwanda, quelques 600 ex-combattants étaient annoncés comme ayant passé la frontière, 450 étaient enregistrés. Et aujourd’hui, personne n’en sait plus rien, commente un observateur étranger.

Pour François Mwamba, le problème c’est la mauvaise foi du M23, dont des éléments s’infiltreraient dans le grand nord du Nord-Kivu et le Sud-Kivu: «C’est une inquiétude que nous avons, puisque nos services ont effectivement identifié la présence de ces gens-là, soit dans le grand Nord du Nord Kivu, soit dans le Sud Kivu». Au Sud-Kivu, il s’agirait d’ex-combattants du M23 qui collaboreraient avec «des infiltrés burundais venus du Rwanda». L’un des cas les plus récents cités, c’est l’arrestation d’un opérateur radio présenté comme un ancien du M23 avec deux officiers déserteurs burundais. Les autorités congolaises parlent également d’infiltrés burundais avec des cartes d’électeurs congolaises flambant neuves. Elles disent soupçonner que ces cartes soient issues des kits électoraux volés par M23 dans le Rutshuru et le Masisi. Dans la région de Beni, au Nord Kivu, là encore, côté Kinshasa, on évoque des «infiltrations en lien avec la dégradation sécuritaire». «C’est aussi une diversion pour cacher leur propre responsabilité dans les massacres», rétorque-t-on côté M23. «Dans le Rutshuru, nous savons qu’il y en a, mais ils sont rentrés paisiblement», avance une source officielle. «Ce sont ceux qu’on a exclus du mouvement pour trahison en décembre 2013, ils travaillent avec Kinshasa», explique-t-on du côté du M23.[25]

Les ex-combattants du M23 assurent qu’ils n’ont rien à voir de près ou de loin avec les présumés rebelles burundais qui se seraient infiltrés sur le sol congolais. Les services de renseignement congolais disent avoir intercepté 36 de ces nouveaux rebelles. Et c’est sur la base des informations recueillies auprès de ces prisonniers, qu’ils disent avoir établi des liens avec le M23.

Il y a d’abord ces cartes d’électeurs congolaises retrouvées sur plusieurs de ces présumés infiltrés. Des cartes qui selon les services congolais avaient été volées par le M23 au Nord-Kivu, puis transportées jusqu’au Rwanda… où elles auraient été distribuées. Faux répond, Elie Mutela, directeur de cabinet de la présidence du M23: «Le M23 n’a jamais volé les cartes d’électeurs. Le M23 a été créé une année après les élections. Comment est-ce que le M23 pouvait détenir des cartes une année après les élections. C’est pratiquement de la fausseté».Mais ce n’est pas tout. Toujours selon les services congolais, parmi les Burundais infiltrés et arrêtés en septembre dernier, trois appartenaient directement au M23. Et notamment le capitaine Rugamba Adalbert, qui aurait travaillé par le passé au sein de l’armée congolaise avec Sultani Makenga, devenu par la suite le chef d’état-major du M23. Mais pour Elie Mutela, cela ne prouve rien: «Le capitaine dont on parle n’est pas connu dans le M23. S’il fut un militaire FARDC, est-ce que c’est pour autant que tout collègue du général Makenga devient membre du M23 ? C’est une fausse logique».[26]

Le 16 décembre, lors de la conférence hebdomadaire de l’Onu, la responsable de la section Démobilisation, désarmement, rapatriement, réinsertion et réintégration (DDRRR) de la Monusco, Taz Greyling, a affirmé que douze ex-combattants de l’ancienne rébellion du M23, sur neuf cents attendus, ont été rapatriés sur le sol congolais pendant l’ultimatum lancé par la Conférence internationale pour la région des Grands lacs (CIRGL) pour le rapatriement de ces ex-combattants.

Les pressions exercées par certains chefs de l’ex-M23 auraient empêché les autres combattants à retourner au pays. «Au niveau du commandement du M-23, il y a eu une grande indifférence, des actes d’intimidation, des fausses informations et des obstruction d’accès», a déclaré Mme Taz Greyling. A l’heure actuelle, toujours d’après la même source, 573 ex-membres du M23 sont en RDC, y compris les 12 rapatriés pendant l’ultimatum, contre environ 1.500 encore à l’extérieur, dont 1.039 en Ouganda et 440 au Rwanda.​ Une délégation congolaise séjourne dans la capitale ougandaise, Kampala, depuis deux semaines environ, pour identifier les ex-combattants du M23 cantonnés au camp militaire de Bihanga et pour faciliter le rapatriement volontaire de ceux qui voudront regagner la RDC. Cette délégation est composée du général Kalume, envoyé spécial du chef de l’Etat dans la région des Grands Lacs, du chef d’état-major adjoint chargé des renseignements et du processus DDR3 du gouvernement ainsi que des représentants du Mécanisme de suivi des accords de Nairobi.[27]

d. Les Maï-Maï

Le 1er janvier, à Shabunda/Centre, dix combattants de plusieurs factions Raïa Mutomboki se sont rendus aux FARDC du 3309è régiment. Ces miliciens sont issus de factions Nisawa Songa, Makombo et Kimba.

Par contre, le territoire de Kalehe (Sud-Kivu) est toujours en proie à l’activisme de neuf seigneurs de guerre qui occupent au moins sept villages, dont Chabunda et Lukando, dans le groupement Kalima. Dans ce même groupement, cinq chefs Raïa Mutomboki ont installé leurs états-majors à Mushenge et Ekingi. Il s’agit, selon la société civile, de Bwale Hamakombo, Tumaini Kapitwa, Gyeme Munono, Masahani et Mungoro Matofali. D’autres villages sous occupation des groupes armés sont: Lailai en groupement Mubuku, Musenyi en chefferie Buloho, Ramba dans la forêt de Kinono et Mashere. Selon des sources locales, ils seraient occupés par le groupe Raïa Mutomboki Shukuru, chassé récemment de Katasomwa par les FARDC, et Butachibera, les Nyatura ainsi que par un certain Mweke. Les autorités territoriales ont confirmé l’occupation de toutes ces entités, rassurant toutefois que les opérations militaires étaient en cours pour chasser les assaillants. Mais en attendant, les populations des zones occupées restent prises en étau. Elles subissent au quotidien des exactions, des pillages de leurs biens et sont victimes d’arrestations arbitraires de la part de ces miliciens qui contrôlent même les petits marchés.[28]

Le 4 janvier, à Mbuavinywa, en Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero (Nord Kivu), les May-May/PARECO (milice alliée aux FDLR) ont arrêté trois jeunes allés chercher des vivres dans leurs champs. Les éléments du PARECO auraient ligoté pour les victimes avant de les acheminer dans leur Camp militaire de Karambi à près de 15 km-Est de Mbuavinywa, où ils ont été soumis à des tortures.[29]

Le 5 janvier, les militaires des FARDC ont tué six combattants Nyatura et capturé une autre à Ziralo, dans le territoire de Kalehe, dans la province du Sud-Kivu. Ils ont aussi récupéré des armes.

Le calme est revenu à Ziralo, après de violents affrontements qui ont opposé les FARDC aux combattants Nyatura depuis le 30 décembre 2015.[30]

2. VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

Le 8 décembre, l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (Asadho/Nord Kivu) a indiqué, dans un communiqué, avoir documenté plusieurs cas de violation des droits de l’homme dans le territoire de Beni, au cours de janvier à décembre 2015. Elle fait état notamment de 350 personnes tuées à la machette et à l’arme à feu, 12 cas d’attaques de camps FARDC, 20 embuscades contre les civils sur les tronçons routiers Oïcha –Eringeti et Mbau –Kamango, plus de 100 personnes portées disparues, deux radios fermées et une autre incendiée. Cette situation a occasionné le déplacement de plus de trente-cinq mille personnes, qui sont sans assistance humanitaire et la fermeture de 15 écoles ainsi que de 7 centres de santé, précise ce communiqué.

L’Asadho demande l’ouverture d’une enquête internationale pour connaître les vrais auteurs de ces actes. Le communiqué de cette structure recommande au gouvernement congolais de mettre à la disposition des FARDC des moyens conséquents pour leur permettre de mettre fin à l’insécurité dans cette partie du Nord-Kivu. L’Asadho plaide aussi pour l’accélération de la demande d’extradition de Jamil Mukulu, chef des ADF et la relance des opérations Sokola I contre ces rebelles ougandais.[31]

Le 16 décembre, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport selon lequel, en 2015, on a recensé au moins 175 cas de personnes enlevées contre rançon par des groupes armés. La grande majorité des enlèvements documentés ont été recensés dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, dans l’Est du pays.

Dans un incident survenu le 2 septembre, rapporte l’ONG, des hommes armés ont enlevé une étudiante de 27 ans près de l’hôpital général de Goma et l’ont emmenée au fin fond de la forêt, où elle a été détenue avec d’autres otages. Les ravisseurs frappaient et maltraitaient les otages, même en les brûlant avec des baïonnettes chauffées. «Lorsque nous avons demandé de la nourriture, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge», a-t-elle confié à Human Rights Watch. «Si vous voulez manger, voilà la viande, nous ont-ils dit». Elle a été détenue pendant neuf jours, et relâchée après que sa famille ait versé une rançon.

Dans les cas documentés par Human Rights Watch, les ravisseurs ont réclamé des rançons allant de 200 à 30.000 dollars américains par otage, même si les montants payés étaient souvent bien inférieurs à la somme réclamée. Les sources des informations recueillies par HRW ont indiqué que les ravisseurs opèrent en général en groupes d’une dizaine d’individus ou plus, et sont souvent armés de kalachnikovs et d’autres armes d’assaut.Nombre d’entre eux portent des tenues militaires et semblent appartenir, ou avoir appartenu, à l’un des nombreux groupes armés actifs dans l’Est de la RD Congo. Les ravisseurs suivent souvent une procédure similaire: ils frappent, fouettent ou menacent leurs otages de mort, leur demandant d’appeler leurs proches ou leurs employeurs afin de les persuader de payer pour leur libération.

Dans certains cas, les ravisseurs ont enlevé un seul otage, et dans d’autres cas un groupe d’otages. Les ravisseurs ont souvent utilisé les téléphones portables des victimes ou bien leurs propres téléphones afin de négocier le paiement des rançons. Pour mettre fin aux enlèvements, l’ONG invite les autorités de la RDC à créer une unité de police spéciale chargée de lutter contre cette pratique.[32]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 28.12.’15

[2] Cf RFI, 17.12.’15

[3] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 24.12.’15

[4] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 17 décembre 2015

[5] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 21 décembre 2015

[6] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 21 décembre 2015

[7] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 24 décembre 2015

[8] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 26 décembre 2015

[9] Cf Radio Okapi, 27.12.’15

[10] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 08 décembre 2015

[11] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 11 décembre 2015

[12] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 18 décembre 2015

[13] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 20 décembre 2015

[14] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 20 décembre 2015

[15] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 22 décembre 2015

[16] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 23 décembre 2015

[17] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 23 décembre 2015

[18] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 26 décembre 2015

[19] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 27 décembre 2015

[20] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 7 janvier 2016; AFP – Africatime, 07.01.’16 ; RFI, 07.01.’16

[21] Cf RFI, 08.01.’16

[22] Cf AFP – Jeune Afrique, 10 et 11.12.’15 ; Radio Okapi, 10.12.’15 ; RFI, 10 et 11.12.’15

[23] Cf CEPADHO – Communiqué de presse de l’11 décembre 2015

[24] Cf Radio Okapi, 12.12.’15

[25] Cf RFI, 13 et 14.12.’15

[26] Cf RFI, 08.01.’16

[27] Cf Radio Okapi, 16.12.’15

[28] Cf Radio Okapi, 02.01.’16

[29] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 5 janvier 2016

[30] Cf Radio Okapi, 06.01.’16

[31] Cf Radio Okapi, 11.12.’15

[32] Cf Radio Okapi, 17.12.’15

Derrière les adf: soutiens, infiltrations et complicités

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Editoriale Congo Attualità n. 262– a cura della Rete Pace per il Congo

Suspect retour en force des rebelles ADF

La persistance des Forces Démocratiques Alliées (ADF), un groupe armé d’origine ougandaise mais toujours actif au Nord Kivu, une province de l’est de la République Démocratique du Congo (RDCongo), parait fort suspecte. Tout dernièrement, les éléments ADF se permettent de plus en plus des attaques directes contre les positions des Forces Armées de la RDCongo (FARDC), ne cachant plus rien de leur volonté d’affrontement direct. Pour essayer d’expliquer ces changements de stratégie adoptés par les ADF, plusieurs organisations de la société civile du Nord-Kivu imaginent plusieurs hypothèses, notamment:

– l’infiltration des ADF par d’anciens combattants du Mouvement du 23 mars (M23), en repli stratégique en Ouganda et au Rwanda après leur déroute en 2013;

– l’appui des troupes régulières des armées de l’Ouganda et du Rwanda, deux Pays limitrophes qui, dans le passé, ont créé et soutenu plusieurs soi-disant mouvement rebelles en RDCongo;

– la collaboration de certains groupes armés internes, sans oublier

– les complicités au sein même des FARDC.

En effet, les rebelles ougandais n’auraient pas pu, tout seuls, relancer les hostilités contre les troupes congolaises, manifestement mieux équipées, motivées et déployées sur le terrain.

Corrélation entre élections et insécurité?

En outre, 2016 sera probablement une année électorale en RDCongo, avec la possibilité d’organiser les élections jumelées «présidentielle et législatives nationales». Ces scrutins sont si sensibles qu’ils donnent lieu, une année avant leur tenue, à un long bras de fer entre les forces politiques qui veulent conserver le pouvoir et celles qui tiennent à le conquérir.

Lorsque l’on analyse les données du blocage du processus électoral, l’on note que les deux camps s’entre-accusent de ne pas vouloir aller aux élections. Au même moment et à la veille de l’entrée du pays dans la fameuse année électorale, l’insécurité est en train de monter en force au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et même en Ituri. Avec les ADF, auxquelles il faut ajouter les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), qui semblent capables de frapper partout à l’Est et à tout moment, il serait impossible, le moment venu, de procéder à la moindre opération électorale (enrôlement des électeurs, déploiement des kits électoraux, formation d’agents électoraux, localisation des bureaux de vote), etc.

La persistante insécurité dans l’est du Pays pourrait être instrumentalisée comme moyen de sabotage des prochains scrutins, par ceux qui se battent, sous des dehors de démocrates, pour la conservation ou la conquête du pouvoir.[1]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 28.12.’15

Congo Actualité n. 269

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SOMMAIRE

  1. LES RÉVÉLATIONS D’UN NOUVEAU RAPPORT DE L’ONU
    1. Des rebelles burundais recrutés et entraînés au Rwanda puis infiltrés en RDCongo
    2. Des soldats congolais accusés d’avoir tiré sur des Casques bleus tanzaniens
  2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)
    1. Tension entre Hutu et Nande dans les territoires de Lubero et Walikale
    2. Accrochages entre FDLR et Maï-Maï
    3. Les dessous de la violence
  3. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)

 

1. LES RÉVÉLATIONS D’UN NOUVEAU RAPPORT DE L’ONU

a. Des rebelles burundais recrutés et entraînés au Rwanda puis infiltrés en RDCongo

Dans un rapport encore confidentiel et datant du 15 janvier, des experts onusiens accusent le Rwanda de recruter et d’entraîner des réfugiés Burundais accueillis sur son propre territoire, pour renverser le président Pierre NKurunziza et confirment, pour la première fois, l’infiltration de ces rebelles burundais sur le sol congolais. Dix-huit réfugiés, dont six mineurs, munis de fausses cartes d’identité congolaises, ont confirmé avoir été recrutés dans le camp de réfugiés de Mahama, dans l’est du Rwanda, en mai et juin 2015. «Ils ont déclaré que leur but ultime était de chasser du pouvoir le président burundais Nkurunziza», indique le rapport qui a été transmis au Conseil de sécurité. Selon le document, des réfugiés burundais ont reçu des armes et un entraînement militaire de deux mois de la part d’instructeurs de l’armée rwandaise. Une formation qui «comprenait des tactiques militaires, l’utilisation et l’entretien de fusils d’assaut et de mitraillettes, ainsi que des sessions d’endoctrinement idéologique». Les dix-huit réfugiés ont affirmé avoir vu au moins 4 compagnies, de 100 hommes chacune, en phase d’entraînement au cours de leur formation dans une forêt rwandaise. Après l’entraînement initial, les rebelles ont été conduits au Sud Kivu nantis de faux documents congolais fournis par les autorités rwandaises.[1]

b. Des soldats congolais accusés d’avoir tiré sur des Casques bleus tanzaniens

Le rapport des experts onusiens revient aussi sur «l’incident» qui a eu lieu le 5 mai 2015, à 17 heures locales, à Mayi Moya, dans le territoire meurtri de Beni, au Nord Kivu. Ce jour-là, deux Casques bleus tanzaniens avaient été tués et 26 autres blessés dans un accrochage.

Très rapidement, les investigations internes au sein de la Monusco ont pointé les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), très actifs dans cette partie du territoire de la RDC. Mais selon les experts onusiens, ces derniers n’y étaient pour rien. Au cours de son enquête, le Groupe [d’experts] a constaté que l’ADF n’était pas responsable de l’attaque, mais plutôt des éléments de la 31e brigade des FARDC qui avaient tiré sur des Casques bleus tanzaniens.

Comment cela est-il arrivé? Selon des experts onusiens, il ne s’agirait pas d’une quelconque embuscade. Se fondant sur des témoignages des personnes qui prétendent avoir assisté à l’incident mais aussi sur d’autres sources, y compris parmi les officiers congolais, ils affirment que deux soldats congolais, qui se trouvaient à Kisiki, près du lieu de l’incident, avaient été alerté d’un éventuel ravitaillement en armes des rebelles de l’ADF par des Casques bleus.

Ces deux éléments de l’armée congolaise ont alors réquisitionné un chauffeur de taxi-moto pour se rendre à Mayi Moya. «À leur arrivée, des éléments de l’ADF ont tiré sur eux, tuant le conducteur et blessant les deux soldats», rapportent les experts onusiens, qui soulignent que ces derniers avaient tiré et touché les rebelles ougandais et les Casques bleus tanzaniens qui s’y trouvaient avec eux.

Pour l’instant, l’armée congolaise se refuse à tout commentaire officiel sur cette affaire jugée très sensible. En tout cas, l’Etat-major congolais assure que s’il était avéré que des casques bleus tanzaniens avaient ravitaillé les ADF, ce serait un scandale que les autorités congolaises seraient les premières à dénoncer, mais que les premiers éléments de l’enquête ne semblent pas confirmer cette thèse.

Plusieurs versions de l’incident circulent. Les troupes locales sont-elles venues au secours des casques bleus tanzaniens? Y a-t-il eu un accrochage entre les deux forces ou même une attaque de soldats congolais contre les casques bleus? Les hypothèses sont nombreuses. Toutefois, il y a un point sur lequel tout le monde semble d’accord, à savoir qu’un camion contenant de la bière était arrêté au milieu de la route, à 500 mètres d’une position de l’armée congolaise. Selon le spécialiste du Congo Jason Stearns, certains témoignages récoltés par son équipe indiquent plutôt que des soldats congolais étaient en train de piller le camion de bière quand les casques bleus sont arrivés.[2]

Dans une déclaration du 7 février, le CEPADHO a affirmé ne pas partager le point de vue du Groupe des Experts. Le CEPADHO suspecte par contre les ADF dans cette attaque du fait que ces terroristes avaient des motifs légitimes pour réaliser ce crime: à côté du soutien des Casques bleus Tanzaniens aux FARDC dans les opérations de traque contre eux, les ADF se seraient vengées contre la capture quelques jours plus tôt en Tanzanie de JAMILI MUKULU, leur leader.[3]

2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)

a. Tension entre Hutu et Nande dans les territoires de Lubero et Walikale

Le 26 janvier, des présumés rebelles des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) ont kidnappé une cinquantaine de familles dans la localité de Bushalingwa, en groupement Ikobo, à cheval entre les territoires de Lubero et Walikale (Nord-Kivu). Selon la société civile de Luofu, ces combattants rwandais ont emmené ces ménages vers une destination inconnue après avoir incendié leurs habitations. La même source indique que ces combattants occupent le village de Bushalingwa depuis le mois d’octobre dernier.[4]

Le 27 janvier, des altercations ont opposés entre 10 et 11h00 les agriculteurs Nande aux sujets Hutu

hébergés au camp de regroupement de Miriki (Territoire de Lubero). Les Nande ont accusé les Hutu d’être sortis du Camp de regroupement pour s’infiltrer dans leurs champs, en vue d’y récolter frauduleusement des vivres. L’on fait état des blessés de part et d’autre. Il a fallu l’intervention des FARDC pour départager les antagonistes. Ce qui paraît inquiétant, les membres de la communauté Nande, basés à MIRIKI et dont les vivres seraient volés dans les champs, ont menacé d’aller incendier le Camp hébergeant les Hutu.

Selon des sources locales, le camp d’hébergement de MIRIKI héberge 246 dépendants-FDLR venus du Groupement IKOBO, en Territoire de WALIKALE et des déplacés Hutu retournés, ce qui alimente, dans les communautés locales (Nande), la confusion entre déplacés Hutu et FDLR ou dépendants-FDLR. Depuis plusieurs mois, les chefs nande de la région de Miriki s’opposent au retour de déplacés hutu congolais, qu’ils accusent de complicités avec les FDLR.

Le CEPADHO considère que, à défaut du rapatriement, la délocalisation des dépendants FDLR du sud-Lubero est un besoin urgent. Il limiterait les incidents qui opposent presque régulièrement les membres de la communauté Nande à ceux de la Communauté Hutu dans cette zone.[5]

Le 1er février, à Miriki l’on observe un déplacement massif des membres de la communauté Nande. Nombreux nande ont fui vers Luofu, Kirumba, Kayna et Kanyabayonga.

Ceux qui ont quitté la localité de Miriki disent craindre pour leur sécurité. La goûte qui aurait fait débordé le vase c’est la sortie de plusieurs dépendants-FDLR (venus d’Ikobo) et de certains autres déplacés Hutu de leur site d’hébergement (de Miriki) vers Yalika, à 2 km à ouest de Miriki (en localité Mulinde, Groupement Itala). Les Hutu sortis du camp disent qu’ils sont allés s’approvisionner en vivres dans les champs voisins, ce que les Nande rejettent en bloc, disant que ceux-ci seraient sortis du camp pour rejoindre les rebelles rwandais FDLR-RUD signalés depuis deux jours dans les parages. Pour les Nande, ceux qui sont sortis du camp sont allés planifier un nouveau génocide avec les FDLR contre les Nande. Il s’observe que, dans cette zone, les Nande dans la zone considèrent tous les Hutu comme des FDLR; parallèlement les Hutu considèrent tous les Nande comme des miliciens Maï-Maï.[6]

Le 2 février, 6 membres de la Communauté Hutu ont été tués lors d’une embuscade leur tendue entre les villages de Kalevya et de Katundula, en localité Mulinde, à 12 km à ouest de Miriki, dans le Groupement Itala. Les auteurs de ce massacre, des présumés Maï-Maï, auraient accusé ces Hutus d’avoir quitté leur village de Kalevya pour apporter un appui aux FDLR qu’ils affrontaient à Katundula. Ils disent les avoir trouvés avec les effets militaires. Cette version est rejetée à bloc par les membres des familles des victimes qui soutiennent que ces civils Hutu étaient allés s’approvisionner en vivres dans leurs champs avant de croiser sur leur chemin des miliciens Maï-Maï qui les ont tués. Les proches de personnes massacrées parlent de l’intolérance ethnique de la part des Maï-Maï d’ethnie Nande.[7]

Le 3 février, un groupe de retournés hutu ont quitté leur village de Luhanga, en Groupement Itala, pour s’approvisionner dans le marché de Luofu, un village situé entre Kayna et Miriki, dans le Groupement de Tama. Sur leur chemin de retour, ces déplacés hutu extorquaient des biens et tabassaient les paysans nande qui revenaient des leurs champs. En réplique, un groupe de jeunes nande auraient tenu tête jusqu’à tuer un Hutu, lors des altercations. Visiblement, c’est la goûte qui a fait débordé le vase. Les déplacés hutu seraient revenus à Luofu avec la dépouille mortelle en vue de prendre à témoins les habitants et les Autorités de la mort d’un des leur par les Nande. Cette nouvelle épisode a ravivé la tension; les Hutu et les Nande se sont à nouveau affrontés. On déplore plusieurs blessés dans les deux camps. Il est fait état de 7 blessés nande (dont 5 à Luofu et 2 à Vusongo) e 6 blessés hutu. Nombreux habitants de Luofu, principalement de la Communauté nande, ont commencé à vider le village à partir de 18h30, à destination de Kayna, Kirumba et Kaseghe.[8]

Le 5 février, vers 9h00 du matin, à Kasiki, à 13 km au NO de Luofu, dans la localité de Bunyakaisinga, en Groupement Tama, un groupe des Nande (membres d’une mutualité) étaient en plein travail communautaire cultivant le champ, lorsqu’ils ont été attaqués par un groupe de Hutu.

Vers 11h00 locale, les Nande à leur tour et au nom de la vengeance ont commencé à incendier les habitations des Hutu à Kasiki. Face à la menace, tous les Hutu de Kasiki fuient le village à direction de Luhanga (à 8 km-ouest) où ils sont majoritaires.[9]

Le 9 février, vers 16h00 locale, les membres de la communauté Hutu en colère ont incendié les maisons de Nande dans les villages Kalevya (en Groupement Itala, au nord de Miriki) et à Kasenge (en Groupement Tama, localité Busongo), à 9 km au nord-ouest de Luofu, dans le Sud du Territoire de Lubero. En réplique contre ces actes, vers 21H00, le même jour, des sujets Nande se sont mis à incendier les habitations de Hutu à Mbuavinywa, en Groupement Tama, à 28 km-Ouest de Luofu. Suite à ces tensions, dans ces villages toutes les activités restent paralysées.[10]

Le 18 février, l’administrateur du territoire de Lubero, Bokele Joy, a affirmé que, suite à une campagne de sensibilisation de la population pour une cohabitation pacifique, la situation s’est nettement améliorée et la confiance a commencé à se rétablir entre les membres des deux communautés Hutu et Nande. Il assure aussi que l’armée sécurise correctement la population locale.

Une délégation constituée de ministres nationaux et provinciaux s’est rendue dans la région, pour écouter les représentants des deux communautés et tenter de résoudre la crise. De sa part, le porte-parole de la société civile des groupements Tama et Itala, a toutefois affirmé que, malgré cette visite, la tension est encore perceptible entre Hutu et Nande. Selon lui, la situation est encore loin d’être maitrisée.[11]

b. Accrochages entre FDLR et Maï-Maï

Le 7 février, quinze personnes ont été tuées et cinq autres blessées, dans un accrochage entre les rebelles FDLR et les Maï-Maï du groupe NDC/Rénové de Guidon, à Mukeberwa, en territoire de Lubero (Nord-Kivu). L’administrateur du territoire de Lubero, Bokele Joy, souligne que ce combat a éclaté aux environs de 8 heures, lorsqu’un groupe de Maï-Maï, venus de la région de Buleusa dans le territoire de Walikale, a attaqué la localité de Mukeberwa, tenue par les rebelles rwandais, les FDLR, qui ont réussi à repousser les hommes de Guidon de la localité de Mukeberwa. C’est depuis novembre dernier que les Maï-Maï du groupe NDC/Rénové de Guidon appuyés par d’autres jeunes mai-mai de Lubero, font pression sur les FDLR. Ces derniers administrent depuis des années, plusieurs localités du Sud de Lubero ainsi que de l’Ouest de Walikale, provoquant ainsi le déplacement de milliers populations.[12]

Les morts du weekend seraient la conséquence de combats opposant la rébellion hutue rwandaise des Forces Démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) à deux milices congolaises: l’Union des patriotes pour la défense des innocents (UPDI), à dominante nande, et le Nduma defence of Congo (NDC) de Guidon, majoritairement nyanga.

Mais le porte-parole des FDLR, La Forge fils Bazeye, a nié l’implication de son groupe: «Dans ces endroits où il y a eu les affrontements, il n’y a aucun FDLR».

Le Cercle international pour la défense des droits de l’Homme, la paix et l’environnement (Ciddhope) souligne aussi que cette rébellion n’est plus présente dans la région. En revanche, il explique qu’une faction dissidente y reste active: le Ralliement pour l’unité et la démocratie (RUD), du « général » Jean-Damascène Ndibabaje (alias Musare). La Forge fils Bazeye assure que «depuis 2005, c’est une organisation à part» des FDLR, mais un rapport d’experts de l’ONU basé sur 2014 dément cette version. Il indique que le RUD et les FDLR ont combattu le NDC «à plusieurs reprises en mai-juin et en septembre-octobre 2014». Cinq anciens combattants du RUD interrogés évoquent en outre de «bonnes relations» entre ces deux groupes qui, selon un ex-officier du RUD et un employé de la Mission de l’ONU (Monusco), ont même signé un «pacte de non agression».

Le RUD compterait quelque 650 hommes. Qui le ravitaille? «Il échangerait du chanvre contre des armes avec des militaires et des armes contre des minerais avec des Casques bleus », rapporte Delly Mbambu, secrétaire exécutif du Ciddhope. Les experts de l’ONU, eux, pointent du doigt des soldats congolais, en précisant que certains fournissent entre autres les FDLR.[13]

c. Les dessous de la violence

Le 9 février, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, s’est rendu à Miriki, dans le Sud de Lubero, pour y rencontrer les communautés Hutu et Nande. À l’issue de ces consultations, il a accusé les rebelles rwandais des FDLR d’être à la base des violences observées ces derniers temps entre ces deux communautés. Selon lui, les rebelles rwandais qui se sont installés dans le Sud du territoire de Lubero ont une administration, manipulent ces deux communautés et tentent pour l’instant d’y changer le pouvoir coutumier. A Lubero, le pouvoir coutumier est tenu par les Nande. Les FDLR veulent changer d’autorité coutumière et y placer des chefs de leur obédience, a déploré le gouverneur. Pour le gouverneur du Nord-Kivu, la restauration de l’autorité de l’Etat et la neutralisation de tous les groupes armés actifs dans la région s’impose pour mettre fin à cette situation: «La grande disposition que nous venons de prendre ici avec l’armée est de relancer très rapidement les opérations contre les FDLR, mais également contre les Maï-Maï. Parce que, les populations de part et d’autres ont tendance à chercher protections les unes chez les FDLR et les autres chez les Maï-Maï». Il a ajouté qu’il faudrait «coupler ce travail avec une enquête diligentée par les magistrats militaires, pour que les tireurs des ficelles, qui sont localisés même en dehors de cette région, soient identifiés et éventuellement mis aux arrêts, pour qu’ils cessent d’instrumentaliser les populations qui sont pourtant disposées à vivre en paix».​[14]

Le 11 février, la société civile de Kanyabayonga a affirmé que la population ne veut plus de la présence des ex-combattants FDLR cantonnés dans le camp de transit de cette localité dans le cadre du processus DD3R (Démobilisation, Désarmement, réinsertion, réintégration et rapatriement) depuis un an. Les représentants de la société civile exigent le démantèlement de ce camp et le transfert de ces ex-combattants dans un autre site. Selon eux, ce camp ne répond plus à son but initial, celui de transit. Et la présence d’ex-combattants FDLR crée un climat de psychose dans le chef des habitants. Depuis le massacre de dix-huit personnes en janvier dernier à Miriki par les FDLR, certains habitants des quartiers riverains de ce camp à Kanyabayonga ne passent plus la nuit dans leurs maisons, craignant d’être attaquées par ces ex-militaires démobilisés, a indiqué Joseph Malikidogo Mutsuva, porte-parole de la société civile de Kanyabayonga. Selon des sources proches de la section DD3R de la Monusco, des discussions sont déjà en cours entre le gouvernement et la Monusco, pour apporter une solution satisfaisante à cette question.[15]

Le 22 février, dans un mémorandum adressé au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le caucus des députés du Nord-Kivu, dénonce un génocide des Nande par les Hutu congolais militairement soutenus par les Hutu rwandais des FDLR. En outre, les députés du Nord-Kivu font part à Ban Ki-moon de leurs préoccupations sur l’expropriation illégale des terres des Nande dans tout le sud-Lubero par les Hutu rwandais des FDLR qui les ont arbitrairement attribuées à des Hutu congolais de la région. Selon ces députés, ce sont les Hutu rwandais des FDLR qui sont responsables de la crise entre les deux communautés hutu et nande. Sur de vastes territoires qu’ils administrent dans le sud-Lubero, les Hutu rwandais des FDLR ont accordé plusieurs privilèges aux Hutu congolais qu’ils traitent en frères. On apprend de la Société civile de Lubero que dans le sud-Lubero, les FDLR ont révoqué les chefs coutumiers Nande et les ont remplacés de force par des Hutu congolais. Dès lors la haine vivace entre les deux communautés devient inévitable dans tout le Nord-Kivu. La solution, c’est de neutraliser les FDLR dans le sud-Lubero, même si, au regard de la végétation locale, cela est plus facile à dire qu’à faire.[16]

3. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)

Le 13 janvier, vers 13 heures (locales), des présumés ADF ont attaqué simultanément une position des FARDC et une autre des casques bleus de la Monusco à Opira, un village situé à environ 50 kilomètres au nord-est de la ville de Beni (Nord-Kivu). Selon les sources militaires, ces assaillants avaient pour objectif de se ravitailler en vivres et munitions, sans y parvenir, car ils ont été repoussés par les FARDC et la Monusco après une quarantaine des minutes de violents affrontements. Selon le porte-parole des opérations Sokola 1, lieutenant Mak Hazukay, deux assaillants ont été tués et sept militaires ont été grièvement blessés au cours de l’attaque. Quatre ont succombé à leurs blessures dans la matinée du jour suivant.[17]

Le 20 janvier, au terme d’un séminaire de quatre jours organisé par l’ONG des droits de l’homme CEPADHO, plusieurs notables du territoire de Beni ont confirmé l’existence d’une collaboration entre les rebelles ougandais des ADF et «certains fils et filles» de Beni pour planifier des attaques dans la région. «Les participants à ce séminaire, dont les notables de Beni-Mbau et ceux du secteur Ruwenzori, ont affirmé avoir identifié des collaborateurs et complices locaux des ADF à Beni ainsi que certains réseaux financiers de la région qui alimentent ces jeunes», a indiqué Omar Kavota, président du CEPADHO. Ils ont promis de travailler dorénavant en groupe, pour débusquer ces complices internes. Les ADF se sont illustrés ces deux dernières années par des attaques meurtrières contre la population civile à Béni dans la province du Nord-Kivu.[18]

Le 12 février, entre 17h00 et 20h00, les ADF ont attaqué les villages de Lesse et de May-Safi, à 7 km à Est d’Eringeti, dans le Secteur de Beni-Mbau. Les ADF ont aussi attaqué simultanément les positions des FARDC dans ces deux villages. Pendant qu’une partie entre eux attaquait les FARDC, une autre partie se livrait à piller des vivres (surtout des poules et des chèvres), à kidnapper des personnes, à massacre d’autres, à incendier des maisons. Le bilan provisoire de ces attaques fait état de 6 civils tués, 14 kidnappés et 29 habitations incendiées. les civils kidnappés ont été utilisés comme porteurs des biens pillés par les assaillants qui auraient pris la direction du Parc National de Virunga. Suite à cette situation, les habitants ont quitté les villages de Lesse et de May-Safi, en direction d’Eringeti ou de Tsabi (en Ituri voisin).[19]

Le 14 février, les ADF ont attaqué le village de Kambi ya Chui (à environs 18 km à Est d’Eringeti), dans le Secteur de Beni-Mbau, à la limite avec la Province de l’Ituri. Selon un bilan provisoire fourni par le Cepadho, entre 16 et 21 personnes auraient été massacrées au cours de cette attaque.[20]

[1] Cf Agence Fides – Bujumbura, 04.02.’16 ; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 06.02.’16; RFI, 05.02.’16

[2] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 06.02.’16 ; RFI, 05 et 06.02.’16

[3] Cf Déclaration du Cepadho, 07.02.’16

[4] Cf Radio Okapi, 27.01.’16

[5] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 27 Janvier 2016

[6] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 1er Février 2016

[7] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 2 Février 2016

[8] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 4 Février 2016

[9] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 5 Février 2016

[10] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 10 Février 2016

[11] Cf Radio Okapi, 18.02.’16

[12] Cf Radio Okapi, 09.02.’16

[13] Cf Habibou Bangré – Jeune Afrique, 10.02.’16

[14] Cf Radio Okapi, 10.02.’16

[15] Cf Radio Okapi, 11.02.’16

[16] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 23.02.’16

[17] Cf Radio Okapi, 13 et 14.01.’16

[18] Cf Radio Okapi, 22.01.’16

[19] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 13 Février 2016

[20] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 15 Février 2016

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